Six

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Ce matin, à la pause, Ethan était face à moi et n’a pas arrêter de m’envoyer des bêtises par message, m’arrachant des sourires et parfois même des rires. Ça l’a bien amusé, et moi aussi. Martin beaucoup moins, puisqu’il n’a pas cessé de lancer des regards mauvais à Ethan et m’a à peine adressé la parole depuis. Tout le monde a remarqué la tension dans le groupe et, gênée par cette situation, j’ai rejoint des amis de la classe pour passer l’heure de permanence avant mon cours de maths, plutôt que rester et imposer une telle ambiance aux autres qui n’y sont pour rien.

À la fin du cours, je rejoins Zoé dans le self, accompagnée de Perrine et Léonie. À table, les filles et moi nous nous organisons pour la soirée qui nous attend vendredi soir. Je sors du self quand je reçois un message d’Ethan me demandant si l’on se voit toujours ce midi. En relevant les yeux une demi-seconde, je le vois, tout prêt de moi, les yeux brillants. Je quitte alors les filles qui ont elles aussi remarqué et suis Ethan à la petite salle de sport qui accueille le tournoi de basket, aujourd’hui.

Le gymnase est pratiquement pleine, et seules quelques petites places restent de-ci de-là. Après cinq bonnes minutes à chercher un emplacement pour nous deux, nous en trouvons enfin une. Seulement, l’espace est réduit et c’est très proche de lui que je me retrouve. Les effluves boisées de son parfum me parviennent à chaque petit mouvement qu’il fait, même le plus petit. Ce midi, qui avait pourtant bien commencé, commence à devenir pesant quand le téléphone d’Ethan ne cesse de sonner. Au final, il décide de s’absenter pour régler le problème. Je reste alors sur ce banc, au milieu d’une grande place toute seule. Face à moi, Martin est avec son meilleur ami, Mathis, et il me scrute avec un air à la fois mauvais et satisfait.

Une dizaine de minutes plus tard, Ethan revient mais il est déjà l’heure de retourner en cours pour lui. Avant de rentrer dans sa salle, jusqu’où je l’ai accompagné silencieuse, il se tourne vers moi et me chuchote un bref « j’ai encore des choses à régler, mais c’est bientôt la fin ». Mais je n’ai pas la moindre idée de quoi il me parle. Alors, à la minute qui suit, je regarde son compte Instagram, à la recherche d’une explication. En vain. Ou plutôt avec succès, puisque je ne trouve rien. Un trop grand succès qui me tourne en tête et m’assaille de questions.

La fin de la journée est proche et je n’ai toujours pas eu de réponse à mes questions. Toutes tournent encore et encore sans jamais prendre une seconde de répit. La fatigue me gagne à force de trop me prendre la tête. Je décide alors de prendre du recul et d'arrêter de ressasser toute cette histoire. J’entreprends donc d’appeler Margot, une amie que je n’ai pas vu depuis des années. Elle répond à la première sonnerie, comme toujours. Nous basculons sur un FaceTime et très vite, nous prenons de nos nouvelles respectivement. Elle me fait le tour des nouvelles du groupe d’amis qui, fût un temps, était le mien. Je lui fais part de mes nouvelles les plus importantes, excluant ainsi Ethan. Puis, un peu plus tard dans la soirée, nous décidons de mettre fin à notre appel, ce qui me permet de préparer ma tenue du lendemain : un petit pull au dos plongeant blanc avec un top court croisé et un jean flare noir. Je lance un épisode de ma série sur Netflix et m’apprête à dormir. Une notification retentit alors dans ma chambre et brise le silence. Puis une autres quelques minutes plus tard. Mais le sommeil m’a déjà emportée.

  • Raphaëlle ! Descends, il est l’heure on va être en retard ! me crie mon père.

Je dévale les marches de l’escalier et enfile ma paire de Air Force 1 et mon manteau. Je me rend à l’arrêt au bout de ma rue et attend quelques minutes avant que le bus arrive. Quand le véhicule s’arrête devant moi, je monte les trois marches, passe devant ma chauffeuse en la saluant chaleureusement et m’installe sur le même siège que j’occupe chaque matin. En déverrouillant mon écran pour la première fois de la matinée, je vois les deux notifications Instagram que j’ai reçu la veille, toutes deux de la même personne, une certaine Mia qui s’est abonné à moi et m’a envoyé un message.

De : Mia
Bonjour, on ne se connaît pas mais je te préviens d’ores et déjà, Ethan est mon copain, je l’aime plus que tout et il m’aime aussi même si la situation est compliqué. Ne t’en approche même pas, je le saurais et tu n’apprécieras pas que je le saches.

Je ne sais pas quoi répondre à cette fille alors je laisse mes doigts planer de longues minutes au dessus de mon écran. Et tout à coup un message d’Ethan coupe cet instant digne d’un film Netflix.

De : Ethan
Salut, alors, on se voit demain midi ? Je voudrais me faire pardonner pour hier midi...

Et une dois de plus, je ne répond pas, mes yeux restent bloqués sur les pixels étincelants qui composent mon écran. Je ne sais pas quoi répondre, à aucun des deux, alors je ‘en fais rien. Mais je parcours le profil de Mia. Elle est grande, elle est mince, ses cheveux bruns sont parfaitement méchés de reflets blonds et les ondulations sont bien définies, sa peau mate donne un air de vacances même en décembre, son visage ne présente aucune irrégularité. En bref, elle a tout pour être mannequin, comme son copain et sur une photo d’eux à un shooting que je m’arrête. Ils se sont bien trouvé et je me sens stupide rien qu’à l’idée de voir ces images.
En arrivant devant le lycée, Ethan me lance un sourire que j’ignore et je tâche de rejoindre Léonie à notre casier avant de ressortir pour rejoindre la salle de sport du lycée. Ce trimestre, nous avons commencé l’acrosport, un sport que j’affectionne particulièrement puisqu’il me rappelle le sport que j’ai exercé toute ma vie – le patinage artistique. Dans les vestiaires, les discussions vont bon train alors que nous nous changeons rapidement. J’enfile ma brassière de sport que je recouvre d’un sweat chaud quand un message me parvient.

De : Noah
Tu fais quoi cette après-midi ? ça fait un bail qu’on ne s’est pas vu...

À : Noah
Je vais sur Nantes je suppose. Tu finis toujours à 14 heures ?

Il me répond par l’affirmative quelques secondes après que j’ai envoyé mon message et je préviens ma mère. Les filles ont quant à elles terminé de ranger leurs affaires et m’attendent pour sortir du vestiaire et ainsi rejoindre l’ensemble de la classe sur les tapis de la salle. La professeur donne les premières consignes, nous indiquent que nous devons former des groupes mixtes de quatre et commencer à élaborer une chorégraphie sur l’un des cinq thèmes qu’elle va proposer. Rémy et Martin se tournent vers Léonie qui se tourne cette fois ci vers moi. Je lance un regard à Martin qui acquiesce et je fais alors de même.

  • Je suis désolé pour la dernière fois, commence Martin quand je suis à sa hauteur.
  • C’est moi. Tu n’as rien fais de mal, tu voulais juste me protéger et j’ai été naïve.

Il me lance un sourire désolé en guise de réponse et m’entraîne vers le coin que Léonie et Rémy ont choisi. Avec la tablette qui nous a été distribué, nous commençons à écouter les cinq musiques afin de déterminer laquelle sera la notre. Une chanson d’Alicia Keys saisit le cœur de Léonie autant que le mien mais les garçons refusent catégoriquement. Ce petit jeu continue avec Blinding Lights de The Weekends, puis avec Human et ensuite avec Be Alright. La dernière chanson représente notre dernière chance et alors qu’ils tombent tous d’accord pour la sélectionner, je refuse sans autre explication et les préviens que je ne ferais pas cet exercice, pas avec Lovely de Billie Eillish.

  • Tu nous expliques ? demande calmement Léonie.
  • Je ne peux pas. Cette musique, je ne peux pas. S’il vous plaît on prend autre chose, ce que vous voulez.
  • Pourquoi ? Racontes-nous et on change, tente Rémy.
  • Non, je répond fermement.
  • C’est par rapport aux sélections ? intervient Martin
  • Oui. Je ne peux pas.
  • OK. Je comprend. Raph s’est blessé pendant son passage aux sélections pour les nationales, c’était sur cette musique. Ça a mit fin à sa carrière, explique Martin.

Ils demeurent tous silencieux alors que des images de la chute me reviennent en mémoire et hantent mes pensées. Je revois mon corps se mouvoir avec délicatesse sur les temps de la musique, je revois mes bras s’agiter alors que mes jambes balaient la glace, je revois tout ce moment où j’ai pris l’élan qu’il me fallait. Puis je revois le visage mauvais d’Alwena Guichard à un mètre à peine du mien, elle s’approche dangereusement et envoie sa lame contre ma cheville. Tout est allé si vite, je ne me rappelle pas des sifflements des juges, je me rappelle seulement le silence assourdissant qu’a provoqué le choc de mon crâne contre la glace, ma poitrine y est retombée et mon sang l’a taché.
C’en est trop pour moi que je puisse supporter, je quitte la salle en courant, un torrent de larmes courant sur mes joues. Je prend de l’eau dans les paumes jointes de mes mains et la porte à mon visage déjà humide. Je prend un instant pour m’observer dans le miroir, observer mon reflet dans le miroir. Je n’ai gardé aucune séquelle physique de cet accident, mais mon mental est bien affecté.

  • C’est d’accord. On fait la chorégraphie sur Lovely.
  • T’es sûre ? me demandent les autres en cœur.
  • Oui. Je dois affronter tout ça.
  • Cool. Je suis fière de toi, me murmure Léonie tandis qu’elle m’étreint avec force.

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