Indiana

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Eh oui, enfin, j’avais un chat ! J’ai déjà expliqué que mes parents avaient cédé après la mort de Neige, mon hamster ; je peux maintenant aborder l’arrivée de ce petit félin.

Il était né chez mon cousin Gauthier, et avait été appelé Indiana en référence à Indiana Jones, parce qu’il avait été le premier chaton de la portée à s’aventurer loin de sa mère. On lui donna le nom d’un aventurier mais en pensant qu’il s’agissait d’une petite chatte, et c’était d’ailleurs en partie pourquoi je l’avais choisie, m’imaginant à l’époque qu’un chat femelle serait plus doux, plus affectueux (ou alors que ce serait ma seule chance de recevoir des caresses d’un membre du sexe féminin ?). Mais une fois que l’erreur fut remarquée, « Indiana » convenait encore mieux. Hubert m’apprit certes que lui et sa mère n’avaient envisagé ce nom que de façon provisoire avant que le futur maître de l’animal ne lui en donne un définitif, mais pour ma part il ne me paraissait pas concevable de changer le nom de quelqu’un : tant pis si ce n’était pas moi qui avait choisi ce nom, il existait et j’allais le conserver.

Indiana arriva chez moi par une belle après-midi ensoleillée. Francis était avec moi à la maison, et ce fut mon oncle, qui faisait régulièrement le trajet en voiture entre la Brenne et la région parisienne, qui apporta le petit chat, dans une sorte de grande cage toute en osier. Je pouvais à peine contenir ma joie ! (Cette phrase est révélatrice, vous ne trouvez pas ? Car pourquoi aurait-il fallu contenir quoi que ce soit ?) Indiana devait avoir trois mois, il était donc déjà assez grand, d’autant plus qu’une fois adulte il serait un chat d’une belle taille, très élancé*, avec exactement les mêmes rayures noires que sa mère sur son pelage marron. En sortant de sa cage il ne se montra pas du tout craintif, il était très affectueux, mais pour autant le voyage et tous ces gens qui lui tournaient autour et l’admiraient durent provoquer chez lui un certain stress, qui lui fit faire pipi dans le petit couffin que nous lui avions acheté pour dormir. Cela ne me sembla pas très grave, mais pour mes parents c’était un mauvais signe ; surtout, j’avais prévu qu’il dorme dans ma chambre et à cause de ce petit oubli bien pardonnable, il ne fut pas autorisé à y rester et dut dormir dans la cuisine, ce que je regrettai profondément.

D’ailleurs par la suite jamais je ne fus autorisé à le garder pour la nuit alors que j’en mourrais d’envie. Pourtant, jamais il ne fit ses besoins dans ma chambre, et il utilisa toujours comme il fallait sa litière après cet incident du premier soir. A quelques exceptions près. Enfin, un peu plus que des exceptions : il faisait régulièrement pipi sur le lit de mes parents. En plein milieu. Mais ce n’était pas de sa faute ! Mes parents en effet s’obstinaient à toujours fermer la porte de leur chambre ; or Indiana adorait se cacher dans les placards pour dormir, là où on ne le voyait pas. Il devait trouver les piles de pull-overs très confortables. Et mes parents, sans le voir, l’enfermaient. Peut-on lui reprocher, dans ces conditions, de ne pas réussir à se retenir toute la journée, et de faire ses besoins là où il pouvait ? Quand il était enfermé dans la cuisine, il pouvait ouvrir la porte en appuyant sur la poignée, s’il montait sur les paillasses pour être à la bonne hauteur, mais dans la chambre de mes parents la configuration ne le permettait pas, et peut-on sincèrement exiger d’un chat qu’il se débrouille avec les portes ? Le fait d’entrer ou de sortir constitue déjà chez ces animaux un choix qui leur est fort difficile, les forçant à prendre une décision sur laquelle ils reviennent souvent, ou qu’ils regrettent sitôt l’avoir prise : il faut donc bien que quelqu’un s’occupe de la porte pendant qu’ils réfléchissent. Or là, quand mes parents étaient partis pour la journée, il n’y avait personne ! Donc, il faisait pipi sur le lit... Mais n’était-ce pas pour le mieux, quand on y pense ? Personne n’avait réalisé, à l’époque, qu’il s’agissait d’une décision prise à contrecœur, après avoir murement réfléchi et envisagé toutes les possibilités. Aurait-il dû rester dans le placard et souiller les vêtements ? Non, sans l’ombre d’un doute. Aurait-il dû se soulager dans un coin de la chambre ? Alors certes son pipi se serait moins répandu, la tache aurait été plus concentrée ; mais la moquette aurait été impossible à nettoyer ! Non, vraiment, je ne vois rien de mieux que le matelas, et de faire cela en plein milieu permettait d’épargner les oreillers et d’éviter que le liquide ne déborde. Mon chat était attentionné et très intelligent.

Et moi, bien conscient de la chance que j’avais de partager la vie de ce petit animal, je m’en occupais beaucoup. Tout d’abord je passais énormément de temps à jouer avec lui, en le faisant courir avec de petits jouets accrochés à des ficelles, ou plus tard avec une petite corde d’alpiniste trouvée au sommet d’une montagne en haut d’une paroi (je n’ai jamais imaginée que cette corde ait pu tomber d’un sac, pour moi une corde en haut d’une paroi signifiait nécessairement que quelqu’un n’avait pas de corde, et donc était tombé de ladite paroi, mais ne cherchez pas de logique là-dedans c’était juste un jouet pour mon chat). Je l’amenais ainsi d’un bout à l’autre du jardin jusqu’à ce qu’il soit essoufflé, ce qui prenait un certain temps. Malheureusement au bout de quelques années il devint moins joueur et ne répondait plus à mes stimulations. Il faut dire qu’il était devenu un chasseur redoutable : il alla jusqu’à ramener des petits lapins et un écureuil, après des excursions de plusieurs jours. Je détestais ramasser ses trophées de chasse, surtout avec sa manie de toujours séparer la tête des souris de leurs corps (quoiqu’il restait souvent un vague filament rougeâtre pour relier les deux morceaux), mais je ne lui en tenais pas rigueur, je savais qu’il ne faisait que répondre à sa nature. Tout de même, je lui choisis un collier agrémenté d’un petit grelot doré pour avertir les oiseaux ; mais je ne crois pas que cela eut le moindre effet. Et puis j’étais trop content qu’il revienne pour lui en vouloir, car il avait la fâcheuse habitude de partir plusieurs jours, voire plusieurs semaines : je me revois nettement à la porte-fenêtre de la cuisine, la nuit tombée, restant là de longues minutes en l’appelant pour qu’il vienne dormir à la maison, et n’ayant souvent pour réponse que les cris stridents des chauves-souris. Mais parfois il m’entendait et accourait, et j’étais ravi. Et après lui avoir soigneusement essuyé les pattes avec du papier absorbant, je pouvais lui donner sa pâtée, parce que bien sûr c’était moi qui le nourrissait, et qui lui faisais avaler ses comprimés quand il avait besoin de médicaments, tache quasiment impossible mais qui ne me faisait pas désespérer (sans doute parce que, après avoir avalé sa pilule cachée dans un petit morceau de fromage, il avait la décence de ne pas la vomir en ma présence, contrairement à ma chatte actuelle). Je le mettais également dans la baignoire pour lui administrer son traitement anti-puces voire, de temps à autre, pour lui donner une douche avec un shampoing (avec l’aide de ma mère, car même avec la meilleure volonté du monde il fallait plus qu’une seule paire de mains pour réussir cette opération).

Il faut préciser que je n’avais pas de point de comparaison : aujourd’hui, ayant une chatte qui n’est jamais malade, qui se sert toute seule ses croquettes**, qui se débrouille pour ne jamais rentrer sale dans la maison, qui fait tous ses besoins dans le jardin et n’a même plus de litière, et que je traite contre les puces et les vers avec des pipettes ultra simples d’utilisation, je me rends compte que les soins que je prodiguais à mon chat étaient relativement nombreux ! Mais de toute façon cela ne me dérangeait pas tellement j’étais heureux d’avoir chez moi, enfin, un compagnon qui me comprenne et me soit à jamais fidèle.


* Les voisins le qualifieraient de maigre, mais c’était uniquement parce que leur chat trop nourri était obèse.

** Oui, c’est possible. Elles sont dans un tube percé de petits trou qu’elle doit faire rouler pour se nourrir, ne prenant ainsi que le nécessaire.

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