Les animaux

5 minutes de lecture

Vous ne me croirez peut-être pas mais je suis assez surpris de m’étendre aussi longtemps sur des sentiments positifs. Il est vrai que jusque-là, me lire ne n’a pas dû être très joyeux. Désolé de me plaindre tout le temps… Mais maintenant, je tiens quelque chose : de l’empathie, qui me permettait de partager la joie des autres. Certes, ce partage ne se produisait pas assez souvent (avant le collège et l’achat par ruse d’une Game Boy, je ne passais quand même pas beaucoup de temps sur les jeux vidéo) mais il était bel et bien là.

Suis-je dépendant du bonheur des autres ? M’est-il nécessaire pour pouvoir parvenir au mien ? Je ne vais pas m’éterniser là-dessus, mais je garde cela en tête. Je vais plutôt aborder l’autre sujet qui put faire mon bonheur quand j’étais petit : les animaux. A l’école primaire, dans cette classe de CP de laquelle nous nous sommes un tout petit peu éloignés en étirant le temps, mais dans laquelle nous revenons à présent, il y avait un hamster, qui devait être gardé par les élèves pendant les vacances scolaires. Et moi, je l’avais gardé, et cela m’avait plu.

C’était tout mignon, un hamster ! Alors aujourd’hui quand je vois un animal en cage cela m’attriste, mais à l’époque je voyais surtout un copain, un ami, qui ne demandait qu’à être apprivoisé et qu’à jouer avec moi. Quand j’accompagnais ma mère faire les courses, nous allions parfois dans des magasins de jardinage qui disposaient d’une animalerie, et je regardais toutes ces petites bêtes, les poissons, les souris, les gerbilles, les cochons d’Inde, et mon cœur se serrait d’émerveillement devant les moindres gestes de ces animaux, il bondissait du désir d’en ramener un avec moi, car il serait automatiquement mon plus fidèle compagnon, mon confident, le partenaire d’une vie d’insouciance… Il ne devait pas y avoir de chatons dans ces magasins, sinon je ne m’en serais jamais remis (le chat étant comme chacun sait le plus bel animal de la Terre et le plus digne de notre intérêt, le seul capable de vraiment nous comprendre et de nous apprécier pour ce que nous sommes*).

Je crois que l’on m’offrit d’abord des poissons, des tout petits d’à peine deux ou trois centimètres. Mais cela ne dura pas longtemps, car ils sautaient en dehors de l’aquarium… Comme l’expérience fut brève, je ne crois pas en avoir été traumatisé. Et puis les poissons me faisaient certes ressentir de l’émerveillement devant leurs belles écailles et leurs couleurs brillantes, mais pas de la complicité ou de la douceur, contrairement aux petits animaux à poils. Je dis petits, car j’avais fait deux fois des classes poney, en CP justement et aussi l’année d’avant ; j’en garde un bon souvenir mais je crois quand même que ces bêtes plus grandes que moi me faisaient un peu peur. Et puis, c’était compliqué, il fallait les attacher, prendre des précautions, on ne pouvait pas juste les prendre dans une main pour les frotter contre sa joue. Alors qu’un petit hamster, pour peu qu’il n’ait pas la bouche pleine…

Et j’allais finir par en avoir un ! Vers la fin de l’école primaire. Un hamster femelle, grise et blanche, que j’appellerais Neige. Elle aurait une cage bleu ciel, un enclos tout autour fait d’une grande plaque de mélaminé entourée de planchettes de bois pour lui donner plus d’espace sans qu’elle n’aille courir partout sur la moquette mais qu’elle aurait vite fait de savoir escalader pour se cacher sous mon lit... Elle jouerait dans ma robe de chambre, entrant par une manche et ressortant par l’autre… Elle allait être merveilleuse.

J’étais donc très attiré par les animaux. Je voulais naturellement être vétérinaire ; malheureusement j’abandonnai très vite cette idée car quand je l’exprimai, on me fit tout de suite remarquer qu’un vétérinaire devait piquer les animaux trop malades pour continuer à vivre et, bien sûr, je ne m’imaginais pas capable de faire cela**. Pourquoi cette attraction ? J’ai dit tout à l’heure que, sans en avoir conscience, je captais les émotions qui passaient autour de moi. Est-ce à dire que j’avais l’impression d’être très proche des gens, de les comprendre instinctivement ? Eh bien non, car ces émotions étaient souvent négatives, elles devaient me faire mal et donc je cherchais, sans comprendre, à m’en protéger, en fuyant le contact avec les autres personnes qui ne m’apparaissaient souvent que derrière une barrière de peur. Peut-être alors ressentais-je qu’avec les animaux, je pourrais être en sécurité, qu’ils n’auraient rien de négatif à déverser en moi, et qu’en leur compagnie je pourrais m’ouvrir, être davantage moi-même ?

Bien sûr à cet âge je ne me rendais pas compte que je n’étais pas moi-même. J’étais moi. Je pensais être moi. Simplement, en me rapprochant des animaux, je me sentais bien. Et mes animaux favoris, c’étaient les chats, tous les chats, gros et petits. Les félins au sens large.

Je me souviens aussi qu’en primaire, sans doute vers le CE2 ou le CM1, j’avais commencé à remplir un petit classeur de cuir marron avec de petites fiches cartonnées. Sur chacune de ces fiches, je notais toutes les informations que je dénichais sur un même félin : ses caractéristiques physiques, son mode de vie… Je reproduisais au crayon les motifs de son pelage, et au stylo rouge je notais son nom scientifique en latin. Je me souviens très bien de ce dernier élément, car j’avais entrepris de mémoriser toutes les informations de ce carnet, et donc j’essayais d’apprendre les noms scientifiques de toutes les sortes de gros chat (puis rapidement aussi, ceux des autres espèces d’animaux). Je faillis même décider d’apprendre le latin au collège pour que cette tâche soit facilitée…

Bien plus tard, quand je me demandai si certaines de mes lubies ne pouvaient pas être le signe d’une forme d’autisme, ce carnet fut une bizarrerie que je plaçai au premier plan sitôt qu’elle fut remontée à la surface de mes souvenirs.


* C’est-à-dire des pourvoyeurs de croquettes et, accessoirement, de câlins.

** Je crois bien qu’à chaque fois que j’ai exprimé une possible envie de faire un métier, on m’a automatiquement présenté les obstacles sans mettre à côté les avantages. J’ai sans doute très tôt intégré qu’un métier se résumait à une série de contrainte et qu’il fallait donc trouver le moins contraignant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Zotoro ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0