Trois

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Aujourd’hui c'est le grand jour. La nuit a été confortable, et même si je n’ai plus le même empressement qu’hier, je suis tout de même prête à vivre cette journée et en profiter. Je n’ai rien à perdre mais tout à gagner. Je me répète cette phrase incessamment, à voix haute comme silencieusement, pour m’en convaincre et ne pas l’oublier.

Je me vêtis d’un jean noir délavé et d’un pull blanc au col montant. J’accessoirise la tenue de colliers dorés, de mes bagues habituelles et d’une paire de boucles d’oreilles fines. Pour le maquillage, je me contente d’un peu de mascara et d’highlighter, comme à mon habitude. Mon sac à main rouge rempli de mes cours à l’épaule, je quitte la maison paisiblement. Dans le bus, je reçois un message d’Ethan sur Instagram.


De : Ethan

C’est toujours bon pour toi, ce midi ?


À : Ethan

Oui oui. Je serai là, sans faute.


De : Ethan

Super, j’ai hâte.


Je ne réponds pas à son message et attends l’arrivée de ma meilleure amie avec impatience. Quand le moment arrive enfin, sa première question engage la conversation : est ce que j’ai peur ? Non pas vraiment. Mais une vague d’émotions m’envahit et, même si affirmer que la peur est exclue, est vrai, je ne dois pas oublier que cette situation est loin de me rendre indifférente.

Lorsque j’arrive au lycée, je rejoins Théa et Martin pour ma première heure de la matinée, autrement dit une heure de permanence. Tous deux font leur exercice de mathématiques que j’ai fais la veille. Ils s’y prennent toujours au dernier moment et ça me fait rire. Pendant ce temps là, je papote avec eux de choses bien futiles mais qui nous vide à tous la tête.

  • Au fait Raph, ce midi on va toujours au futsal avec Zoé et Perrine ?

Mince, j’avais oublié.

  • Euh, non. Enfin pas moi. Mais allez y ensemble, moi je ne peux pas.
  • Pourquoi ? Tu vas faire quoi ?
  • Je...hum...je dois voir le prof de section euro.

Je n’aime pas vraiment mentir, encore moins à mes amis mais je ne vois pas non plus quoi dire à cet instant. Si je dis la vérité, je devrais me justifier or je n’en ai aucune envie. Pour éviter plus de question, je change rapidement de sujet, les emmenant sur une fête à venir. L’idée marche très bien et personne ne voit rien à mon plan. Tant mieux.

Mon cours d’anglais vient de se terminer. Il est donc 11:30 et je dois retrouver Ethan à mon casier maintenant. Pourquoi s’être donner rendez-vous ici ? Lorsque de loin je le vois, adossé aux casiers, son téléphone à la main, mais surtout entouré de mes copines, j’informe Martin que je dois aller voir Zoé au plot D. Il me propose de l’accompagner mais je refuse vite, puisque je dois en fait envoyer un message à Ethan pour lui donner un autre point de rendez-vous plus discret.


À : Ethan

Il y a tous mes potes aux casiers. Retrouves moi au plot D plutôt.


De : Ethan

Ok, j’arrive tout de suite.


Bientôt, je le vois effectivement arriver et me rejoindre. Je le salue, de façon polie, et nous allons à l’étage, que nous traversons pour rejoindre l’étage inférieur sans que les autres ne nous voient. Mission faite, nous nous infiltrons dans la file menant au self qui se remplie derrière nous. Mes amis devraient passer vers 12:20, quand le reste du groupe sort de cours, tandis que nous passerons vers 11:45.

Au début, la situation était gênante : aucun de nous ne parlait, il ne faisait que m’observer et je n’osais le regarder. Puis j’ai ris, nerveusement, et une discussion a enchaîné sans que ça ne s’arrête jamais. Lorsque nous sommes installés dans la salle, je sens mon téléphone vibrer et je vois que c’est Zoé qui m’envoie un message.


De : Zoé

Hey Raph, tu es avec Ethan ? Martin m’a demandé où tu étais donc je lui ai dis que tu étais sortie prendre l’air avant ton rdv. Il faut que tu sortes avant 12:15, nous serons dans la file d’attente. Et, profites ! Appelles moi si jamais tu as un problème, qu’il est chiant ou que tu t’ennuies.


Je regarde l’heure, il est tout juste 11:55. Ça devrait le faire. J’avais parlé à Zoé et Perrine de mon mensonge à la récréation, quelques heures plus tôt, ainsi nos versions coïncideraient. Je lui répond tout en écoutant Ethan qui me raconte quelques anecdotes.


À : Zoé

Salut, oui je suis bien avec lui. Merci x1000 !!! Tu me sauves. Nous serons dehors. Pour le moment tout se passe super bien.


Je reporte mon regard vers Ethan et je l’observe, le détaillant un peu, tandis qu’il me raconte d’autres histoires un peu folles.

Le temps passe rapidement, et je vois que nous devons sortir. Il est près de 12:30 et j’ai plusieurs appels en absence de Zoé et Perrine. Je jure doucement et montre l’heure à Ethan qui semble surpris par mon intervention. Lorsqu’il comprend, nous nous précipitons pour vider nos plateaux, au début silencieux puis finalement hilares. Et tant pis si les autres me voient.

En sortant du self, nous nous regardons les yeux pétillants d’excitation et nous sortons dehors presque en courant. Je le vois allumer sa cigarette avec un briquet qu’il extrait de sa veste. Je l’observe aspirer longuement sur le cylindre se consumant, il a l’air concentré sur sa tâche, et fait ressortir la fumée à l’opposé de moi. Douce attention. Adossée au mur, je le détaille patiemment. Maintenant, c’est sûr et je le sais : je l’ai jugé trop vite. Il sait être autre chose qu’un gars arrogant et imbu de sa personne, il sait être drôle, pertinent et même intéressant. Son regard se détourne de la fumée pour glisser dans le mien, observant sa mâchoire carrée, ses lèvres pleines, son nez fin, ses petits yeux verts que j’aurais juré être marrons et sa peau mât. Un doux rire s’échappe de sa bouche et il passe une main dans ses cheveux fous. Il se retourne, presque en me tournant le dos, sans que je ne comprenne pourquoi. Il tend alors sa main en arrière et murmure un petit « Allez, viens, prends ma main ». Je me laisse faire et n’oppose aucune résistance. Je mettrais ma main à couper que cette scène pourrait être celle d’un clip de musique.

Dans la petite salle de sport, il n’y a déjà plus beaucoup de place. Nous en trouvons tout de même au milieu du quatrième gradin, nous fondant dans la masse d’élèves.

  • Parles moi de toi, me sourit-il.
  • Qu’est ce que tu veux savoir, je demande.
  • Tout, tu es qui, Raphaëlle. Dis moi des choses sur toi, aussi futiles te paraissent-elles.
  • Bah je sais pas vraiment. Je suis une lycéenne de 16 ans, banale, sans particularité. Je suis moi quoi.
  • Qu’est ce que tu aimes dans la vie ? Qu’est ce que tu détestes ? Pourquoi ces amis ? Depuis quand tu les connais ?
  • J’aime...je marque une pause en réfléchissant avant de reprendre, la mode, lire, la musique et monter à cheval. Je déteste les petites bêtes, je n’aime pas les pessimistes et les égoïstes. Je connais mes amis depuis très longtemps ou depuis cette année seulement. Pourquoi eux ? Parce qu’ils me rendent heureuse, je me sens bien avec eux et je n’ai pas l’impression de jouer un jeu.
  • Alors pourquoi tu sembles si éteinte à chaque fois ?
  • Je suis juste comme ça. Je n’ai vécu que des amitiés compliquées jusqu’ici, alors je suppose qu’on se forge une carapace naturelle à force. Ça doit être la mienne.
  • Je comprend, pourtant avec moi, t’es pas comme ça.
  • Ça va commencer.

Je me tais et lui aussi, malgré tout, il esquisse un sourire et secoue la tête. Je lui lance un regard avec un sourire en retour et me concentre à nouveau sur le jeu.

Au final, les potes d’Ethan ont gagné le match et il devra jouer contre eux vendredi prochain, puisqu’il fait parti de l’équipe de sa classe. Avant de me laisser devant ma salle pour rejoindre la sienne, il me tend son téléphone ouvert sur une page de contact à mon nom. Je ris et rentre mon numéro, après tout, ce midi était assez sympa : je me suis amusée et j’ai passé de bons moments. Je lui rend et il me remercie. Avant qu’il ne s’éloigne je lui suggère de recommencer lundi midi.

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