La vile

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 J'ai d'abord créé cette oeuvre (je veux dire donc le recueil dans son ensemble) pour exprimer le genre de choses que vous trouverez dans ma pas très bien titrée Ecran. Et puis finalement je me suis réduit à des fragments semblables à ceux que vous trouvez dans Rencontres, ainsi que dans le début du Jeu des voiles et des dévoilements. Ces trois-là sont bien emmêlés, il faudra que je m'occupe de les distinguer précisément.
 Bref, des chapitres de La vile, c'est le tout premier, Impressions souterraines, qui est le plus proche de l'esprit originel. Vous y aurez reconnu un haïku. Je l'avais composé en même temps que mon haïku infusé, pour le concours de la RATP. À vrai dire, c'est même celui avec lequel j'ai le plus hésité. Je me disais en effet qu'il s'accorderait parfaitement avec sa location (dans la rame du métro), avec sa situation, qu'il permettrait de remplir (la poésie est là pour habiter le monde). Seulement, je l'avais conçu d'après une impression (justement ; le titre date du moment où je l'ai posté sur Scribay ; c'est un titre dont je suis assez content) négative, sombre. Comprenez coeur de métal comme coeur de pierre. Du reste, Ecran transmettra bien de tels sentiments. J'avais aussi à l'esprit, dans ce haïku, une image ; je vois à peu près des câbles qui s'enfoncent dans l'arrière-plan mystérieux. Peut-être me venait-elle de Full Metal Alchemist (dans l'antre du...du méchant barbu, quoi).
 Quant au haïku donné en présentation, je n'ai pas grand chose à en dire. T'aimer loin de toi est à moitié vrai ; j'y vis encore, dans quelle mesure y échappé-je vraiment...? Je dirais, l'aile, l'elle ou l'l, ce n'est jamais qu'un rêve (comme je dis bizarrement pour "marcher sur - dans ? - la lune" dans mon Journal de nuit ; de toute façon j'y évoque la chanson plus qu'autre chose). Alors, on peut s'échapper comme Jules Verne, en rêvant. En peuplant la ville de gargouilles, en la décomposant, << Comme elle est belle la ville et ses lumières pour les fous / Celui qui veut il la découpe en tableaux >>
 - Je vous avoue une chose, je reste quand même embarrassé de citer Noir Désir maintenant, c'est rendu assez difficile, et pas entièrement illégitimement : je ne suis pas très chaud pour faire l'apologie de Cantat avant ou après Vilnius ou du groupe ou quoi que ce soit. Et celui qui dit (je veux dire, comprenez, qui se contente de dire) "Il faut distinguer blablabla", en général c'est le même que celui qui dit le contraire, il me semble donner raison à Sartre parlant de l'inauthentique. De toute façon, sur ces sujets, il n'y a je crois pas mieux que Stannis Baratheon : << Good actions do not clean the bad ; nor the bad the good >>. C'est encore une fois le principe de garder les yeux ouverts, fondamental dans ma philosophie telle qu'elle se constitue peu à peu. - J'ai fait référence dans une de mes oeuvres au film Silence.
 Bref. Après l'histoire de la une des Inrocks, j'ai pensé à écrire (c'était avant que je m'inscrive ici cependant) sur ce sujet, sur les notions de rédemption, de faute... Je crois qu'il nous manque aujourd'hui la capacité d'assumer. On cherche un intermédiaire, on pense qu'on peut nettoyer, "clean", et obtenir une médiété qui sera la conclusion finale. Elle permettra peut-être de juger la personne au sens de, l'évaluer, mais elle ne la restituera pas. Celui qui a accompli de très nombreuses actions qui s'entrebalancent, il n'est pas "nul", il est quelque chose, il est même beaucoup. Bref : on voit ce qu'on peut nettoyer ; mais dans certains cas, on se crispe, on se dit que tout de même, on ne peut pas nettoyer une telle chose : et dans ce cas c'est le bannissement de l'humanité. Cantat doit se retirer dans un monastère, il ne doit plus jamais ouvrir la bouche, on ne doit plus entendre parler de lui - d'accord, dirai-je, mais si on peut agir de telle sorte à faire parler de soi, reste que ça ne dépend pas vraiment de soi. En fait, ceux qui tiennent un tel discours (trouvé notamment dans des commentaires Facebook), ce qu'ils appellent de leurs voeux, c'est l'élimination de Bertrand Cantat - sans le dire. C'est comme ça que ça se nomme. Je peux comprendre ; mais il faut être authentique. Et il y a une autre voie. Je crois qu'on peut faire comme Stannis : on coupe une main, dans l'autre on donne des titres. En l'occurrence bien sûr, la balance est plus déséquilibrée (parce qu'on ne peut louer l'engagement artistique de Cantat comme une oeuvre humanitaire comparable au mal qu'il a commis), mais le principe pourrait rester le même. Je ne te dédouanerai jamais de ce que tu as fait, c'est pas la peine d'y penser : c'est fait, et c'est fait pour l'éternité. Mais maintenant, on fait quoi ? on assume. Je crois que c'est un mot très important pour notre présent : assumer.
 J'avais pensé tout ça ; mais à l'émission de C dans l'air d'aujourd'hui, a été mentionnée une enquête récente qui démonte dans une assez large mesure la défense lors du procès de Vilnius (j'avais lu intrigué un jour une note justifiant, la remise en liberté conditionnelle de Cantat, c'était assez différent de ce que je trouvais dans les médias). Il aurait été violent plusieurs fois avec les femmes avant Vilnius, et on l'aurait su autour de lui tout en le taisant, à la demande de Rady principalement. La journaliste parlait de "mentir" au procès (en niant qu'il eût jamais été violent auparavant).
 Tout ceci complique les choses. J'ai pas de bol, je découvre Noir Désir parmi mes premiers pas en musique, si je peux dire, je découvre Rousseau dans mes premiers pas en philosophie : dans les deux cas je me rends compte par la suite d'une tache d'ombre. Trop facile de nier, de s'abstraire, d'oublier ; je préfère assumer, porter un peu du fardeau, décider que ça reste comme une partie de moi. Vous comprenez - je m'écarte totalement du sujet, c'est tout à fait involontaire -, je demande pardon quand je renverse un objet, même quand personne ne regarde ; et une fois, j'ai demandé pardon à la place d'une autre personne qui traversait la route interrompant brusquement une voiture dans sa course. C'est un peu un tort ; mais je crois que c'est une chose plutôt bonne dans un monde comme le nôtre. Certains prétendent qu'on s'auto-flagelle beaucoup trop ; si c'était le cas, nous aurions beaucoup plus de courage que ce ne semble être présenté - par eux-mêmes. Certes on peut être une espèce de gros laisser-aller faible, et se flageller, physiquement, comme dans le Nom de la rose. Mais se flageller très authentiquement et de telle sorte à se changer, à s'améliorer, à persister, supporter vraiment, voilà qui est véritablement de la force. Assumer.
 Bon. Je crois que ça éclaircit un peu les perspectives malgré tout. La ville, c'est aussi ceux qui y habitent. Qui y donnent sens. C'est aussi notre époque.

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