Sur la route, dix heures cinquante

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Il avait peu dormi cette nuit et le stress de la matinée ajoutée aux reproches de sa femme avait entamé une partie de ses réserves. Ses yeux clignèrent comme pour confirmer cet état. « Ces dix foutues fois ». Ce chiffre l’obsédait malgré ses efforts pour l’ignorer. En dépit de cela, il ne put empêcher la liste de ses méfaits de défiler comme un décompte absurde.

Son premier dérapage avait commencé vingt ans plus tôt face à l’attitude d’un vagabond ivre. La même année, il avait enchaîné les conneries en crevant les pneus d’un car à l’arrêt par défi.

Un an plus tard, on l’interpella pour le vol d’un CD audio. Il était accompagné de sa copine du moment. Il ne la revit plus par la suite.

À dix-huit ans, il avait, sans mobile apparent, agressé verbalement un passant dans une ruelle pour une cigarette refusée. Sam, qui commençait à somnoler, les mains crispées sur le volant, se remémora le visage apeuré du bonhomme face à ses invectivassions. Il en ressentit de la honte.

Le décompte continuait...

Vingt-quatre mois plus tard, il avait brisé les carreaux des fenêtres d’une maison lors d’une altercation avec un occupant de celle-ci. Il ne se souvenait même plus des raisons qui l’y avaient poussé.

Il s’était assagi un an et demi, puis avait récidivé avec le cambriolage d'une villa pour rembourser des dettes. Cent vingt jours plus loin, il écopait de vingt-quatre semaines d’incarcération dans un établissement pénitencier pour effraction et détérioration.

Trois ans et cent quatre-vingts jours après, il avait bâclé son activité du jour qui consistait à déboucher la conduite d’évacuation principale alors qu’il travaillait dans une fabrique de traitement des déchets dans le cadre d’un contrat d’insertion. Celle-ci s’était engorgée, provoquant par cela l’arrêt de la chaîne de tri tout entière pour une longue période. Il s’était fait remercier sans ménagement.

Toujours la même année, Phil et lui s’étaient un peu trop laissé aller à la boisson dans un bar qu’ils affectionnaient depuis l'adolescence. Ce soir-là, son ami lui avait confié qu'il le considérait comme le frère qu’il n’avait jamais eu, et que, s’il pouvait l’aider à effacer toutes ces mauvaises années, il le ferait sans hésiter.

— La trentaine ressemble à un virage qu’il faut savoir négocier intelligemment pour que la quarantaine t’en soit reconnaissante, lui disait-il souvent en riant.

Quelques verres plus tard, ils étaient bourrés. En partant, Phil avait insisté pour conduire. Trois kilomètres plus loin, ils avaient atterri au fond d’un ravin à cause d’un virage mal maîtrisé. Il s’en était sorti indemne. Phil y avait laissé sa vie.




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