La ville du roi

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J’ai quelques autres souvenirs de cette première vie, dans cette ville des origines que d’ailleurs je n’ai pas encore nommée, mais ils ne semblent guère signifiants, comparés à l’épisode de la capuche. Mais après tout qui suis-je pour en juger ? Oui, le mieux placé, sûrement, enfin ce que je veux dire, si on se souvient de ce que j’ai écrit au tout début de ce livre, c’est que l’idée est d’aller chercher. Il s’agit d’une quête. Je dois donc, il me semble, faire quelques efforts pour faire émerger les souvenirs, et ne pas me contenter de ce qui est directement accessible dans ma tête paresseuse. Donc, poursuivons un peu.

Je disais que je n’avais pas nommé la ville : mes quatre premières années, je les ai vécues à Versailles. Comme c’est une ville très chic, toujours associée à l’idée de royauté, et qu’on imagine peuplée de gens "de la haute", on comprendra peut-être mes réticences à y faire référence (ou pas, si vous êtes de la haute et royaliste, mais alors, bon, avouez qu’il y a peu de chance pour que vous me lisiez dans ce cas). D’autant plus que la ville où je me suis retrouvé ensuite n’est pas beaucoup plus "popu" (non, ce n’est tout de même pas Neuilly)... Pourtant en ce qui concerne mon milieu social, ma famille appartenait à la classe moyenne et n’avait aucune connexion avec le milieu des très riches. Alors pourquoi vivre dans des lieux recherchés par les gens aisés ? D’une part par habitude je pense, mes grands-parents paternels habitant une petite ville riche de la banlieue versaillaise (Marnes-la-Coquette), mais peut-être aussi pour s’accrocher au rêve, encore possible à l’époque, de l’ascension sociale, ou juste pour rechercher un certain bien-être, un certain calme… Bon, ce livre est ma thérapie personnelle, pas celle de mes parents et quand j’étais petit je ne réfléchissais guère au niveau de vie de mes voisins, donc passons.

A Versailles, je me souviens que j’allais chez une nounou, ou peut-être plusieurs : il y avait la mère d’un enfant de mon école, un peu plus âgé, qui s’appelait Alexis (Alexis la souris, à cause d’un déguisement de carnaval, mais le surnom n’était pas de moi) et, si je ne me trompe pas, une voisine âgée. Ma mère travaillait comme chimiste dans un laboratoire de cosmétiques, et mon père était ingénieur en informatique. Je suppose que j’allais chez la nounou le soir et le mercredi. Des deux nounous, il semble qu’il me reste surtout des images de la voisine âgée. Je me souviens ainsi qu’elle habitait à l’étage et que l’escalier de marbre (bah oui, c’était Versailles, quand même) était recouvert d’un tapis rouge ; mon mode de locomotion favori, pour descendre cet escalier, consistait à me laisser glisser sur le ventre, à la manière d’un phoque. Mais ici surgissent les premiers doutes : s’il s’agissait de ma voisine, mes parents avaient le même escalier, et je ne me rappelle pas avoir fait le phoque avec eux… Alors sans doute l’appelait-on voisine car elle habitait dans la même rue, mais il devait s’agir d’un autre immeuble. Oui, c’est sûrement cela, mais est-ce que je peux réellement me fier à ma mémoire ? Je doute un peu aussi que l’escalier ait été en marbre. En revanche, ce dont je suis sûr, c’est qu’elle cuisinait du lapin aux pruneaux et que j’avais construit chez elle un superbe masque articulé de Tigrou (oui, encore lui, j’étais abonné au magazine de Winnie l’Ourson…).

Il y a encore deux autres choses qui refont surface : une fontaine et une confiserie. La fontaine, ce n’est pas n’importe quelle fontaine : c’est celle du château, nous sommes de nuit, et les jets sont illuminés, pleins de couleurs. Ce devait être un spectacle féérique, cette illumination nocturne de la fontaine. Mais en fait, ce dont je me souviens vraiment, ce sont les petits tubes de plastiques multicolores que les parents des autres enfants achetaient à des vendeurs ambulants, et qui brillaient dans le noir. Les enfants (les autres enfants, je veux dire) se les mettaient autour du cou, ou sur la tête, et comme cela les parents ne les perdaient pas dans l’obscurité, et surtout elles étaient fascinantes, hypnotisantes, ces belles couleurs au milieu de la nuit, on ne voyait qu’elles. Et moi, je n’en avais pas. Snif. Quant à la confiserie, c’étaient de longues barres de guimauve : j’adorais la guimauve, et on en trouvait de toutes les couleurs. Il me semble y avoir goûté à nouveau il y a quelques années, mais quand on est grand, ce n’est plus pareil.

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