Chapitre 3

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Une légère brise suivait les voyageurs dans leurs marches accompagné par le chant des oiseaux. L'odeur de l'été planait dans l'air. Un air pur, rien à voir avec celui des grandes villes que respiraient habituellement Kris et Jordan. Kris était assis à l'avant du chariot, au côté de Tcur. Le garçon se laissais balancer par le rythme du chariot. Il repensait aux paroles du général Arwin. Avant leur départ, il avait confirmé qu'il l'emmènerait, lui et Jordan, à la capitale. Après quelques secondes de réflexion, il avait rajouté qu'il leur présenterait un ami pouvant les aider. Kris trouvait ça étrange. Pourquoi aidait-il autant des inconnus ? Pourquoi personne ne leur posais pas plus de questions ? Kris était perplexe. Il ne pouvait nier que ces hommes leur avaient sauvé la vie. Il leur était redevable. Cependant, il avait appris à ses dépens que rien n'était gratuit, pas même la gentillesse. Il brûlait d'en toucher un mot à son amie. Mais, de peur de faire allusion à leur monde, Kris n'osait pas discuter librement en compagnie des soldats. Il prit son mal en patience et se rabattit sur l'observation silencieuse du paysage.

Ce décor lui était peu familier. Ce fut d'autant plus frappant lorsque le groupe traversa un bois et atteignit une spacieuse clairière. La beauté de ce lieu émerveilla les deux citadins. Un gigantesque rocher dominait fièrement sur l'étendue. Fendu en deux, il était recouvert de végétation. Un arbre demeurait là, penché sur le roc. Certaines de ses longues racines pendaient dans le vide et caressaient le sol. Une rivière courait entre les interstices du rocher. Des hérons chassaient paisiblement dans les eaux calmes. A leur entrée, ils s'envolèrent s'enfuyant dans le vaste ciel bleu. C'est dans ce lieu empreint de magie que la petite troupe décida de faire une courte halte.

  • La Montagne Brisée. Un vestige de la Révolution Lio, répondis Tcur à la question muette de Kris.
  • D'après la légende, c'est le dragon Dermokaï, lui-même qui, pris de fureur, brisa la montagne en deux, expliqua Morn, amusé par la réaction des deux jeunes.
  • Un dragon ! releva Jordan, les yeux pétillant de curiosité.
  • Oui, jeune fille. Un dragon, répéta le soldat avec énergie.

Kris était envouté par ce lieu. Il constata que Jordan l'était tout autant. Ils aperçurent, de l'autre côté de la rive, un attroupement de créatures ressemblant à des lapins. A la différence que leurs fourrures étaient faites de plumes aux reflets verdâtres, ainsi que deux petites cornes de cerf poussant entre leurs oreilles pointues. Les animaux broutaient paisiblement l'herbe. La présence des nouveaux visiteurs ne les perturbait guère. Ensuite, leur attention se porta sur de magnifiques libellules bleues aux ailes noires. Elles planaient au-dessus de l'eau. Ces eaux abritaient des poissons couleurs arc-en-ciel qui nageaient en banc.

Les soldats mirent pieds à terre, suivit par les deux adolescents. Les chevaux s'abreuvèrent et les hommes firent de même. Kris nargua son amie sur sa démarche. Effectivement, son corps était mis à rude épreuve après cette première longue monte. La jeune fille sentait des courbatures courir tout le long de son corps. Elle se laissa tomber dans l'herbe grasse. Kris s'étendis à son tour. Le garçon avait peut-être perdu la notion du temps, mais pas son estomac qui se mit à gargouiller. Le soleil était à son zénith et Kris pouvait en déduire qu'il était dans les environs de midi. Cela justifait sa faim. Les soldats partagèrent gentiment leur humble repas avec les deux étrangers. Les affamés acceptèrent avec enthousiasme le pain sec et la viande séchée qu'ils engloutirent.

  • Est-ce qu'on est encore loin de la capitale ? se renseigna Jordan auprès des hommes.
  • Non, plus tellement, certifia Nota. Lorsque nous quitterons la clairière, nous retrouverons une route plate où il sera plus facile au chariot de circuler. De-là, il faudra compter trois heures, tout au plus, pour rejoindre la capitale.
  • Je me demandais, Nota, tu es quelqu'un d’important ? Un noble ou quelque chose du genre ? interrompis Kris.
  • Tous se retournèrent vers lui, surpris par la remarque. Jordan ne s'attendais pas non plus à cette intervention de la part de son acolyte.
  • Pourquoi penses-tu cela ? interrogea à son tour le concerné.
  • Ben... je trouve ça juste bizarre que sept soldats sont envoyés à la recherche d'un cheval. Un général dans le tas en plus, continua-t-il. Et puis, hier, vous avez mis la priorité sur la protection de Nota.

Un blanc suivit sa déclaration. Ces secondes lui parurent trop longues. Kris fut mal à l'aise. Au début, il pensait sa question innocente. Il voulait simplement ouvrir un peu plus la conversation. Il regrettait déjà d'avoir ouvert la bouche. Quand, soudain et sans raison apparente, Morn éclata de rire. Kris ne savait pas quel comportement adopter. Il chercha un soutient de la part de Jordan, mais elle aussi était perdue. Ils se regardèrent bêtement ne sachant que faire.

  • Tu as été percé à jour, Nota ! s'exclama Irvin en donnant un amical coup de coude à son compagnon.
  • Suis-je si mauvais acteur ? demanda-t-il.
  • Nota se tourna alors vers les deux adolescents.
  • Irvin et moi, sommes effectivement issus de la noblesse, affirma-t-il.
  • Nous comptons tout de même sur votre discrétion, rajouta Irvin.
  • Ah oui, bien sûr ! affirma Kris.

Le garçon fut rassuré de constater que finalement, l'atmosphère s'était détendue. Il commençait réellement à apprécier ces hommes. Particulièrement, Morn et Irvin qui était plus ouvert à la conversation. Le soldat Morn avec sa carrure imposante, son crâne chauve et sa grosse barbe mal rasé, était aux premiers abords impressionnants. Mais, il se révélait être quelqu'un de très chaleureux et un tantinet moqueur. Irvin, lui, était quelqu'un de réfléchie et posé. Ses yeux verts étaient hypnotisant. Kris sentait un fin lien se tisser avec ces hommes.

Leur petite pause touchait à sa fin. Les hommes se remirent en selle. Kris pris place sur le chariot. Il posa les yeux sur Gréen. Il eut un frisson en se remémorant les événements de la veille. Cela le ramena à la réalité. Il n'était pas très à l'aise à l'idée d'être assis devant sa dépouille. Il avait choisi le chariot en connaissance de cause. Le garçon voulait épargner à Jordan ce sentiment de malaise. Il se sentit également désolé pour Tcur et ses compagnons qui subissaient la mort d'un camarade. Kris leur était vraiment reconnaissant pour leur acte de bravoure. Si les deux adolescents ne les avaient pas rencontrés... Kris n'osait l'imaginer.

Le groupe repris le voyage et quitta la clairière. Comme l'avait déclaré Nota plus tôt, le sentier avait laissé place à une route. Certes, c'était un chemin en terre, mais plat, où le chariot pouvait rouler librement. Peu après le paysage changea, il y avait enfin des traces de civilisation. Des champs et des prés remplaçaient les plaines et les forêts. Kris aperçut un petit hameau, d’une dizaine de maisons tout au plus. Fait de bois et de torchis, les foyers se ressemblaient tous. Cela rappela à Kris la fois où petit, son père l'avait emmené dans un village médiéval. Le garçon en avait gardé un doux souvenir. Une vague de nostalgie remonta en lui. Il n'aimait pas ça. Il arrêta donc de penser au passé et se tourna vers son amie. Ses courts cheveux bruns dansaient dans le vent. Elle paraissait, elle aussi, perdue dans ses pensées. Sa présence le rassurait énormément. Au fil des années, les deux amis avaient créé un lien très fort.Soudainement, des chiens se mirent à courir et aboyer entre les jambes des chevaux. Ne sachant comment réagir à cette nouvelle agitation, Jordan se crispa sur sa monture. Décelant son inquiétude, Kris voulut prendre la parole. Toutefois, Tcur le devança.

  • Redresse tes épaules et détends toi. Fais confiance à Aresver, il s'occupe du reste, lui indiqua Tcur.
  • Euh... oui, merci, dit-elle en s'exécutant.
  • Au pire, tu tombes, charria Kris.
  • Merci pour cette réflexion constructive, Kris, lui répondit-elle avec un grand sourire crispé aux lèvres.

Kris ricanait. Jordan était toujours très expressive et cacher ses émotions n'était pas son fort. Il adorait la taquiner et voir son visage se peindre de toutes sortes d'expressions.Le voyage se déroulait paisiblement. Le groupe longeait maintenant une rivière. Du nom d'Egua, elle confluait vers l'un des trois fleuves principaux de l'empire, Iome. La Capitale Périumci fut bâtie autour de ce confluent. Cela signifiait que leur périple touchait à sa fin. Ils passèrent sur un pont pour changer de rive. La route était désormais faite de pavés, lissés par le temps. Le bruit des sabots des chevaux claquetait sur les pavés bleutés. Ils n'avaient plus qu'une colline à gravir pour enfin apercevoir la Capitale Péruimci.

Les deux étrangers ne furent pas déçus. Au-dessus de la colline se trouvait une vue panoramique sur la cité. Kris et Jordan n'avaient encore jamais rien vue d'aussi spectaculaire de leur vie. La Cité était construite entre une montagne et le fleuve Iome. Telles des veines, certains bras du fleuve pénétraient dans la ville. Des bateaux par centaines noyaient le port de la Capitale. Les maisons, faites de bois et de pierres, se comptaient par milliers. Une épaisse fumée grisâtre s'échappait de certains toits. Des bâtiments plus imposant se démarquait soit par leur taille ou encore par leur architecture différente. Le palais impérial Stroial dominait fièrement sur la cité. De plusieurs centaines de mètres de haut, l'édifice était construit à même la roche de la paroi de la montagne. Des toitures arrondies décorés de vitraux, coloraient le palais d'innombrable couleurs. Des ponts et passerelles en pierre reliaient les tours entres-elles. Rien de tel n'existait dans le monde des deux adolescents.

Cette scène méritait une photo. Par réflexe, Kris porta sa main à sa poche à la recherche de son smartphone. Au dernier moment, il se ravisa. L'apparition de son téléphone amènerait trop de question. De plus, il l'avait éteint pour préserver sa batterie en cas de nécessité ou d'urgence. Etant donné qu'il n'avait pas de réseau, il doutait de l'utilité de cette précaution. Pourtant, la prévoyance lui avait déjà sauvé la mise à l'époque et il préférait être prudent. Son amie eut également cette idée. Il arrêta sa main juste avant qu'elle ne sorte son smartphone. De toute façon, comme il la connaissait, elle l'avait laissé allumer et à l'heure qu'il est son gsm n'avait probablement plus de batterie.

Cela faisait déjà plusieurs dizaines de minutes que les deux amis s'émerveillaient devant le panorama. Sachant l'effet que cela faisait, leurs compagnons leur laissèrent le temps d'admirer la vue. Kris avait une désagréable sensation de déjà-vu. C'était impossible. Pourtant, d'une manière ou d'une autre, ce lieu, cette vue, cette atmosphère, lui étaient familier. Mille et une questions tourbillonnèrent dans l'esprit du jeune homme. Il fut pris de violents maux de tête. La douleur était intense. Il l'avait la sensation que son cerveau allait exploser. Il tenait sa tête entre ses mains quand il sentit un mince filet de sang couler de son nez. Il l'essuya du revers de la main. La douleur diminua et il releva la tête. Il l'a vu.

Une femme, aux courbes sensuelles, se tenait là, à quelques pas de lui. Ses cheveux argentés tombaient jusqu'à toucher le sol. Des tatouages se dessinaient harmonieusement sur sa peau brune. Elle était d'une beauté enivrante. Toutefois, son aura habitait quelque chose de tragique tel un ange déchu. Ses yeux d'un gris profond le fixaient. Leurs regards se touchèrent. C'est à cet instant précis que Kris en eut la conviction. Il était né pour la rencontrer. Son âme, son esprit, son corps entier lui hurlaient que cette femme était la clé de son destin. Kris était capturé par son image. Cet espace semblait être figer dans le temps. Kris se surpris à pleurer. Il ne comprenait pas la cause de ses larmes ; il ne savait simplement pas les arrêter de couler. Le garçon sentait une force nouvelle s'éveiller en lui. Une chaleur puissante lui brûlait les veines.

Des hurlements déchirant le ramenèrent brusquement sur la colline où la vue de la cité s'étendais sous ses pieds. La vision qu'il eut alors le bouleversa. Péruimci était sous le joug de flammes meurtrières. La capitale était en ruine et le chaos y régnait. La femme se tenait toujours là, impassible. A la seule différence que ses yeux viraient au rouge. Soudain, une douleur perçante, comme il n'en avait encore jamais ressenti, s'abattit sur lui. Chacun des battements de son cœurs résonnaient comme un tambour dans son esprit. Sa respiration était saccadée. Il souffrait à chaque souffle. Il senti un liquide chaud se répandre sur son t-shirt. Il toucha son ventre et fut horrifié de constater qu'il s'agissait de son sang. Sa vue se troubla. Il arrivait à peine à se maintenir debout. Il luttait contre cette effroyable douleur. Il perdait petit à petit connaissance. Chaque secondes, sa force vitale diminuait. Il savait que ce n'était plus qu'une question de temps. Son sang s'échappait encore et encore de son corps. Pourtant, Kris continuait désespérément de se débattre contre la mort.

Une main vint se poser sur son épaule. Une chaleur réconfortante en émanait. Cet avec un effort pénible que Kris parvint à se tourner. Un homme, vêtu de noir, se tenait derrière lui. Ses cheveux charbons mi-long étaient attachés en queue de cheval. Une griffe au bout d'une chaine dorée lui servait de pendentif, et attira l'attention du garçon. Kris compris que l'inconnu ne lui était pas hostile. L'adolescent se sentait défaillir. Était-ce dû à la douleur ? Kris était persuadé de connaitre cet individu.Son corps était lourd, trop lourd. La mort l’attendait. Une multitude de questions fusaient dans son esprit. Des questions qui restaient sans réponses. Le supplice s'intensifiait encore. A bout de force, il abandonna sa vaine lutte. Il céda à la douleur. Le garçon ferma les yeux sombrant définitivement. Kris permis aux ténèbres de s'emparer de son âme.

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