Une nouvelle journée.

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Bon, il y a un broc d’eau claire, parfait pour quelques ablutions rapides. Quoique sincèrement, je me trouve étonnement propre ce matin! Je m’habille et me rend compte que je n’ai aucun souvenir du soir précédent. Depuis quand suis-je ici? Soit je suis ailleurs, le plus probable, soit j' ai abusé d’un quelconque breuvage local légèrement alcoolisé, peut-être un subtil mélange des deux possibiliés. Allez savoir. Ce ne sera ni la première ni la dernière fois que j'apparais dans un coin d’ombre comme par magie.

Par magie.

Oui, oui, c’est un sourire idiot que vous voyez.

Passons.

Oh, cette auberge est plus grande que ma petite cellule ne le laissait présager. Le couloir est vaste, le plafond haut et le sol propre. Figurez-vous qu’on peut repérer un bouiboui à la seule crasse des planches du parquet.

J’ai tout sur moi, ne sachant pas si je dormirai encore ici ce soir, épées, arc et carquois, et après quelques marches je débarque dans une grande salle commune. Il est tôt et il y a déjà foule. Il fait chaud, une grande cheminé ronronne sur un côté. Je m’approche du comptoir.

  • Bien dormi? La même chose qu'hier? me demande un large gaillard derrière le bar.
  • Faisons ça…

Je m’accoude contre le bois. Hum… peut-être bien oui, que je me souviens vaguement de ce décor. En réalité si une taverne ne ressemblait pas tant à une autre taverne, l’affaire serait plus aisée.

Et rapidement l’homme dépose devant moi une planche, épaisse tranche d’un pain sombre et morceau plus qu’honorable d’un fromage doré..

  • Et voilà, dit-il en ajoutant à cela une large chope en terre.

Je saisis le bock et en flaire le contenu, il y a des odeurs d’épices douces et de fruits. On dirait du vin. Je goûte. De l'hypocras. Etant donnés les indices qui s’accumulent, nous opterons donc pour une amnésie liée à une dégustation poussée d’hypocras.

Consciencieusement je romps mon pain et apprécie mon fromage quand, derrière le brouhaha ambiant, discussions, rires et négociations, le tintement d’une assiette qui tombe attire mon attention. Puis il y a des protestations faussement enjouées. Je me tourne et le repère immédiatement, ce gros con. Il bloque une des serveuses dans son large bras d’abruti. Il rigole, bruyamment évidemment, quand elle tente de se libérer de sa poigne sans faire plus tomber de vaisselles de son bac.

Est-ce que je suis là pour reprendre un grossier personnage?

Certainement pas.

Est-ce que je vais me priver de ce plaisir toujours renouvelé?

Certainement pas.

L’air est frais et le ciel légèrement épais. On doit être en Automne. En tout cas il ne neige pas. Enfin, pas encore. Je vous dis ça et demain j’en aurai jusqu'aux mollets!

Je plaisante, mais il finit toujours par neiger. Maintenant qu’on en parle, je me demande si ça a un rapport avec moi? J’aurai dû leur demander, je n’y ai pas pensé. Enfin, je crois que je n’en ai pas parlé. C’est que je m’en souviens de moins en moins bien, avec le temps. Est-ce que ça leur fait ça? Aux autres? Comme un dessin qui s’efface peu à peu?

Une chariot lourdement chargé se traîne devant moi, son ventre rempli de tonneaux.

Hum… Non, je crois que c’est plus radical, en tout cas c’est l’impression que ça donne

Comment? Oh, le petit accrochage dans l’auberge? Pardon pardon, je vous avais oublié. Rien de grave. Une fois qu’il a eu ma lame sous la gorge l’idiot a retrouvé sa politesse.

Oui oui, je vous raconte.

J’ai fini mon hypocras et traversé la salle bondée. Une autre serveuse était arrivée, tentant d’aider son amie. J’ai attrapé le majeur de cet idiot et d’un coup sec, il ne faut pas hésiter si vous voulez que ce soit efficace, je l’ai plié vers l’arrière. Il a lâché sa prise. La petite s’est dégagée. Evidemment il a beuglé, de douleur, de colère ou d'indignation, allez savoir. Je vous passe son langage fleuri qu’a fait cesser la fraîcheur du métal sous son menton suintant. Il avait deux compères hilares à sa table. Et voyez-vous, le plus délicat quand on a affaire à ce genre d'énergumènes, c’est que parfois leur bêtise ou l’alcool fausse leur perception de la peur. Mais heureusement pour eux, ils furent suffisamment sobres et malins pour ne pas moufter alors que la lame tenait leur ami tranquille. J’ai légèrement, vraiment légèrement, fait saigner sa couenne. Il s’est légèrement, vraiment légèrement, pissé dessus!

Ça fait le malin pour malmener les jeunes filles mais ça ne tient pas bien la douleur...

Un gas de l’établissement s’est ramené. Les serveuses l’ont intercepté.

  • C’est rien l’ami, on revoit juste les bases du savoir vivre de bon matin, n’est ce pas ducon?

Le nouveau meilleur ami de mon épée hocha imperceptiblement la tête, histoire de ne pas plus se couper sur son tranchant. Et avant de le libérer je me penchais à hauteur de son oreille.

  • Aller, fais moi plaisir et rebiffe toi, lui murmurai-je.

Oui je sais, il y avait peu de chance qu’il me fasse cette faveur Et en effet il n’en fit rien et l’incident fut clos.

Bon, prochaine étape, retrouver le cheval.

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