Montrez-moi ces sous-sols

Ces caves, ces greniers,

Où nos pâles pensées,

Où nos nobles idées

Périssent et se désolent

De n'être plus avouées.

Montrez-moi ces penseurs

Croupissant en cellule

Flanqués d'un matricule

Sur le bras tatoué,

Trace de l'infamie

Décrétée par l'ennemi.

Montrez-moi ces lugubres

Chambres et pièces nues,

Des hôtels de police,

Des palais de justice,

Où nos ongles arrachés

Tapissent le plancher.

Montrez-moi ces forêts

Sombres et silencieuses

Où liés, garottés,

Nous mourons sous les coups

Suffoquant de douleur,

Nos cris sourds, étouffés.

Montrez-moi ces charniers

Et ces camps ignorés,

Où nos mains décharnées

Portent à ce brasier

La peau, les os, le cœur,

Offrandes au dictateur.

Montrez-moi ces familles

Ensevelies, décimées

Dont le seul crime fut

De l'avoir trop aimé,

Ce père, ce petit frère,

Aux idées indicibles.

      *

Où sont-ils ? Où sont-elles ?

Où sont tous ces bourreaux

Et ces indicateurs

Qui rapportent et colportent

Mensonges de porte en porte,

Menant à l'échafaud ?

Vous criez : "Dictature

Tu nous lies, nous baîllonnes !

Tes taxes sont notre sang

Versé sur les autels

Nourrissant Présidents

Et gens du parlement."

Mais de quelle oppression,

De quelle soumission,

Enfants de l'Occident

Accusez-vous nos Mères ?

Notre démocratie

Serait-elle R(o)ussie ?

Mais vous qui avez tout

Croyant manquer de tout,

Quel manque de respect

Pour nos frères opprimés

De croire notre patrie

Coupable d'infamie !

Entendez les échos

Des chiliens, des hongrois,

Frères victimes de khmers,

Martyrs des talibans,

Riant à gorge ouverte

De vos petits caprices ?

Ceux-là ils ont souffert

Plus au cœur de leur chair

Et jusqu'au bout des ongles,

Morts pour leurs idées ou

Coupables d'exister

Dans ces vraies dictatures !