Chapitre 2- Hayden

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Grey Woods

Assis confortablement dans mon fauteuil, j'observe comme hypnotisé la danse incandescente des flammes. Le son du crépitement du bois dans la cheminée résonne à mes oreilles telle une mélodie apaisante. À cet instant, il n'y a pas de meilleur endroit où je rêverai d'être.

Bien qu'à l'écart, j'entends l'effervescence des membres de la meute. Connecté à eux, je ressens leur amour, leur loyauté jusqu'au plus profond de mes tripes.

Mais pire encore, je l'ai senti... lui.

C'est pour cette raison que je ne me mêle pas aux festivités organisées pour le retour de notre Alpha. Je sais que ce n'est que partie remise et que bientôt, on viendra me chercher. Après tout, ma position m'y oblige.

Quand ses yeux sont partis à la recherche des miens et cela sans les trouver, a-t-il eu mal ?

Je l'espère sincèrement.

Croyait-il vraiment que j'allais me pointer la bouche en cœur ?

Qu'il aille se faire foutre. Je suis un loup et non un mouton.

Lorsque mes sens affinés m'informent d'une présence sur le pas de ma porte, je plonge mes lèvres dans mon verre de Scotch. Le moment est arrivé. Je suis déjà surpris que cela ait été si long.

— Hayden ?

Sans s'être annoncé, mon petit frère pousse la porte et pénètre dans le chalet. Lorsqu'il apparaît dans mon champ de vision, j'observe, le sourcil relevé, ses bottes de neige. Si près de la cheminée, la poudreuse bien compacte commence à fondre sur le tapis.

Devant ma léthargie, il croise les bras sur son torse dans un geste qu'il espère intimidant. Quant à moi, je cherche à dissimuler mon sourire naissant. Hormis notre grande taille et quelques traits similaires, Isaac est tout mon contraire. Ses cheveux sont blonds tandis que les miens sont foncés. Alors que je suis indomptable, lui est docile. Là où il attend tant de reconnaissance chez notre Alpha, je n'en ai jamais cherché.

Bien au contraire, j'aimerais tout simplement continuer à vivre ma vie dans mon chalet inconfortable sans qu'on essaye de me formater. Passer des heures sur la terrasse assis sur le rocking-chair qui appartenait à ma mère. Je veux qu'on me fiche la paix et lire de vieux ouvrages poussiéreux en entendant le chant du ruisseau à quelques mètres lorsque celui sera dégelé. Je désire oublier toutes ces images qui pourrissent mes nuits et qui me malmènent jour après jour. Après tous ces mois, ma colère est toujours aussi vivace.

— Il est de retour !

Croyait-il réellement que je l'ignorais ?

Devant mon silence, Isaac poursuit :

— Vas-tu rester là à boire toute la journée ? me demande-t-il un air revêche.

— Ai-je vraiment d'autres options ? Et dire qu'il y a de cela une petite heure, une jolie louve se démenait entre mes cuisses ! l'informé-je, laissant mes souvenirs remonter à la surface. Enfin, ça, c'était avant qu'elle ne se décide à s'enfuir comme si elle avait le diable aux fesses !

Et tout ça pour aller l'accueillir !

Mon frère arque un sourcil puis souffle d'un air dépité avant de se mordiller la langue comme il le fait à chaque fois qu'il est contrarié. Ma colère n'est pas dirigée contre lui et il le sait. Lui et moi avons toujours été fusionnels, je donnerais sans hésiter ma vie pour la sienne. Isaac me considère comme un modèle, son complice et son confident. Je suis d'ailleurs le seul auquel il a avoué son homosexualité.

— Hayden, je ne suis pas tout le temps d'accord avec lui, mais je dois reconnaître que cette fois son idée n'est pas mauvaise. Une alliance potentielle avec la meute de Black Creek est ce dont nous avons besoin pour espérer nous relever.

Et cela, je le sais bien !

Chaque jour, les patrouilles des hommes autour des frontières de notre territoire se font de plus en plus nombreuses. Elles font fuir le gibier et désormais notre peuple s'affaiblit et meurt de faim. Je le sais parce que ces derniers soirs, j'ai puisé dans mes ressources pour chasser et offrir mon maigre butin aux plus fragiles bien que mon ventre soit tout aussi vide que le leur.

Et si on en est arrivé à cette situation, c'est uniquement la faute de Konur. Je le tiens pour responsable. En faisant ce qu'il a fait, il a trahi sa famille, perdu mon respect et a fait naître la folie chez les hommes.

Aujourd'hui, nous ne sommes plus des chasseurs, nous sommes devenues des proies traquées. Une espèce à éradiquer.

— Situation désespérée, mesure désespérée, ajoute-t-il.

J'ose lui jeter une œillade, Isaac n'est pas au courant de tout ce que cet arrangement avec la meute voisine va engendrer par la suite. Surtout pour moi, pour nous deux. J'ai voulu le préserver, mais il l'apprendra bien assez tôt.

Un pacte avec eux va non seulement nous permettre de chasser sur leurs terres et nous offrir des alliés sur lesquelles nous pourrons compter en cas d'attaque. Sur le papier, ça sonne comme la solution miracle, mais il y'a toujours un prix à payer.

En échange, Konur m'a vendu à la fille de l'Alpha de la meute de Black Creek. Mon petit frère ignore que je vais devoir partir.

Car oui, c'est bien ça l'enjeu ! Épouser la fille, détrôner son père et me hisser en tant que nouveau chef de meute.

Même si je savais qu'un jour je devrais endosser le rôle d'Alpha, je n'ai jamais désiré gouverner des terres qui ne sont pas les miennes. Je ne veux pas non plus de ce mariage arrangé. Bien que je ne sois pas du genre sentimental, j'attendais bien plus qui me pousse à quitter ma vie de célibataire et de débauche. Par ce que oui c'est, ce qu'elle est et cela me convient !

— Hayden, ça va faire un an, je pense qu'il est temps d'oublier.

Une fois de plus, toutes ces images auxquels j'ai assisté se bousculent dans mon esprit avec la force d'un tsunami. Oublier, je ne pense pas que cela soit possible. Lui pardonner, non plus.

Je suis incapable de faire comme ci de rien n'était et de ravaler ma colère. Je suis un très mauvais menteur.

— Alors est-ce que tu m'accompagnes ? tente à nouveau mon petit frère.

Sa main est tendue dans ma direction pour m'inciter à me lever, mais je ne bouge pas d'un iota et plonge mes lèvres dans mon scotch.

— OK ! J'ai compris !

Isaac soupire puis reprend le chemin de la sortie. Une fois sur le pas de la porte, je sens son regard sur moi.

— Hayden, je ne te demande pas de le faire pour lui, mais fais-le au moins pour la meute. Votre différend pèse sur nous tous et tu le sais. Durant son départ et malgré toutes vos tensions, n'oublie pas qu'il t'a confié la meute et cela sans hésiter.

Et sur ces derniers mots, mon petit frère disparaît me laissant à nouveau seul.

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