Les années bonheur.

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Dix ans plus tard.

« Chacun porte son bonheur en soi ». Witold Gombrowicz.

La vie est belle ! La maladie n’est qu’un lointain souvenir mais si elle reste tapie dans un coin de la tête, sournoise, perfide, prête à ressurgir quand bon lui semble. Mais depuis dix ans, elle fiche la paix à Anya. Chaque année, ses bilans sont bons et la jeune femme profite de chaque instant donné à sa vie, sans se poser de questions… surtout pas… au risque qu’elles empoisonnent son existence. Chaque journée de plus est une bataille gagnée.

Anya est heureuse et satisfaite de ce qu’elle a : une maison, un mari aimant et une sublime fille.

Dimitri est vite devenu un médecin apprécié et reconnu. Ils n’ont pas de problèmes d’argent. Anya fait toujours de la couture, confectionne même de jolies créations qu’elle n’a aucun mal à vendre. Régulièrement, ils font des repas de famille avec Natacha, Pierre et les enfants. Florence est désormais une belle jeune femme et Paul, un adolescent passionné de musique comme sa cousine Ysaline. Ces deux là s’entendent comme larrons en foire.

***

Postée devant la baie vitrée, Anya sourit, perdue dans ses pensées. Du bout de ses doigts, elle caresse le petit cœur en pendentif que Dimitri lui a offert quelques mois après avoir déménagé.

Son regard fixe la balançoire dans le jardin. C’est la première acquisition pour leur fille. Année après année, Ysaline a passé des heures à s’y balancer, riant aux éclats lorsque son père la poussait très fort et qu’elle montait haut dans le ciel.

Aujourd’hui, bien qu’Ysaline soit adolescente, elle ne peut se résoudre à l’enlever de la pelouse. Et la vue qu’elle admire lui donne raison car bien souvent sa fille vient s’y asseoir… comme en cet instant, elle s’y est installée avec un livre à la main. Anya connaît sa fille par cœur, elle sait que c’est un de ses endroits préférés pour s’adonner à la lecture.

Cela fait une demi-heure que sa mère la regarde avec tendresse. Elle est si fière de sa fille. Non seulement elle est une très bonne élève, louée par tous ses professeurs mais elle veut devenir médecin, comme son père elle veut sauver des vies. Dimitri est aux anges qu’elle veuille poursuivre dans cette voie élogieuse et Anya est persuadée qu’elle y parviendra : elle a toutes les qualités et une réelle empathie envers les autres… elle est toujours la première à proposer son aide. Il y a une telle maturité en elle !

Depuis peu, ses parents lui ont parlé du combat qu’a mené sa mère contre le cancer. Sur l’instant, Ysaline en a pleuré toutes les larmes de son corps, prenant subitement conscience telle une gifle, qu’elle peut perdre sa famille à tout moment. Il aura fallu de longues et interminables minutes pour qu’Anya la rassure et qu’elle se calme.

Cet aveu poignant, difficile à accepter pour une adolescente, a renforcé sa détermination en son avenir. Plus que tout, elle veut être de ceux qui sauvent des vies ! Anya se revoit en elle. Cette pugnacité, cette rage d’aller de l’avant, Ysaline la tient d’elle.

Relevant les yeux de son livre, l’adolescente adresse un petit signe de la main en direction de sa mère qui lui renvoie aussitôt un baiser du bout des doigts.

***

« Bientôt dix-neuf heures, Dimitri ne va pas tarder », songe Anya en regardant la montre à son poignet.

Elle tourne les talons et se dirige d’un pas léger à la cuisine pour mettre le dîner à réchauffer. Une fois le feu sous la marmite, elle dresse la table. Au moment où elle dépose les serviettes dans les assiettes, le téléphone se met à résonner dans le salon.

« Il est bien tard pour un appel ! » pense-t-elle, un brin anxieuse en décrochant l’appareil.

— Allo ?

— Anya ? Professeur Pietru à l’appareil…

En entendant cette voix, désormais si familière à son existence, Anya blêmit.

— Oui ? hasarde-t-elle d’une petite voix.

— Pouvez-vous passer au cabinet demain ? J’ai reçu vos derniers résultats…

Dans son salon, Anya pousse un cri plaintif en fermant douloureusement les yeux.

— Anya ? Écoutez-moi ! Je ne veux pas parler de ça au téléphone. Je veux vous voir demain mais je vous en conjure, restez positive.

Au fil des ans, le Professeur Pietru était comme un ami. Un vrai bâton de soutien, sans jamais s’apitoyer sur sa patiente mais la remobilisant quand elle en avait besoin.

— Bien docteur, je viendrai demain.

Chancelante, Anya raccroche.

— Qui était-ce ? lui demande Dimitri qui vient juste d’entrer et en profite pour déposer un baiser dans le cou de sa femme qui s’évanouit dans ses bras.

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