Du bruit dans les collines brumeuses

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Les collines bruissaient, dans la brise d'avril, du frôlement des feuilles, du sifflet des enfants. Dans les filets de brume, dans le souffle du vent, s'envolaient et flottaient en files infinies des parfums de sous-bois, des effluves de fleurs, des fumets de félin, d'un fauve effarouché qui fuyait en feulant.

Les collines chantaient. Des voix à l'unisson entonnaient une chanson entêtante, entraînante. Ce vieux chant d'antan, un chant à quatre temps, battant une cadence, rythmait les mouvements des enfants haletant tandis que, dans la joie, ils tapaient sur les troncs, des rondins débitant.

Les collines hurlaient. Des hommes étaient venus brandissant des couteaux, bâtons, massues, haches et longs fusils rouillés, une vague d'eaux sombres, lugubres et funestes, affluant de nulle part, fulminant, furibonde, une nuée fusant et tuant sans raison. Des cris, des cris, des cris jaillissaient suraigus de la ligne feuillue dissimulant, complice, des crânes pourfendus, des gorges nues, béantes.

Les collines se taisaient. Plus un bruit, plus un chant, plus un cri, plus de vie. La nature elle-même semblait porter le deuil, tandis que les bourreaux enivrés de fureur, s'y étaient endormis et rêvaient de ce monde sans ces enfants coupables ensevelis bientôt au milieu d'un taillis recouverts de brindilles, leurs yeux grands ouverts, billes blanches fixant les cieux indifférents, dessous les frondaisons.

Les collines puaient. Le parfum de sous-bois, les effluves de fleurs, le fumet du félin avaient cédé la place à l'air nauséabond, à la brume verdâtre de cadavres véreux, à l'odieuse pestilence, aux filets sirupeux suintant de chairs visqueuses, baignant dans une vase, un étrange amalgame d'argiles et de sangs. Ces lieux ténébreux embaumaient comme enfer.

Les collines bruissaient. De claquements clinquant, de cliquetis, de clac. D'autres enfants s'en vinrent dès que les brumes sombres furent enfin condensées en larmes oubliées, dès que les souvenirs terribles des bourreaux, des victimes muettes, dans des temps plus sereins se furent évanouis. Alors les petites mains sombres et curieuses cherchaient sous les feuillages et les lianes au sol, dans l'enchevêtrement de branches et de racines, les os blancs qu'ils choquaient pour en sortir fiers des sons de xylophone.

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