La guerre des étoiles

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Oui, parce que si nous revenons au sujet de cette partie du livre, à savoir l’époque du collège, ce qui marqua mon entrée dans ce nouvel âge fut que mon père m’offrit un baladeur. Enfin il me donna le sien parce qu’il s’en était acheté un nouveau, mais il fonctionnait, à part que les cassettes n’étaient peut-être pas lues tout à fait à la bonne vitesse, à ce qu’il me dit, mais je ne pouvais m’en rendre compte. Ainsi, même si cette année j’allais arrêter le piano, la musique allait commencer à prendre dans ma vie une place bien plus importante. Je me souviens en particulier avoir écouté ce baladeur quand j’étais à Chamonix avec mon cousin, sans doute l’été avant d’entrer au collège ; j’écoutais le premier concerto pour piano de Chopin dans le noir avant de m’endormir. Oui, à l’époque je n’envisageais pas d’écouter autre chose que de la musique classique. Cela me venait sans doute de l’impression extrêmement désagréable que m’avaient laissé les chansons idiotes du professeur de chant de l’école, et dès cette époque il semble que je cherchais à fuir une certaine forme de médiocrité, que je percevais dans la chanson mais que, dans ma grande ignorance, je croyais retrouver aussi dans le jazz (il n’est pas impossible que je confondais le jazz et le rap : on peut avoir pratiqué un instrument pendant plusieurs années et n’avoir aucune connaissance des différents genres musicaux, si personne ne vous les a présentés). Mon père, en m’offrant son walkman, m’avait demandé quels disques je voulais qu’il me copie sur des cassettes, et j’avais insisté pour n’avoir que du classique, ayant peur d’afficher un intérêt pour autre chose. Il avait insisté, je m’étais obstiné. Par chance, si sa discothèque d’œuvres classiques n’était pas très fournie (il écoutait surtout du rock anglo-saxon) elle contenait certaines excellentes pièces, qui allaient rester à jamais parmi mes œuvres favorites : tout d’abord le premier concerto pour piano de Chopin (le numéro un, celui qu’il composa en deuxième), sans doute le disque que j’écoutai le plus dans ma vie ; mais également la symphonie fantastique de Berlioz, et la symphonie du Nouveau Monde de Dvorak, qui me fascinaient au point de ne pouvoir me résoudre à écouter d’autres symphonies seulement dotées d’un numéro ; et enfin le Peer Gynt de Grieg qui me touchait tout particulièrement.

Assez rapidement j’allais demander un radio-cassette, pour remplacer mon vieux mange-disque dont j’avais légèrement dépassé le répertoire (adieu, Winnie), et les cassettes purent quitter le walkman et ses écouteurs pour faire vibrer l’air et mes oreilles avec une autre dimension. La radio, cela allait sans dire, restait inlassablement positionnée sur Radio Classique, imitant en cela ma grand-mère paternelle qui était toujours réglée sur cette fréquence, comme je m’en rendais compte à Chamonix où elle avait même un petit poste spécial rien que pour son cabinet de toilette. Grâce à mon radio-cassette, je pouvais en plus enregistrer les sons de ma Game Boy, et c’est ainsi que je me mis à écouter la musique de Star Wars dont j’allais devenir un adorateur particulièrement fervent, grâce à un jeu qu’un nouvel ami allait me prêter.

Les jeux vidéo furent un réel moteur pour l’amitié ; sans eux j’aurais été infiniment plus solitaire (sans compter le fait que la solitude aurait été encore moins supportable…). Ainsi donc, je voulais jouer à Star Wars sur ma Game Boy, mais je ne possédais pas le jeu. Quelqu’un me parla de Florian, un garçon qui avait été dans ma classe l’année d’avant mais ne l’était plus. Je résolus alors de l’inviter pour mon anniversaire à la fin du mois, et à cette occasion il me prêta le jeu en question. Ce fut le début, non seulement d’une grande passion pour la guerre des étoiles, mais surtout d’une nouvelle grande amitié puisque si Florian n’intégra pas le groupe que je formais avec Francis et Xavier (qui eux restèrent dans ma classe et que je côtoyais donc davantage au collège), je le voyais énormément en dehors des cours.

Nous partagions beaucoup de choses. Nous adorions tous deux le roller et nous ramenions fréquemment nos patins l’un chez l’autre. Quand nous eûmes appris, en cours d’art plastique, à utiliser la perspective, nous commençâmes à nous occuper en dessinant à la règle des dessins de vaisseaux spatiaux, dont les fameux X-Wing que nous retrouvions sur dans des jeux de simulation au joystick qui restèrent parmi nos favoris (nous nous relayions à l’ordinateur pour détruire ces maudits TIE Fighters, et chez lui cela s’accompagnait quasi systématiquement d’une bonne boîtes de cookies). Nous commençâmes aussi à échanger en nous écrivant en code, soit en transformant les lettres en chiffres quand nous découvrîmes le système binaire, soit en décalant les lettres à la manière des énigmes que nous devions résoudre après un lancer de dés dans les « Livres dont vous êtes le héros » (avec Pip, le héros de la table ronde détenteur d’une épée parlante). Nous parlions anglais pour ne pas être compris de mes frères, et nous découvrîmes ensemble que pour progresser dans cette langue nous pouvions aller plus loin et tenter de penser en anglais. Nous avions la même passion pour les romans de science-fiction (il lut le premier tome de Dune au moins sept fois !). Et nous allions souvent dormir l’un chez l’autre (pas en même temps hein, nous n’échangions pas nos maisons, cela n’aurait servi à rien), en partageant le repas du soir ou celui du lendemain. J’aimais particulièrement cela car ses parents, avec qui nous mangions, étaient très agréables. Peut-être ne l’étaient-ils pas toujours avec lui, et peut-être l’étaient-ils encore moins quand je n’étais pas là ; mais en tout cas avec moi ils se comportaient normalement et je découvris avec eux que des adultes pouvaient avoir une conversation naturelle avec des enfants, voire même avec leurs propres enfants ! Qui plus est, son père était bon cuisinier et je me régalais : je me souviens de ses tartines de champignons au four, et du fait qu’il insistait pour que je prenne avec ma seule assiette de pates autant de beurre que ce que ma mère mettait dans la casserole pour toute la famille. Et chez eux les pizzas étaient mieux cuites, la pâte était mole car ils savaient quel côté du papier aluminium il fallait utiliser, un secret jalousement gardé qui mériterait quelque subvention pour des recherches approfondies. Sans doute aimais-je aussi quand c’était lui qui mangeait chez mes parents, puisqu’alors le repas devait être un peu plus normal, même si je lui expliquais bien que quand il n’était pas là on ne me parlait pas.

Et lui aimait venir, car ses parents, pourtant plus compréhensifs que les miens, ne voulaient pas de chat chez eux ; or chez moi il y avait Indiana, mon chat.

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