Chapitre 4- Laurena

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Snow Heaven

Aussitôt arrivée, je me précipite au vestiaire.

Ici, hormis Hateya, nous portons tous le même uniforme. Ainsi, nous sommes plus facilement repérables par les clients bien qu’à Snow Heaven, tout le monde se connaît.

J’enfile la robe bleu ciel, serre la ceinture blanche au maximum pour souligner ma taille puis pars à la recherche d’un élastique qui traîne au fond de mon casier. Le chapeau ridicule que je vais devoir porter aura au moins la décence de dissimuler mes cheveux qui n’ont pas été coiffés ce matin par manque de temps.

J’attrape mon badge, l’accroche à ma poitrine puis rejoins la salle afin d’entamer mon service.

— Désolée Hateya, je suis en retard.

— Ce n’est pas grave, elle me répond d’un sourire amical. C’est assez calme ! Toute cette neige qui s’est accumulée ces derniers jours a rendu l’accès au restaurant compliqué.

Et je ne dirais pas le contraire.

D’ailleurs, je ne sais pas comment elle fait pour supporter un hiver aussi rigoureux en étant habillée de ses robes bohèmes à manches courtes. En même temps, Hateya est une personne semblable à aucune autre. Ses connaissances hors du commun ont fait d’elle cette excellente chamane avec laquelle j’adore apprendre.

— Mais puisque tu es là, je vais te laisser prendre la commande des Garryson.

J’acquiesce puis récupère carnet et stylo que Lili, ma collègue, me tend et pars à la rencontre de mes clients.

J’aime particulièrement travailler ici. Dans ce lieu règne une chaleur inexplicable qui se ressent dès qu’on en franchit les portes. Elle m’apporte une échappatoire, un baume au cœur capable de panser mes plaies ouvertes le temps de quelques heures.

Bien que mon couple d’habitués connaissent la carte sur le bout des doigts, je souris en les voyant le nez dedans comme s’ils espéraient y découvrir une nouveauté.

— Alors, dites-moi, Monsieur et Madame Garryson, qu’est-ce que je vous sers aujourd’hui ?

Alors que j’attends patiemment qu’ils m’annoncent leur commande habituelle, la cloche du restaurant se manifeste. Par réflexe, je tourne la tête et observe l’homme qui vient tout juste d’entrer. Mes yeux étudient son profil, suivent chacune des courbes de son corps avec intérêt.
Chaque centimètre de son anatomie est alors scanné, analysé avant d’être classé à l’intérieur de ma mémoire.

Je note son regard sombre, ténébreux, bien que légèrement fuyant. Ses cheveux indisciplinés d’apparence foncés sont dissimulés sous une capuche. Ses traits virils accentués par une barbe soignée, mettant en valeur le rose de ses lèvres pulpeuses et agréablement bien dessinées.

Tout de noir vêtu, son magnétisme accapare tout l’espace. Cet homme est saisissant, troublant et n’est visiblement pas d’ici.

Accueillir de nouveaux visages n’est plus chose courante de nos jours. La beauté de Snow Heaven ne suffit plus et cela se comprend.

Qui viendrait dans un village où une meute de loups réside à quelques kilomètres ?

Sans compter que la mort de ma mère a longtemps fait la une des journaux. De quoi en dissuader plus d’un.

Sentant sûrement mon regard sur lui, ses yeux chocolat croisent les miens.

Il aura suffi d’un court instant. De quelques secondes. Assez pour en être troublée. Et si j'en crois le Poméranien des Garryson qui est vite parti se planquer au fond de leur sac après avoir joué quelques secondes au chien de concierge, je ne suis pas la seule.

— Est-ce que tout va bien, Laurena ? me demande Georges Garryson.

— Euh… oui ! Bien sûr ! je réponds, désarçonnée. Je vais vous chercher vos muffins.

— Mais nous n’avons pas encore commandé, jeune fille ! s’offusque sa femme.

Oups ! Là, c’est vraiment la honte !

— Excusez-moi, Marie ! Je suis distraite ce matin !

Sentant le regard de cet inconnu sur moi, mes pommettes me chauffent tellement que cela devient insupportable. Ma main ne fait que trembler.

— Finalement, on va prendre les muffins, m’achève Marie Garryson.

Bah, voyons !

Tout en retournant au comptoir afin de préparer leur commande, j’essaie de ne pas me laisser déstabiliser par la présence de cet inconnu, mais mes yeux, eux, se révèlent indisciplinés. Ces traites sont partis à sa recherche pour le trouver installé à la table la plus éloignée.

Son attention rivée sur la carte, il fait abstraction des regards braqués sur lui, le visage enfoui sous la capuche de son hoodie.

— Est-ce que tu le connais ? me demande Lili d’un air curieux.

Comme si j’avais le physique pour côtoyer un homme tel que celui-ci.

— Non ! C’est la première fois que je le vois.

— Je crois que je vais me dévouer pour aller prendre sa commande, elle poursuit, guillerette.

Lorsqu'elle ouvre les premiers boutons de sa robe, je roule des yeux.

Pourquoi les femmes se sentent-elles obligées d’user de leurs apparences pour espérer séduire la gent masculine ? Et après, elles se plaignent d’avoir été utilisées par ces derniers.

Avec Trevor, mon petit ami depuis trois ans, je n’ai joué d’aucun charme. Je suis resté moi-même et tout s’est fait naturellement. Notre relation est simple. Elle n’est pas parfaite, mais aucune ne l’est. Sans compter que depuis la mort de ma mère, je suis loin d’être la compagne idéale.

— Je vais m’en occuper, Lili ! proteste Hateya en nous faisant sursauter.

C’est impressionnant la façon qu’elle a d’apparaître sans qu’on s’y attende.

Au vu du ton sérieux qu’elle vient d’employer, personne n’aura voix au chapitre.

Ma collègue semble déçue de ne pas avoir eu la possibilité de jouer de son charme. Quant à moi, je suis contente de rester à l’écart et de ne pas avoir eu besoin de lui adresser la parole.

Pour aujourd’hui, je me suis assez ridiculisé. Il ne manquerait plus que je lui renverse son café dessus.

Pendant que les Garryson dégustent leurs muffins au chocolat, j’en profite pour revenir au bar et ranger tout ce qui en a besoin. En m’œuvrant à la tâche, je ne peux m’empêcher de jeter des regards furtifs sur eux. Et je constate qu'Hateya et cet homme mystérieux paraissent se connaître. La chamane est assise en face de lui et tous deux conversent avec sérieux. Et ne cherchant pas à freiner ma curiosité, je laisse traîner une oreille, mais rien ne filtre. C’est comme si leurs lèvres se contentaient de remuer et qu’aucun mot audible n’en sortait.

Étrange !

Lorsque je constate qu’une épaisse fumée blanche s’échappe de la cuisine, je les quitte du regard et ne perds pas une seconde pour y entrer. À peine ai-je franchi le seuil, que je reconnais l’odeur de sauge qui y flotte. Bien qu’elle possède de multiples vertus, cette plante est principalement utilisée pour purifier un lieu et y chasser les mauvais esprits.

Malgré moi, je m’interroge sur la raison qui a poussé Hateya à s’en servir.

Voulait-elle l’utiliser comme moyen de purification ou pour un sort d’intimité ?

Cela a-t-il un rapport avec cet homme mystérieux ?

Et si ceci est exact qu’a-t-elle de si important à cacher ?

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