Charm

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Charm était tendu comme il ne l’avait jamais été. Dans cette forêt, arme en main, il progressait vers l’objectif en essayant d’être le plus silencieux possible. Il n’était pas très discret, mais toujours mieux que ses voisins de droite et de gauche : lui, au moins, ne portait qu’une armure légère, contrairement aux deux hommes avec leur armure de mailles. Ceci dit, la furtivité n’était probablement que son seul avantage : en cas d’attaque, l’armure de cuir de Charm ne le protègerait pas beaucoup…

Il n’était qu’à quelques centaines de mètres de leur but ! Charm attendait ce jour avec impatience. Il n’avait pas eu de nouvelles de la cénéphir depuis l’attaque des orcs il y a presque un an. Sa mémoire était confuse mais il se souvenait s’être disputé avec la jeune femme et elle lui avait donné un coup dans les parties. Classique… Puis il avait senti une grande douleur dans le dos et eut à peine le temps de voir les orcs se jeter sur la cénéphir alors qu’il perdit conscience. La suite lui avait été racontée par Larme Marie qui l’avait veillé lors de sa convalescence : son corps avait été trouvé par des chasseurs, baignant dans une mare de sang. Heureusement, un couvent de Pleureuses n’était pas loin et les hommes renoncèrent à leurs prises de la journée pour y transporter le kaméen.

La blessure était mortelle, et les Pleureuses durent invoquer la puissance de leur déesse pour le sauver. Vivant, mais gravement touché, plusieurs mois furent nécessaires afin qu’il récupère. A peine put-il remarcher qu’il quitta le couvent à la recherche de la cénéphir. Mais il était tellement faible et inexpérimenté qu’il ne trouva pas la moindre piste. Alors il réalisa que le mieux à faire était de demander de l’aide à un professionnel. Comme il n’avait aucun argent, il fit des petits boulots, des courses et même des choses un peu plus louches jusqu’à qu’il eût réuni la somme nécessaire pour engager un pisteur. Et il avait réussi ! Quelques semaines plus tard, ils retrouvèrent les traces qui les menèrent à un village rempli d’orcs ! Hors de question de tenter quelque chose tout seul. Il s’adressa donc à nouveau à l’armée et après des semaines de tractations et aidé à peine par un tout petit mensonge, il put réunir une cinquantaine de soldats. Aujourd’hui, ils allaient prendre le village d’assaut et sauver la cénéphir. Pour une raison qui l’échappait, Charm était convaincu que la jeune femme était encore en vie, comme s’il le ressentait. Il devait tout faire pour la sauver !

Les soldats approchaient silencieusement du village, au couvert des arbres. Les éclaireurs avaient précédemment repéré les positions des tours de garde orcs et ils avaient établi un plan d’attaque afin de les éviter. Ironiquement, c’était le Sergent Morta qui menait les hommes, le même qui avait arrêté les pirates et contribué à sauver la cénéphir la première fois. C’est vers lui que s’était tourné le kaméen pour demander de l’aide. Une fois convaincu, le sergent avait réuni une troupe et grâce aux indications de Charm et de son pisteur, ils avaient localisé sans peine le village orc. Nul ne soupçonnait son existence alors qu’il était à moins de trois jours à cheval d’une ville…

Faisant signe de s’arrêter, le sergent réunit ses troupes et dit :

« Le village est en face, de l’autre côté de ces grands arbres. Le plan est simple : on attend midi et on attaque. Les orcs ne supportent pas le soleil : ils seront soit endormis soit dans leur hutte. On rentre et on les massacre. Ils ont probablement des prisonniers humains : si vous en trouvez, libérez-les et envoyez-les ici. Et si vous trouvez la Baronne, appelez quelques autres soldats et escortez-la ici. Compris ? »

Tous les soldats acquiescèrent. A L’évocation de la baronne, Charm grinça les dents mais nul ne s’en rendit compte.

Il restait une heure avant midi. Charm fit au mieux pour se mettre dans un coin et ne pas attirer l’attention. Il n’avait aucune intention de se battre : il devait se faufiler dans la bataille et retrouver la cénéphir… en espérant qu’elle soit vivante !

Les combats faisaient maintenant rage dans le village. Les soldats avaient fondu sur les orcs et n’avaient fait qu’une bouchée des premiers. Revenus de la surprise initiale, les ennemis organisèrent leur défense et rendirent coup pour coup. Les armes s’entrechoquaient, les orcs beuglaient, les hommes criaient des ordres ou hurlaient de douleur : c’était la cacophonie totale ! Une aubaine pour Charm qui n’eut aucun mal à progresser. Afin de voir tout le village, il grimpa sur le toit d’une hutte que les soldats venaient juste de « vider ». A plat ventre pour ne pas se faire remarquer, il scrutait les environs et essaya de deviner où étaient retenus les prisonniers. Soudain, quelque chose attira son attention : une troupe d’orcs, qui au lieu de se diriger vers la bataille, sortait de trois huttes et s’enfuyaient par derrière. C’était probablement là ! Charm redescendit de son perchoir et se faufila entre les maisons, discret.

La première hutte était totalement calfeutrée et Charm ne pouvait pas voir à travers. Il n’avait pas d’autre choix qu’entrer. Délicatement, il enclencha un carreau dans son arbalète de poing, une version à une main de l’arbalète, puis releva délicatement un pan de peaux qui recouvrait la hutte. Il scruta à l’intérieur mais n’aperçut aucun mouvement. Il entra dans la hutte et au moment où le pan retomba, Charm fut soulevé par un orc qui se tenait en embuscade. Affolé, il tira son carreau sur son ennemi qui le prit en plein dans la poitrine. L’orc ne semblait pas très affecté et il projeta le kaméen contre le mur. Charm sentit quelques côtes se briser à l’impact et eut le souffle coupé. Alors l’orc se jeta sur lui mais le kaméen eut à la dernière minute le réflexe de rouler sur le côté, évitant de justesse de se faire écraser par son assaillant. Malgré la douleur, Charm se remit debout et dégaina son épée. Celle-ci avait l’air tellement petite par rapport à son adversaire ! L’orc se remit debout rapidement. Il attrapa une chaise qu’il lança à la tête de Charm. Celui-ci la para mais fut déséquilibré et vacilla. L’orc saisit l’opportunité pour se jeter à nouveau sur lui et le plaqua au sol. Puis, il commença à l’étrangler de ses mains puissantes et larges. A moitié assommé, le kaméen essaya de se débattre mais la poigne de l’orc était de fer et il n’arrivait pas à s’en libérer. Son épée courte était à quelques mètres mais quand même hors de portée. Charm tenta de taper dans les côtes de son adversaire mais ses poings ne semblaient ne faire aucun effet. A l’inverse, le kaméen commençait à apercevoir des points noirs et avoir la tête qui tourne, signe qu’il commençait à manquer d’air. De panique, il banda ses muscles au maximum et réussit à repousser l’orc, lui donnant assez de jeu pour le renverser. Alors qu’il se releva, il se prépara au prochain assaut mais son adversaire était encore au sol et ne bougeait pas. Croyant à une ruse, Charm attrapa un tabouret et l’écrasa sur la tête de l’orc, qui l’encaissa sans réagir. Etonné, le kaméen s’arrêta et regarda son adversaire : l’épée courte saillait de son abdomen. En se renversant, l’orc s’était empalé lui-même sur la lame… Quelle chance ! Tiré d’affaire, Charm prit quelques minutes pour reprendre son souffle. Il essaya de récupérer son épée mais en vain : elle était coincée dans le cadavre. Tant pis ! Il attrapa un bout de chaise et s’en servirait comme gourdin. Remémorant tout d’un coup le but de sa présence, il regarda tout autour pour trouver une trace de la cénéphir mais la hutte était vite. Une faite, deux de plus ! Il sortit.

Charm alla rapidement vers la deuxième hutte. Alors qu’il allait regarder par l’ouverture, le pan de l’entrée de la hutte se releva brusquement et un orc géant en sortit en trombe, renversant le kaméen au passage, puis continua en courant. Charm n’eut pas le temps de réagir mais avant que l’orc ne disparaisse dans la forêt, il eut l’impression qu’il portait quelque chose dans ses bras.

Le kaméen se releva et s’approcha à nouveau de l’entrée. Il fut alors frappé par une odeur horrible : un mélange de saleté, d’excréments et de sang. Au fond, un corps baignait dans son sang. Charm se précipita et réalisa que c’était la cénéphir ! Quelle joie ! Mais la jeune femme avait été charcutée au niveau du ventre. Elle était morte ? Charm se jeta sur elle et prit son pouls : filant mais vivant. Elle allait mourir dans les quelques minutes ! Alors le kaméen mit ses mains sur la plaie, ferma les yeux et se concentra. Pendant toutes ses années où il avait étudié auprès de Misa, celle-ci lui avait appris le pouvoir des mots. Elle lui en avait enseigné un en particulier qu’il chuchota alors. Le son fut presque imperceptible mais ses mains se couvrirent tout d’un coup d’une aura dorée et la lumière s’infiltra en la jeune femme. Elle s’arrêta de saigner. Charm était à bout de souffle et se sentait vidé de toute son énergie. Mais la cénéphir était loin d’être tirée d’affaire ! Il devait la ramener chez les Pleureuses. Ignorant sa faiblesse et sa douleur, il prit la jeune femme sur son dos…

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