Huit

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Je tiens fermement la boîte en carton où sont posés les souvenirs de ces années passées contre ma poitrine alors que je m’avance vers l’arrêt où mon bus arrive. Quand les portes s’ouvrent en grand, je pars m’installer à côté d’une vieille dame qui m’adresse un délicat sourire. Je passe quelques minutes à observer et caresser les objets qui sortent un peu du carton quand une voix s’élève à côté de moi.

— Qu’est ce que c’est que toutes ces merveilles ? me demande ma voisine de siège.

— Ce sont des souvenirs de la où j’ai passé la presque totalité de mon temps il y a quelques années.

— Mais vue la peine que vous portez dans vos yeux, je suppose que ce n'est plus le cas maintenant.

— Non, je ne peux plus, je réponds avec une moue triste.

— Pourquoi donc ? Je suis très curieuse comme dame, je m’excuse.

— Ce n’est rien, ne vous en faites pas.

Je saisis sa remarque sur sa curiosité comme une échappatoire pour ne plus avoir à répondre à davantage de ses questions, des questions auxquels je n’ai aucune réponse à apporter. Je suppose qu’elle a comprit que je ne veux pas épiloguer puisqu’elle se tait et se contente d’observer mes doigts qui effleurent les matières. Le métal froid me rappelle la glace que je frôlais et je me souviens de la misère que j'avais à lacer mes patins en en touchant le plastique dur. Chaque chose que je touche me renvoie quelques années en arrière, quand ma vie en patinant était plus simple que ma vie aujourd'hui.

— Quelqu'en soit la raison, ne laissez pas passer les opportunités qui se présentent à vous. Bonne journée, demoiselle.

Et sur ces douces paroles, la vieille dame se lève et s’engouffre hors du bus alors que je repasse encore et encore ses mots dans la tête. Ne pas laisser passer les opportunités. Est-ce vraiment ce que je fais ?

***

Dès l’instant où j’ai passé la porte d’entrée, j’ai couru dans le garage où mes parents avaient caché tout ce qui me rappelait le patinage après mon accident. De grandes boîtes étiquetées et empilées sur les étagères qui contiennent absolument tout ce qui concerne de près ou de loin ma passion. Je saisis les trois boîtes qui me font faces et les déposent sur la table du salon. Avant de les ouvrir, je prends une profonde inspiration et, les mains tremblantes, je découvre les boîtes. Il y a des cadres, des trophées, quelques médailles, des patins et des tenues. La tenue lilas que je portais quand j’avais sept ans, pour la demi-finale du championnat de France, avec mes patins de petites tailles. Un album photo repose au fond, un album dont je ne connaissais pas l’existence. Je peine à tourner la page de couverture, craignant de ne pas savoir supporter ce que je verrais. Mais l’envie est trop prenante. Je détaille chaque image, contemple chaque détail, tentant de me rappeler la sensation que je pouvais éprouver à l’instant où la photo a été prise ; je me souviens de tous ces moments.

— Tu l’as trouvé ? me surprends ma mère.

— En effet... Je ne savais pas que cet album existait.

— On l’a fait quand tu étais à l’hôpital avec papa. On savait qu’un jour tu voudrais te souvenir de tout ça.

J’acquiesce en souriant, ils avaient raison. Je veux me souvenir de tout ça. J’aimerais pouvoir revivre tous ces moments, mais je ne le pourrais plus jamais. En pointant le carton que Carole m’a confié, ma mère me demande :

— Qu’est ce que c’est, ça ?

— Je suis allée à la patinoire cette après-midi, Noah devait travailler alors j’en ai profité pour passer le bonjour à Carole. Elle m’a donné ça, c’est des affaires qui étaient restées là-bas.

— D’accord. Et c’était comment ?

— Sympa, enfin un peu bizarre, mais agréable.

Ma mère acquiesce et vient embrasser mon front avant de s’asseoir à mes côtés. Elle pioche quelques affaires dans le carton puis elle sourit sans s’arrêter, inlassablement.

— Ça fait beaucoup de souvenirs, comment tu te sens ?

— Je crois que ça va.

— Ça te manque ?

— Un peu, je crois.

— À moi aussi, m’avoue-t-elle dans un soupir.

— Vraiment ? Je demande surprise.

— Bien sûr ! J’adorais venir te voir sur la glace, je ressentais toujours cette fierté m’enivrer, c’était agréable.

— J’ai toujours cru que tu n’aimais pas me voir patiner.

— Non, chérie. En plus, c’est ce qui te rend heureuse.

— Rendais, maman. Le patinage ne fait plus parti de ma vie.

Elle ne répond rien et embrasse mon front, me laissant empreinte à mes émotions. Quand j’ai fais le tour des souvenirs, je finis par allumer la télévision, lançant YouTube. Je tape mon nom dans la barre de recherches et regarde toutes les vidéos que je trouve. C’est décidé. Samedi je retourne à la patinoire et j’enfile mes patins.

***

Ce matin en arrivant devant le lycée, je croise le regard vide d’Ethan. Je détourne aussi vite que possible mon regard de son doux visage pour ne pas qu’il sache que, pendant un instant, je l’ai observé. Mais je sais que c’est déjà trop tard. Il m’a vu et je l’ai vu. Alors je fais ce que je fais de mieux, je relève la tête et avance droit devant moi, sans prêter attention au reste qui m’entoure. Je sens toujours le regard brûlant d’Ethan sur moi, mais je n’en fais rien.

De : Ethan

S'il te plaît Raphaëlle, donnes-moi une chance de m’expliquer. Je n’ai pas cours à 14 heures et je sais que toi non plus. Je t’en supplie.

À : Ethan

Hors de question.

Il est presque l’heure, je passe rapidement à mon casier récupérer ma blouse avant de rejoindre au pas de course ma salle. Au tableau sont affiché les binômes. Je suis avec Martin et Théa se trouve devant moi avec Rémy. Le professeur nous distribue le sujet de réflexion pour les deux prochaines heures puis nous laisse travailler.

— Raph, tes parents sont toujours d’accord pour le nouvel an ? Parce que sinon faut qu’on trouve un autre endroit ! Me demande Théa.

— Non non c’est bon ! Mes parents sont toujours d’accord, de toutes façons ils partent dans le sud le fêter dans la famille de ma mère.

— Trop cool ! Ça me ravi. J’ai hâte !

— Calmes-toi Théa, c’est dans un mois ! Je ris.

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