Chapitre 7- Laurena

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Snow Heaven

Une voix appelle mon prénom.

Tel un écho lointain, je l'entends balayé au second plan par mon rythme cardiaque tambourinant dans ma poitrine.

Je suffoque, lutte pour réguler ma respiration. Les battements de mon cœur s'affolent.

Assister à la scène où cet inconnu est emporté par les loups a fait remonter des souvenirs douloureux.

J'essaie tant bien que mal de repousser la panique qui me serre la gorge tandis que les images de mon rêve me percutent avec la violence d'un tsunami.

Une fois de plus, j'y retrouve le visage souriant de ma mère marchant au beau milieu de la forêt de Grey Woods comme si elle n'avait aucunement conscience du danger. J'entends son rire joyeux qui me bouleverse tant je le trouve incompréhensible.

Elle connaissait les règles du traité sur le bout des doigts. Elle faisait partie d'une congrégation de sorcières qui, pour la sécurité de tous, veillait à ce qu'il soit respecté.

Comment a-t-elle pu se montrer inconsciente en y pénétrant ?

Finalement, elle l'aura payée de sa vie et j'imagine qu'il en est de même avec cet inconnu.

Je manque d'air. Je respire difficilement.

Ce besoin de fraîcheur que j'éprouve est incompréhensible alors que mes genoux sont à terre et que mes mains, malgré les gants, sont engourdies par la neige.

— Tu es en train de faire une crise d'angoisse, respire Laurena !

Je cligne des yeux plusieurs fois pour réussir à chasser l'image de Trevor, mon petit ami depuis trois ans, m'examinant sur toutes les coutures comme s'il cherchait à s'assurer que je ne suis pas blessée. Malgré toutes mes tentatives, il est toujours là, m'observant avec une inquiétude palpable que je lis dans le joli vert de ses iris.

Quelques flocons se sont nichés dans sa chevelure châtain. Vêtu d'un trench Camel et d'une écharpe molletonnée, il est d'une élégance sans nom. Plus que je n'en aurais jamais.

Exerçant ses études en médecine à Kingdom of Sky, il est censé revenir à Snow Heaven le week-end prochain. Alors puisse-t-il se trouver là ?

Du dos de la main, il essuie mes larmes, me propose des exercices de respiration que je mets en pratique jusqu'à ce que le brouillard autour de moi se dissipe.

— Trevor ? Je hoquète difficilement, prenant conscience de sa présence. Que fais-tu là ?

— Je voulais te faire la surprise en allant te chercher après ton service lorsque je t'ai entendu crier, m'avoue-t-il sur un ton apaisant. Que s'est-il passé ?

Alors que je lui relate les faits de ces dernières heures, je me dois d'affronter son visage peiné. Il m'est de plus en plus difficile d'écarter cette culpabilité que je ressens. J'aimerais pouvoir lui montrer autre chose que cette jeune femme fracassée. Un jour, il finira par se lasser.

— Aller viens, on ne doit pas rester là, on est trop proche des frontières.

La poudreuse étant épaisse, aucun véhicule ne peut rouler. Nous n'avons pas d'autres choix que de faire le chemin à pied jusqu'à rejoindre la voiture garée en contre bas que Trevor a empruntée à ses parents.

Le visage en appui sur la vitre froide, mon regard est rivé sur Grey Wood.

Soufflés par le vent, les sapins s'agitent, cherchent à se dévêtir de leurs manteaux blancs.

Et comme à chaque fois, je suis captivée par ce lieu maudit.

— Tu ne pouvais rien faire pour cet homme, Laurena. Ce n'est pas de ta faute si ce dernier a franchi la frontière, lâche Trevor afin de me sortir de mon mutisme.

— Je sais !

— T'approcher aussi près pour le prévenir, c'était un acte très courageux !

Je réponds à sa bienveillance d'un maigre sourire. C'est peu mais à l'heure actuelle, c'est tout ce dont je suis capable.

Je songe à Greta, à tous ses non-dits. Puisse-t-elle être celle qui a conduit cet homme à une mort certaine ? À l'intérieur de mon esprit, tout se mélange.

— Es-tu contente que je sois rentré plus tôt ?

Entendant parfaitement l'inquiétude dans sa voix, je me tourne vers lui et cherche à le rassurer :

— Bien évidemment !

Même si notre relation n'est pas parfaite, je suis heureuse qu'il soit là. Là où beaucoup m'auraient abandonné, lui est resté. Et alors qu'il a tout du petit ami idéal, je regrette de me montrer aussi distante.

— Les résultats de mes partiels ont été bons ce dernier semestre. Raison pour laquelle j'ai eu le droit à quelques jours.

Devenir médecin a toujours été son rêve. Je suis fière de lui. À la différence du mien, son avenir est tout tracé. Une fois ses études en médecine terminées, il reprendra le cabinet familial.

— À cause de la neige, mes parents ne rentreront pas du week-end alors j'ai pensé que tu pourrais dormir à la maison ce soir. Ce serait l'occasion pour nous deux de nous retrouver.

Et voilà que Trevor aborde « Le » sujet fatidique qui n'est autre que le problème majeur de notre couple. Il espère de moi plus que je suis en mesure de lui offrir. Même si j'ai confiance en lui, je ne me sens pas prête à sauter le pas. Du moins, plus maintenant.

À la mort de ma mère, certaines de mes émotions se sont éteintes. J'ai l'impression que tout ce qu'il me reste est la souffrance du deuil et le poids de ma colère.

Rien que l'idée de partager toute forme d'intimité me rend mal l'aise. Peut-être qu'au fond de moi je crains de le décevoir par mon manque total d'expérience. Pourtant, je sais qu'il ne m'en tiendrait pas rigueur. Mon petit ami fait partie de ces hommes qui traitent leurs femmes comme des princesses.

Dommage que ma vie n'a absolument rien d'un conte de fées.

— Je préfère être chez moi. Lucas ou mon père pourraient avoir besoin de moi.

À ma réponse, Trevor s'arrête sur le bas-côté et se mordille la lèvre inférieure.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de passer la nuit chez toi, ma puce !

— Et pourquoi ça ? hasardé-je

— Lucas était censé t'en parler !

— Me parler de quoi, Trevor ? je m'agace.

Son silence est la preuve évidente qu'il en sait plus qu'il ne veut l'admettre.

— Ton père a demandé à ton frère d'intégrer le bataillon !

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