33.

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« Marko, pourquoi tu pleures ? » La jeune fille rousse en robe de marié est assise à côté de son meilleur ami. « C’est parce que je suis heureux pour toi, Ambre. Pour toi et Louis. » Une dernière larme roule lorsqu’Ambre lui dépose un baiser sur la joue puis se lève. « Aller, c’est pas tout mais il faut que je me marie moi ! » Il la regarde partir, un sourire amer sur les lèvres. Un nuage passe et Ambre fait signe à son ami de la rejoindre. Il hésite mais ne peut résister. Il la rejoint en observant impuissant de ses yeux vairons, la seule femme qu’il ait aimée, sautiller vers son futur époux aux boucles brunes.

***

Marko sentait ses forces le quitter. Il avait réussit. Enfin. Pourquoi se sentait-il si mal, alors ? La culpabilité comprimait ses poumons déjà écrasé par ses côtes brisées. Il n'avait rien eut le temps d'expliquer à ses filleuls, voilà pourquoi. Alors, il projeta son esprit vers ceux des garçons qu'il avait aimé comme ses fils.

Mattia et Gabriel ne comprirent pas tout des images qui se surperposèrent à la clairière dévastée. Ils virent leur parrain écrire dans un journal de bord, les larmes aux yeux, une photo d'eux posée sur un bureau de métal. Sur une page vierge, l'encre formaient des phrases, sans que les adolescents ne puisse en saisir le sens :

" Si un homme survit à une attaque de loup garou sans être infecté, il est immunisé."

Je dois infecter les garçons et leur expliquer que c'est la seule façon de tuer la bête. J'en suis incapable moi-même, je suis immunisé. J'espère qu'ils me pardonneront. J'espère que tu me pardonneras.

Les deux frères virent ensuite leur parrain essuyer ses joues humides puis rejoindre les deux garçons évanouis dans les feuilles mortes de la forêt. Puis, de nouveau ce journal de bord :

"Seule la morsure d'un loup garou de sang pur contamine à coup sûr la victime. Les griffures sont a priori non incapbles de transmettre le virus. Le potentiel infectieux des autres races de loup est à ce jour inconnu. Certaines recherches attestent toutefois qu'il dépendrait de la victime mise en contact avec le virus."

Les sangs-purs sont rares. Il me faut d'autres loups.

Les flashs back prirent fin et Marko mourut dans un dernier souffle, laissant ses filleuls encore sous le choc.

De nouveau maîtresse de ses émotions Aurore usa de ses dernières forces pour plaquer son visage sur le museau du fauve brun. Son corps nu était recouvert d’un liquide poisseux, mélange de sang, de bave et de poils bruns, mais Aurore n’en n’était nullement dégoûtée. Elle avait eu sa dose d’horreurs pour ce soir. Elle avait eu sa dose d’horreurs pour toute une vie ! Les yeux rubis de l'animal paraissaient regarder dans le vide, un voile ternissant peu à peu leur éclat. De son regard vitreux, l’animal observa le visage souillé de terre de la jeune fille, hypnotisée.

Sous les yeux ébahis de David, Lou, Mattia, Nikita et Gabriel, Aurore se retrouva emportée dans un état second, spectatrice d’un souvenir dans lequel deux hommes se tiennent dans une forêt, leurs paroles inaudibles. Son regard est attiré par une masse sombre non loin de là, cachée dans les buissons. Elle s’approche pour mieux voir, et découvre un cadavre de chevreuil à moitié dévoré. Elle suit les traces de sang et se retrouve nez à nez avec un louveteau blond-roux, les pattes et la queue noirs, les babines rougies. Derrière lui, une gigantesque louve brune aux yeux vermeils grogne en montrant les crocs. Elle observe les deux hommes qui ont osé pénétrer dans son territoire. Le louveteau regarde sa mère puis trottine en direction du chevreuil éventré. Les deux hommes se retournent, la mère panique, bondit et attaque. Une fois les deux hommes à terre, elle attrape son petit par la peau du cou et s’enfuit en courant.

Aurore reprit ses esprits avant de ressombrer dans cette inconscience éveillée. Une autre scène, sans doute quelque mois ou quelques années plus tard, le louveteau a grandi. Le soleil brille, l’air est doux. Les deux fauves marchent à contre vent pour mieux surprendre l’énorme sanglier qu’ils traquent depuis déjà une bonne heure. Un craquement se fait entendre, le gibier détale. Le louveteau se retourne vers sa mère, l’air penaud. Ses yeux s’agrandissent alors qu’il retrousse ses babines pour montrer ses petites canines tranchantes d’un air menaçant. Un homme aux yeux vairons se trouve derrière sa mère, un fusil à la main. Il tire. La balle se loge à la base du cou de l’énorme louve qui s’affale sur son flanc, éclaboussant la robe dorée du louveteau de tâches écarlates. Le louveteau s’enfuit laissant l’homme en larme devant le fauve, hurlant comme si ce meurtre ne l’avait en aucun cas libéré de ses démons.

Aurore ouvrit les yeux, la nuque engourdie. Encore une fois, la transe reprit. Le louveteau est seul désormais. Il erre en hurlant à la mort. Il pleure, il couine, il se laisse dépérir. Sa robe perd peu à peu de son éclat. Il s’effondre au bord d’un chemin, sur un tas de feuilles mortes, son corps affaibli ne demandant que la fin de ses souffrances. La nuit est fraîche et le soleil ne va pas tarder à se lever. Les premiers rayons viennent chatouiller le pelage terne du petit animal qui se retrouve soudain enveloppé d’une pellicule scintillante de rosée. Sous les yeux d’un couple de joggeurs matinaux, le museau se transforme en un visage enfantin, les crocs disparaissent sous des lèvres fines, la toison laisse place à une peau blanche et lisse. Sylvia regarde son mari et George prend dans ses bras la petite fille aux cheveux bruns dont les pointes décolorées brillent d’un blond-roux, éclairées par la lumière de l’aurore.

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