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« Marko ! Regarde ! J’ai trouvé ce livre de recette à la brocante du village ! Viens, on essaye de cuisiner ce gros gâteau au chocolat ! » La fillette aux cheveux roux bouclés sourit à pleines dents, les joues rosies d’avoir couru. Le garçonnet ne peut empêcher son cœur de battre plus vite lorsqu’il croise ces yeux noisette, pleins de joie et d’impatience.

« Maaaaaaaaarkooo ! » Feu. Cris. Douleur.

Encore un cauchemar.

***

Aurore sentit l’eau froide mordre sa peau, elle adorait cette sensation. Nager était pour elle un plaisir infini et elle avait du mal à passer plus de quelques jours sans aller faire une baignade. Elle laissa le courant l’emporter, se délectant de la pression que la rivière exerçait sur ses muscles. Cela faisait bientôt trois semaines qu'on l’avait retrouvée dans la forêt et aucun souvenir ne lui était encore revenu. Elle avait eu les résultats de ses partiels, ses parents avaient cessé de se montrer paranos à chaque fois qu’elle sortait de la maison et son collier ne la brûlait plus. Elle en venait même à se demander si elle n’avait pas tout imaginé. Elle fit la planche et ferma les yeux. Tout allait bien.

Soudain, elle eut l’impression de peser une tonne et son corps commença à sombrer dans les profondeurs de la rivière. Prise de panique, elle se débattit avec rage avant de se rappeler qu’en cas de noyade, il valait mieux garder son calme. Elle se détendit en fermant les yeux, sentant son corps dériver et peu à peu couler. Elle donna un coup de jambe énergique afin de remonter à la surface, sereine, mais elle but la tasse, s’enfonçant toujours, comme si une main invisible lui poussait la tête dans l’eau. Ses mouvements se faisaient de plus en plus lents et la fatigue pointait. Comment était-ce possible ? Elle nageait depuis qu’elle était bébé… L’eau était son élément, elle ne pouvait pas se noyer ! Pas comme ça ! Le visage de ses parents dansaient en filigrane sous ses paupières. Elle revit en accéléré les moments qu'ils avaient passé ensemble, unis, heureux.

C’est alors que la pression sur son crâne disparut et elle fut de nouveau maîtresse de son corps. Elle se propulsa avec force jusqu’à la surface et respira une grande goulée d’air, non sans avaler de l’eau au passage. Elle fut prise d’une violente quinte de toux et se dirigea tant bien que mal vers le rivage. Une fois sur les galets, éssoufflée et tremblante, elle observa la rivière à la recherche d’un quelconque indice, en vain.

Elle remonta le cours d’eau, récupéra ses affaires et se dirigea vers sa voiture. Au volant de sa Fiat 500 vert pomme, ses pensées étaient confuses et elle faillit oublier de freiner à un stop, ce qui lui valut un coup de klaxon énervé d’un gros 4x4 noir. Elle reprit ses esprits et se dit qu’elle aurait le temps de penser à tout ça une fois seule dans sa chambre.

Elle resta muette pendant tout le diner, sous les regards inquiets de ses parents qui n’osèrent pas lui poser la moindre question. Elle grimpa les marches de l’escalier quatre à quatre, attrapa Gribouille au passage et s’enferma dans sa chambre. Elle posa l'animal sur son pouf et s’assit à côté d’elle. Le félin, d’habitude si calme, se mit à feuler. Il ébouriffa ses poils écaille de tortue pour paraître plus gros et dressa la queue, ses yeux jaunes perçants fixés sur elle, menaçants.

« Mais… Gribouille, qu'est-ce que tu me fais ma grosse ? »

Le chat poussa un grognement sourd, les pattes fléchies, prêt à bondir. Aurore pouvait voir ses griffes s’enfoncer violemment dans le pouf. Elle tenta une approche et tendit la main en direction du museau de la bête. D’un coup vif, le chat mordit de toutes ses forces en felant puissamment. Il souleva alors ses deux pattes antérieures et vint planter ses griffes dans la peau fine de l’avant-bras de sa maîtresse incrédule. Aurore essaya tant bien que mal de se débarrasser du félin fou, chaque mouvement provoquant une douleur cuisante, mais impossible de lui faire lâcher prise. Exaspérée, Aurore lança un regard noir, imita le grognement de son animal et lui intima d’arrêter. Aussitôt, la chatte déguerpit, escalada l’armoire et s’échappa par le Vélux.

Encore sous le choc et la main plaquée fermement sur les griffures, Aurore se frotta le bras mécaniquement, étalant le sang tiède sur sa peau. Elle se leva pour aller dans sa salle de bains chercher du désinfectant. Au moment de nettoyer les plaies, celles-ci se refermèrent sous ses yeux ébahis.

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