Jinx

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Jinx reprit conscience quelques heures plus tard, avec une douleur lancinante à la nuque et un mal de crâne carabiné. Elle était dans une sorte de hutte recouverte de larges peaux d’animaux qui puaient horriblement. Ses bras et ses jambes avait été attachés à des anneaux de métal fixés dans le sol : elle ne pouvait pas bouger. De désarroi, elle poussa un long soupir.

Les bruits de dehors dénotaient d’une forte activité. Surtout les discussions, dans une langue gutturale qu’elle ne comprenait pas. Mais même si elle ne saisissait pas la signification des mots, elle était sûre de ce que c’était : de l’orc ! Elle se trouvait dans un village de ces créatures brutales et répugnantes !

Quelques heures plus tard, Jinx entendit du bruit proche et vit un orc entrer dans la hutte. En fait, vu les protubérances au niveau de la poitrine, il s’agissait d’une orc. Celle-ci était imposante : elle atteignait probablement un mètre quatre-vingt et était aussi large que grande. Ses cheveux frisés et hirsutes cachaient partiellement une figure horrible dont le trait majeur était ses deux yeux rouges enfoncés dans leurs orbites. Elle portait une sorte de tablier de cuir auquel pendaient plusieurs outils en métal comme une pince ou un marteau.

L’orc s’approcha d’elle d’un pas décidé puis saisit de sa main droite la gorge de Jinx. Celle-ci essaya de se débattre mais la poigne de l’orc était comme un étau de fer qui resserrait de plus en plus son étreinte, étouffant partiellement la cénéphir. Puis, de ses gros doigts griffus, elle força la mâchoire de Jinx à s’ouvrir puis observa ses dents. Apparemment satisfaite, elle la relâcha pour arracher d’un coup sec les hardes que la cénéphir portait. Puis elle commença par une inspection minutieuse de tout son corps, commençant par la poitrine, les bras, le dos, etc… D’une main de fer, elle força Jinx à écarter les jambes et afficha un air déçu. Finalement, elle la relâcha, regarda rapidement les fesses, jambes et pieds pour ensuite partir.

Jinx tremblait de tout son corps, choquée, écœurée et totalement effrayée. Lorsque l’orc eut quitté la hutte, la cénéphir craqua et commença à pleurer abondamment. Intérieurement, elle maudissait le jour de sa naissance, les pirates, les saltimbanques et surtout ce nabot qui l’avait mené dans les griffes des orcs. Elle maudissait encore plus sa malchance et souhaitait ne jamais avoir existé. A bout de force, plus morale que physique, elle s’évanouit.

Un bruit à l’entrée réveilla la cénéphir. L’air était plus frais et la majorité des bruits externes s’étaient tus. C’était probablement la fin de la nuit. La femme orc venait à nouveau de rentrer. Mais cette fois-ci, elle était accompagnée d’un autre orc, un mâle immense entièrement nu. Jinx devina rapidement ce qu’il allait se passer et des larmes lui montèrent à nouveau aux yeux. Elle avait enduré mille douleurs dans sa vie mais elle ne pensait pas pouvoir supporter celle-ci. Pris d’une soudaine rage de désespoir, elle commença à s’agiter et crier ! Elle tenta à nouveau de se libérer de ses liens, mais ceux-ci tinrent bon. La femme orc s’approcha et lui colla son poing dans la figure. Jinx sentit son nez partiellement éclater sous l’impact et du sang couler à flot. Elle était KO et manqua de s’évanouir. Alors l’autre orc s’avança et la força à s’allonger, puis la prit violement sous le regard de la femme orc.

Les jours qui suivirent furent une torture pour Jinx. Non seulement son corps avait été brisé car l’orc avait été violent dans ses ébats, mais aussi elle avait atteint un désespoir qu’elle n’aurait jamais soupçonné. La seule pensée qui l’habitait en permanence était qu’elle voulait mourir. Ses liens étaient très courts et très serrés et malgré tous ses efforts, elle ne put pas mettre fin à sa vie. Alors elle tomba dans un état catatonique et le temps ne sembla plus l’affecter.

Les quelques moments de lucidité étaient d’une douleur morale horrible. C’est donc à peine qu’elle se rendit compte des changements de son corps. En tout cas, pas jusqu’au jour où « Bobo », sa geôlière orc – c’était le nom que Jinx lui avait donnée – arriva avec un autre orc qui avait l’air très vieux. Celui-ci portait des colliers plein de gris-gris macabres et s’appuyait sur un grand bâton surplombé d’un cadavre de corbeau en décomposition. Le vieil orc s’approcha de Jinx et lui mit la main sur le ventre. C’est à ce moment-là que la cénéphir remarqua que celui-ci était devenu rond, très rond ! Réalisant l’horreur de son état, Jinx essaya à nouveau de se libérer, ce qui lui valut un coup de boule de la part du vieil orc. Assommée sur le coup, elle ne rendit pas compte qu’il lui traçât avec un bout de charbon une série de runes sur le ventre.

Les mois passèrent et Jinx passa la plupart de son temps en catatonie. Bobo venait tous les jours s’occuper d’elle, la forçant à manger pour ne pas qu’elle dépérisse, inspectant et écoutant son ventre. Mais un matin, Jinx fut prise de douleurs horribles. Elle hurla comme elle n’avait jamais hurlé et se tordait dans ses entraves, le fer des anneaux mordant sa chair meurtrie. Alertée, Bobo arriva rapidement. Il ne fallait pas être médecin pour deviner que le bébé était sur le point de sortir. Jinx, dans son délire de douleur, souhaita que le bébé naisse mort, et s’il elle pouvait mourir en couches aussi, ce n’en serait que mieux. Bobo, quant à elle, préparait l’accouchement, vérifiant la dilatation et enduisant l’utérus de la cénéphir d’un onguent à l’odeur répugnante. Jinx, quant à elle, avait l’impression d’avoir les tripes en feu et beuglait de douleur. Elle soufflait, pleurait, criait et essayait tout ce qu’elle pouvait pour expulser le monstre de son corps. Mais le bébé se présentait mal et Bobo était de plus en plus dépassée. Alors l’orc attrapa un couteau de sa ceinture et se plaça au-dessus de la cénéphir, l’empêchant ainsi de remuer. Puis, d’une main sûre, elle trancha le ventre, écarta les parois abdominales, déchirant les muscles au passage, et enfonça ses mains dans l’incision béante. Quelques secondes plus tard, elle en ressortit le bébé. Celui-ci, prenant sa première inspiration, commença à hurler et pleurer, en concert avec sa mère qui était au bord de l’évanouissement, tétanisée par la douleur. Alors Bobo fit un geste inattendu : elle posa le bébé sur le ventre de la cénéphir et força Jinx à le regarder. Le bébé était la chose la plus horrible qu’elle n’eut jamais été donnée de voir. Non seulement il avait les traits horribles des orcs, mais en plus son visage était déformé et une grande crevasse parcourait sa joue gauche. Mais alors qu’elle était dans la douleur et le choc le plus total, Jinx ressentit pour quelques secondes à peine une chaleur au niveau de la poitrine. C’était son bébé ! Malgré son apparence hideuse, malgré son ascendance orc, il était la chair de sa chair, le sang de son sang ! Alors, malgré sa faiblesse, elle lui balbutia ces quelques mots :

« Tu seras Ceri-ú-anír… »

A ce moment-là, des cris retentirent de toutes parts dans le village. Puis en quelques secondes, ce fut le chaos : les orcs criaient, le choc des armes se fit entendre. Un combat se livrait dehors ! Bobo, alertée, sortit quelques secondes pour voir ce qu’il se passait et re-rentra aussitôt. D’un air résolu, elle arracha le bébé des bras de Jinx et trancha le cordon ombilical d’un coup de couteau. Puis elle s'enfuit en courant.

Quant à Jinx, la chaleur qu’elle avait ressentie au cœur s’était déplacée à son entre-jambe et elle sentit la vie la quitter. Au sol, la paille sur laquelle elle reposait baignait dans le sang…

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