1. Coup de cœur - Axel

10 minutes de lecture

I could be your crush, crush, crush, crush, crush

And yeah it's true that I'm a little bit intense, right

But can you blame me when you keep me on the fence, like

And I've been waiting, hoping that you'd wanna text, like

Je pourrais être ton béguin, béguin, béguin, béguin, béguin

Et ouais, c’est vrai que je suis un peu intense, non

Mais peux-tu me blâmer quand tu me gardes sur le carreau, genre

Et j’ai attendu, espérant que tu veuilles m’envoyer un texto, genre

Tessa Violet — Crush

Lundi 22 mars 2021

De la gare à la fac, j’ai cinq minutes de marche. Le soleil pointe son nez, ça pourrait être sympa sans ce concert de klaxons. L’avenue est totalement bloquée, les gens pestent et gueulent. Ils ont tous l’air tellement blasés de la vie, c’est d’un déprimant !

J’arrive au cœur du problème, un véhicule est arrêté en plein milieu, portière ouverte, feux de détresse.

— Besoin d’un coup de main ? criè-je.

En faisant le tour de la voiture, je découvre une magnifique paire de fesses. Son propriétaire a les deux mains posées sur le coffre et essaye de la faire avancer.

— Désolé pour la gêne, bafouille-t-il, je ne sais pas ce qu’elle a… je vais la déplacer…

— Je vois ça, mais tu veux de l’aide ?

Il relève la tête, ajuste ses lunettes. Un jeune mec blond en costume, tout mignon.

— Ça ne sera pas de refus, répond-il gêné. Merci !

Je recrute une volontaire plus ou moins de force dans la foule des passants. J’ai un don pour repérer les gens qui ne savent pas dire non. À nous trois, on arrive à déplacer la voiture jusqu’au parking de la fac. Ma recrue s’éclipse et je peux enfin admirer plus attentivement monsieur BeauCul. Il est tout habillé de noir : pantalon, chemise et veste. J’espère qu’il n’allait pas à un enterrement. Je vais éviter de faire la blague, il a déjà l’air au bout du rouleau.

— Merci, dit-il. Tu m’as sauvé la vie !

Qu’est-ce que je disais !

— Au moins ça ! dis-je en riant. Non, mais t’inquiète, c’est normal. C’était quand même plus facile à trois.

— Oui, tout à fait, mais tu as été le seul à t’arrêter pour me proposer ton aide. Merci beaucoup !

J’ai l’impression d’être un super héros et j’adore ça.

— J’ai pas mis ma cape aujourd’hui, mais tu m’as quand même démasqué. Je ne suis pas comme les autres !

Je prends un air mystérieux pendant quelques instants, puis lui fais un clin d’œil. Ses joues rougissent aussitôt, il est trop craquant.

— Je m’appelle Axel.

— Amaury, me répond-il en me tendant la main.

La sonnerie de son téléphone met trop rapidement fin à notre poignée de main.

— Ah c’est l’assurance qui me rappelle ! s’excuse-t-il.

— Courage !

Je m’écarte de quelques pas, puis lui envoie un baiser, ses lèvres font un O. Il bafouille des explications à son interlocuteur, tout en me fixant. J’adore son air trop sage, ça me donne envie de faire des bêtises. Mais pour l’heure, je le laisse tranquille, il a déjà eu trop d’émotions pour aujourd’hui. Je m’éloigne en répétant mentalement son prénom. La semaine commence merveilleusement bien.

Lorsque j’ouvre la porte, tous les regards se tournent vers moi.

— Je vous présente toutes mes confuses ! Panne de voiture, expliquè-je avec mon plus beau sourire.

La prof me fait signe d’entrer et poursuit son cours. Sam est déjà en train de déplacer ses affaires pour me faire une place à côté d’elle, je rejoins sa table.

— Pourquoi tu t’emmerdes à baratiner la prof ? T’es plus au lycée, elle s’en fout que tu viennes en cours ou non. C’est à toi de prendre tes responsabilités.

— Mes quoi ? dis-je en frissonnant. Fais gaffe avec les mots flippants !

Elle secoue la tête en essayant de paraitre consternée, mais je sais qu’au fond d’elle, elle se marre.

— T’es vraiment con.

— Merci, mais les cons, je te les laisse !

— Non… t’as pas osé ?

J’étouffe un ricanement.

— Monsieur Malar, intervient la prof. J’accepte votre retard, mais il faudrait voir à ne pas abuser de ma patience.

Je passe mon index sur mes lèvres pour sceller ma bouche. Sam se cache derrière l’écran de son ordi portable pour ricaner.

Une fois le mien allumé, je reçois déjà une notification. Sam m’a partagé ses notes de ce matin.

Axel : merci t’es un amour ❤️

Sam : non, c’est purement intéressé !

Sam : j’ai besoin de toi pour la composition en anglais, j’ai rien capté

Axel : sans problème ma Samsam !

Axel : et désolé…

Sam : de quoi ?

Axel : je voulais pas me faire remarquer

Sam : j’y crois pas un seul instant, tu adores ça.

On échange un petit regard complice. On suit tous les deux le cursus LEA[1] anglais-espagnol et on partage la plupart des cours. On s’est tout de suite bien entendus. La fac c’est beau sur le papier, toute cette liberté, mais en vrai, c’est un peu flippant. Déjà, les lieux sont tellement immenses et impersonnels qu’on est vite perdu. Et puis, je crois que j’étais tout simplement pas prêt pour le grand bain. J’ai bien aimé mes années au lycée, c’était fun et y’avait bien moins de choses à penser.

Quand je suis nerveux, je raconte encore plus de conneries que d’habitude. Dans la classe, je passe pour le clown de service, et ça me va. Sam est une des rares à comprendre mes blagues ! J’aime son côté pétillant et arc-en-ciel. Elle a toujours des fringues colorées et très joyeuses, mais elle ne mâche pas ses mots et n’hésite pas à tacler. Sam c’est un genre de bisounours maléfique ! Je suis totalement fan de cette fille.

Sam : et du coup, cette panne ?

Axel : ahh tu veux savoir !

Axel : ??

Sam : hum non, je suis plus trop sure

Sam : et arrête avec ton emoji pervers, il me fait flipper

Axel : il est pas pervers !

Axel : il est juste coquin !

Trois fois que je relis ce texte de loi espagnole et je me demande vraiment ce que je fous là. À quel moment ça va me servir de connaitre la constitution espagnole de 1978 ?

L’année avait pourtant bien commencé : un emploi du temps très cool, des beaux mecs, des profs plutôt intéressants… Et pourtant, je m’ennuie, je me sens pas à ma place. On m’a toujours dit que j’étais doué avec ma langue… mais j’aurais peut-être pas dû pousser le vice jusqu’à en faire des études. Sam veut être journaliste, d’autres sont intéressés par la traduction ou le tourisme… et moi je ne sais toujours pas ce que je veux faire de ma vie, je me contente d’être le touriste de service.

Le cours est interminable, quand la pause arrive enfin, je me retiens de crier mon soulagement. Quinze minutes ça ne sera jamais assez pour remettre mes neurones en place, mais au moins, ça nous donne le temps d’aller à la machine à café.

— Bon et alors cette panne ? me relance Sam.

— Tu vois que ça t’intéresse.

— Hum… je joue le jeu pour te faire plaisir ! Tu meurs d’envie de me raconter.

— Je suis amoureux, annoncè-je avec un sourire niais.

— Oui, je sais…

— Ah non… c’est tout nouveau, celui-là, tu le connais pas.

Elle se marre.

— Attends… j’arrive plus à suivre. La semaine dernière, tu étais raide dingue du mec de la cafétéria… D’ailleurs, vous aviez pas rendez-vous ce week-end ?

— Ouais… mais non, c’est tombé à l’eau.

Elle me regarde d’un air soupçonneux.

— Qu’est-ce que tu as fait ?

— Quoi ? Pourquoi ça serait moi le fautif ?

— C’est pas le cas ?

— Hum… Bon, peut-être un peu. Il s’est vexé parce que j’ai annulé le rendez-vous…

Elle continue de me fixer, pour que j’avoue tout.

— … ok, j’ai annulé au dernier moment, ça se fait pas… Ma faute…

— Attends… Laisse-moi deviner. T’as encore planté un rencard pour ton foutu Tristan !

— C’est mon meilleur ami et il était pas bien.

— Comme d’hab, il n’a qu’à claquer des doigts et tu es à ses pieds. Et après ça, t’ose me dire que t’es plus amoureux de lui ?

Je sais que de l’extérieur notre relation est compliquée à comprendre. Mais non, je ne suis pas amoureux de Tristan. Je l’aime tout simplement. Il est une des personnes les plus importantes de ma vie. L’année dernière, on est sorti ensemble, c’était une grosse erreur. Ça a bien failli foutre en l’air notre amitié. Depuis la rentrée, il enchaine les drames, j’essaye de le soutenir comme je peux.

— Il ne va pas bien, pas bien du tout, c’est normal que je sois là pour lui.

— Ouais ouais… on va dire ça. Et du coup, ton nouveau crush ?

— Ahhh… tout à fait mon style !

— Axel, t’as pas de style ! À partir du moment où la personne a un pénis, ça t’intéresse !

Je me marre avec elle.

— C’est pas tout à fait vrai, faut aussi qu’il aime ça !

— Tsss…

— Et c’est pas parce que tu ne sais pas apprécier une belle verge que tu dois en dégouter les autres !

— Tu penses sérieusement que ça pourrait arriver ?

Je m’accorde deux secondes de réflexion.

— Non, clairement, je ne pourrais pas m’en passer ! Mais tu sais, à la base, je parlais de coup de cœur et non pas de coup de queue. C’est toi qui déformes tout !

— Bien sûr ! s’exclame-t-elle en riant.

Deux autres filles du cours nous rejoignent pour papoter. Pendant que l’une d’entre elles raconte son week-end, j’observe les allées et venues des étudiants. On est au premier étage, juste au-dessus du hall principal. C’est comme au balcon d’un théâtre, on peut observer sans être vu.

Le cœur léger. Je repense au bel Amaury. Je me demande ce qu’il étudie. Surement un truc chiant très sérieux. Je m’attarde sur les blonds qui passent, mais c’est un brun à la démarche particulière qui attire mon regard.

Liang ? Mais qu’est-ce qu’il fait là ?

Il s’arrête devant l’ascenseur qu’il observe longuement. Il a l’air perdu.

Sam colle sa tête à la mienne.

— Qu’est-ce que tu fous ? lui demandè-je

— J’essaye de voir quel mec tu es en train de mater. Ça fait cinq bonnes minutes que tu n’écoutes plus rien.

— Cinq minutes, tu exagères. Et comme si je passais mon temps à mater !

Elle éclate de rire, c’est mérité.

— Alors ? Lequel ? insiste-t-elle.

— Le mec à côté de l’ascenseur, avec le hoodie jaune.

— Il est canon !

Il a cette même candeur que mon ami Tristan. Le club de ceux qui n’ont pas conscience de leurs charmes.

— Oui. C’est un ami, mais je savais pas qu’il était à la fac.

— Je vois… encore un ami avec lequel tu as dû vachement discuter ! se moque-t-elle.

— Alors si tu veux tout savoir, c’est le frère d’une amie de Tristan. Il s’appelle Liang.

Sam se dandine pour mieux voir.

— Hyper discrète…

— Il a une béquille ? Il s’est cassé le pied ?

— Non, il a toujours sa canne, il a un problème à la jambe.

On le suit tous les deux du regard alors qu’il entre dans les toilettes.

— Je confirme qu’il a l’air charmant !

— Ouais ! Il est adorable, gentil, marrant et aussi très hétéro.

— Ahhh d’où le concept d’amitié, je comprends mieux.

— J’aime les relations approfondies !

Je ne peux pas lui jeter la pierre, j’ai tendance à mélanger amour et amitié.

— Donc je ne serai jamais vraiment ton amie ? me demande-t-elle.

— T’es bête, bien sûr que si ! Et pour ton information, y’a même des mecs avec qui j’ai pas envie de coucher…

— Gays ?

— Bien sûr !

— Comme qui ?

— Hum… là tu me prends au dépourvu ! Faudrait que je réfléchisse.

Je me passe la main dans les cheveux, recoiffe mes boucles.

— Ça commence à faire long, non ? demandè-je.

— Hum. Ouais un peu.

— Tu crois qu’il est sorti et que je l’ai loupé ?

— Impossible ! Tes yeux n’ont pas décroché de cette porte.

— Je vais voir !

— Et tu vas faire quoi ? Lui apporter du papier ? Non, mais fous-lui la paix ! C’est pas un endroit où on a envie d’être dérangé ! Et le cours va reprendre.

Je lui confie mon gobelet de café.

— Je reviens vite. Juste lui passer le bonjour !

Et vérifier que tout va bien. Au pire, je passerai pour un couillon, ça ne sera pas la première, ni la dernière fois.

Je dévale les escaliers, traverse le hall en courant et me précipite vers les toilettes.

— C’est ce qu’on appelle une envie pressante ! commente quelqu’un.

Y’a au moins une dizaine de portes, et bien sûr, plusieurs sont fermées. Je m’approche de la première, un mec en sort et me fusille du regard.

— Désolé, je cherche quelqu’un ! déclarè-je.

Il me regarde encore plus bizarrement et prend la fuite.

— Liang ? T’es là-dedans ?

Une porte s’ouvre. Mauvaise pioche, on me regarde encore de travers.

— Liang ? Tu m’entends ?

Du bruit dans la cabine du fond. Une respiration bien trop forte.

— Liang ?

La porte s’ouvre. Il est là, le visage blême, adossé au mur, la main crispée sur sa canne.

— Axel ? Qu’est-ce que tu fais là ?

— Je venais juste vérifier si tu avais laissé ton numéro sur le mur !

Son visage se fige quelques instants, puis il éclate de rire.

— Y’a effectivement pas mal de graffitis, mais aucun de moi, désolé.

— Tu vas bien ?

— Mieux… je suis content de te voir, me dit-il.

Il me décroche un petit sourire, charmant, et attrape la main que je lui tends.


[1] LEA : Langues Etrangères Appliquées

Annotations

Vous aimez lire Ladaline ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0