4 mai 1664, 15h, forêt interdite

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Comme j'en avais pris l'habitude, je ramassais des plantes pour mes potions avant d'aller à la ville, glaner des informations qui pourraient m'intéresser. J'étais en plein cœur de la forêt quand j'entendis des voix. Ce ne pouvaient qu'être des bandits, car eux seuls osaient s'aventurer là. Je grimpais dans l'arbre le plus épais et haut possible, afin de n'être pas repérée.

C'est là que je les vis. Une brigade...La brigade des chasseurs de sorcières. La brigade que je voulais rejoindre. Malheureusement pour moi, ils étaient accompagnés de chiens, qui eurent tôt fait de révéler ma présence.

  • Il y a quelqu'un ici, chef ! Dit un jeune gars pas plus âgé que moi
  • Oui je le vois bien ! Répondit celui qui devait être le chef, eh ! Toi ! Dit-il à mon attention, descends de là ! Pourquoi te caches-tu ?

J'avais le cerveau en ébullition, devais-je répondre ou non ? Si seulement Fendora avait été là ! Je pris le parti de ne rien dire. Après avoir remonté mes jupons et les avoir noués autour de ma taille comme pour faire une culotte d'homme, je pris mon courage à deux mains et sautais à bas de l'arbre. Ils étaient 4 hommes et 2 chiens. J'étais condamnée à être arrêtée, c'en était fait de moi. Je me mis à courir le plus vite que je le pouvais, mais je n'étais pas habituée à fournir un tel effort, et mes poursuivants finirent par me rattraper. L'un d'eux me tira une flèche dans l'épaule. Prise par la douleur, je m'effondrais. Un homme bedonnant m'agrippa les mains et me les lia avec une corde rêche, avant d'arracher d'un coup sec la flèche toujours fichée dans mon épaule. Je hurlais.

  • Tais-toi, sorcière !
  • Je ne suis pas une sorcière, grosse brute maladroite !
  • Tu paieras pour ces insultes, catin !
  • Et vous, vous allez regretter de m'avoir traité de la sorte ! De plus, rien ne vous prouve que je suis une sorcière. Je ne suis qu'une apprentie guérisseuse, et j'étais venue ici que pour trouver des plantes pour faire des cataplasmes !

L'homme parut hésiter...malheureusement, il me releva d'un mouvement brusque :

  • Si tu n'est pas celle que l'on dit, alors tu ne verras pas d'inconvénient à nous suivre jusqu'au poste, que nous vérifiions ton identité !

Il avait raison. Être résistante ne m'attirerai que des ennuis. Je baissais la tête et les suivit.

Comble de malchance, le poste de commandement de la brigade se trouvait en plein cœur de la ville...je dus donc traverser la foule, les mains liées, l'épaule sanglante, et entourée de ces hommes rustres et de leurs molosses. J'étais couverte de honte. Sans aucun doute, ces hommes aussi allaient payer pour cet affront. Moi, une sorcière !? J'étais guérisseuse, bien que cela m'ait été imposé. Au final, cette vie nouvelle m'avait sauvée de la mort, et je comptais bien à mon tour sauver des vies. Mais delà à dire que j'étais une sorcière...tout de même c'était osé !

L'homme bedonnant revint, accompagné d'un jeune homme, visiblement son supérieur. Cet homme était beau, avec ses cheveux blonds retenus en catogan, sa barbe naissante, sa manière de se tenir...oui, décidément il était beau. Il me rappela quelqu'un, mais je ne pouvais retrouver qui.

Les deux hommes se concertaient en me jetant des regards intrigués. Après plusieurs minutes de confidences, ils se tournèrent vers moi :

  • Bon, dit le jeune homme, on ne va pas passer par quatre chemin ! Donnes-nous ton nom, ton âge, là où tu vis et avec qui, et dis nous ce que tu faisais dans la Forêt Interdite.

Je ne cache pas avoir eu peur pour Fendora. Mais je n'avais pas le choix que de dire que je vivais avec elle...

  • Je suis Noémie Boncens, j'ai 14 ans, je vis dans cette forêt avec ma mère adoptive, et j'étais allée chercher des plantes médicinales car nous sommes guérisseuses. Cela vous suffit ou vous voulez nous condamner au bûcher pour avoir soigné des gens ?

Le jeune parut hésiter...à l'entente de mon nom il avait tressailli puis m'avais dévisagée comme s'il voyait un revenant. Il se tourna vers son camarade et lui chuchota quelque chose. L'homme bedonnant disparut derrière une tenture.

  • Noémie, reprit le jeune homme, je peux savoir pourquoi tu dis avoir une mère adoptive ?! Tu n'est pas orpheline. Tu nous mens.
  • J'ai dis la vérité. Je ne mens jamais.
  • Si ! Pourquoi ne retournes-tu pas chez ta vraie famille ! Tes parents te croient morte, tes frères et sœurs pleurent encore ta disparition !
  • C'est faux ! m'écriai-je, je serai les poings, et mes poignets me faisaient mal car ils étaient toujours attachés.
  • N'as-tu donc rien remarqué ? Reprit-il en s'asseyant sur une chaise devant moi.
  • Qu'aurais-je dû remarquer ? Que j'ai été arrêtée pour une mauvaise raison ? Ou que vous voulez me tirer les vers du nez sans savoir quoi chercher ?
  • Que je suis ton frère Nils ! Si tu avais une once de bon sens tu m'aurais reconnue !

A cette déclaration, je m'effondrai. Comment n'avais-je pas reconnu mon propre frère, lui qui m'avait tant de fois sauvée d'une punition certaine !?

N'y tenant plus, je tombai en larmes sur le sol de la pièce et me laissai aller par les flots qui me submergeaient. Je ne sais pas ce qui se passa ensuite, car je sombrai dans l'inconscience. Je m'éveillai, encore sous le choc, dans une cellule sombre et humide. On décrit souvent une cellule de cette façon, et cela est vrai. Étrange n'est-ce pas ? Toujours est-il que j'étais allongée sur trois planches posées à même le sol, recouverte d'un peu de paille sale et mouillée.

Hébétée, je m'assis et restai là, à contempler le silence pesant sur cette pièce austère.

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