Charm

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Jinx reposait dans son lit. Son visage paisible ne laissait transparaître qu’intérieurement, elle luttait contre la mort. Charm l’avait ramenée du village aussi vite qu’il put, évitant à la fois les orcs et les soldats. Il avait caché un cheval non-loin et avait chevauché à vive allure pour rejoindre le couvent des Pleureuses. Il va s’en dire que celles-ci avaient trouvé la cénéphir dans un triste état. Clairement, elle avait déjà mis un pied dans le royaume des morts. Les Larmes pleurèrent pour elle et implorèrent leur déesse afin qu’elle ramène Jinx dans le monde des vivants. Un sursis lui fut accordé mais elle n’était pas tirée d’affaire. Comme l’avait dit la Larme Supérieure, c’était maintenant à la cénéphir de choisir si elle voulait vivre ou non. Et nul ne savait à quel point Jinx ne voulait plus de cette vie de douleur et de servitude… Mais Charm l’ignorait et il priait du peu de foi qu’il avait pour sa guérison.

Voilà dix jours que Jinx reposait au couvent. Comme Charm n’avait pas de quoi faire de donation aux Pleureuses en remerciement de leur aide, il s’employait à faire n’importe quoi tant qu’il pouvait aider la communauté des Larmes. Les premiers jours, il fit des travaux manuels : réparer le toit, arranger l’étable, etc… Ensuite, il découvrit que les Larmes brassaient leur propre bière donc il donna des conseils à Larme Germaine, la brasseuse. Puis, comme il savait lire et écrire plusieurs langues, il fit de la retranscription et de la traduction. Il mangeait peu pour ne pas être un fardeau pour le couvent, et dormait dans la remise, l’étable ou les cuisines ; peu importait l’endroit tant qu’il ne gênait pas outre mesure. Les Larmes en étaient d’ailleurs reconnaissantes : le couvent n’était pas riche, les soins et miracles qu’elles prodiguaient étant entièrement gratuits. Une bouche à nourrir représentait déjà un effort pour tout le monde.

Le soir du onzième jour, alors que Charm était au chevet de la cénéphir, il entendit Larme Marie, la même qui l’avait sauvé un an auparavant, accompagnée de plusieurs personnes dont les bottes ferrées résonnaient d’un bruit métallique sur les pierres du couloir. Absorbé dans ses réflexions et prières, Charm ne réalisa qu’au dernier moment que trois soldats étaient ici pour lui. Ils étaient menés par le Sergent Morta qui entra le premier dans la chambre. A leur vue, la gorge de Charm se serra…

« Charm, nous sommes venus t’arrêter pour félonie et mensonge. » dit le sergent d’un ton réprobateur.

Le kaméen devina en un instant la raison de ces accusations. Et c’était vrai ! Mais il ne comptait pas les laisser le prendre sans se défendre. S’éloignant du lit de peur de déranger la cénéphir et faisant signe au sergent de reculer aussi, il demanda :

« Pour quel motif exactement ? »

Le sergent soupira. Il était visible qu’il ne désirait pas avoir à se battre ni argumenter avec le kaméen aujourd’hui.

« Charm, ne nous rends pas la vie plus difficile qu’elle ne l’est. Nous savons que tu as menti sur la disparition de la Baronne lorsque tu es venu demander notre aide. Tu as prétendu qu’elle était prisonnière des orcs et ce n’était pas le cas.

- Pourquoi ce n’était pas le cas ?, répliqua Charm. Elle pourrait avoir été emmenée ailleurs par les orcs avant notre intervention !

- Car la Baronne est rentrée chez elle la semaine dernière, saine et sauve, de retour d’une visite à un cousin dans le Sud. Tu le sais d’ailleurs très bien puisque nous avons appris que tu avais aidé à préparer son départ. Son intendant nous a raconté qu’il manquait de main d’œuvre et a embauché quelques bras forts pour compenser. Il se souvenait très bien de toi d’ailleurs… »

Charm serra les dents. Il n’aurait jamais cru que l’armée aurait cherché aussi bien.

Le sergent continua :

« Tu as délibérément menti à des représentants du pouvoir militaire. Tu as aussi utilisé le nom de la Baronne sans son consentement. Elle est en furieuse, à ce propos ! Sept soldats sont morts lors du combat à cause de toi. C’est grave !

- Mais nous avons vaincu les orcs !, protesta Charm. C’était une bonne chose, non ? »

Les yeux du sergent se firent plus durs.

« Même si la destruction de ce village d’orcs qui était situé à quelques jours à peine de nos maisons a probablement sauvé des dizaines de vies, ce n’est pas pertinent : tu as menti et triché. Tu dois être puni par les lois de notre pays. Nous t’emmenons avec nous. »

Charm savait reconnaître quand il avait perdu.

« Qu’allez-vous faire de moi ?, demanda-t-il.

- Pour commencer, t’emmener en prison où tu seras jugé. Ensuite, cela dépendra de la sentence. »

D’un geste de reddition, Charm tendit les poignets et les trois soldats les lui ligotèrent. Alors qu’ils allaient partir, le sergent désigna la cénéphir alitée et demanda :

« Qui est-ce ?

- C’est celle que vous avez réellement sauvée, avoua-t-il. Je ne connais pas son nom mais elle était esclave du Capitaine Braidy et de son équipage. Le soir où vous avez arrêté les pirates, je l’ai libérée et nous nous sommes enfuis.

- C’est ton amante ? »

Cette question fit sourire le kaméen.

« Même pas. Je me suis juste juré de la mettre à l’abri et de la tirer de sa servitude…

- Je respecte ça, acquiesça le sergent. Elle est vraiment chanceuse pour que tu aies donné ta vie pour elle… »

Et il fut emmené.

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