Manipulation

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En méditant son plan de bataille, Flavia arpentait les ruelles qui quadrillaient le quartier universitaire.
Elle pourrait s'adresser à Dieter Wetterwald, car sa facilité à se procurer des documents difficiles d'accès laissait présumer qu'il possédait des contacts très puissants. Il devait lui-même fréquenter la bonne société romaine, grâce à sa position de secrétaire d'ambassade.

Elle s'arrêta une seconde dans l'encadrement d'une porte pour composer un message à son attention, lui signifiant laconiquement qu'elle était disposée à le revoir. Après tout, la dernière fois qu'elle l'avait vu, il avait manifesté son désir de la rencontrer à nouveau, il sauterait donc sur l'occasion.

Elle rejoignit la Caffèteria, où Angelo l'attendait, plongé dans la lecture des Argonautiques.

— Tu fais des infidélités à Callimaque ? ne put-elle se retenir de railler, mais tu as raison, il raconte tellement mieux l'amour que son maître...

Les joues du jeune homme virèrent au rouge et il eut un petit rire gêné. Mais il se détendit aussitôt. Lui et elle étaient sur la même longueur d'onde, et il lui était très agréable de partager avec elle ces vifs échanges où ils rivalisaient d'érudition.

— Je commande pour toi. Que veux-tu ? Comme d'habitude ? demanda-t-il en se levant, pour changer de sujet.

— Des bucatini all’Amatriciana, je suis affamée aujourd'hui, se justifia-t-elle.

En réalité, elle pressentait une entrevue imminente avec Wetterwald, et pragmatiquement, elle pensait prendre des forces ainsi. Mais c'était certainement superflu car elle n'avait aucune inquiétude sur sa propre capacité à le plier à sa volonté.

Pendant que son camarade patientait pour commander devant la vitrine des snacks, elle était absorbée, comme tous autour d'elle, par les images qui défilaient sur le poste de télévision accroché en hauteur près du bar.

Un phrasé expressif et familier avait attiré son attention, caressant son oreille des intonations particulières de sa langue natale.

'Na rosa 'e cint' spin'

Si stong' senz' 'e te

Ca piogg' dint' 'o cor

Accend' 'a bomb'
Ma nun sent' 'a bott'
Je cu'tte ce so' rimast' asott'

Elle traduisit sans effort les paroles, en se demandant ce que les autres étudiants, qui paraissaient beaucoup apprécier la chanson, pouvaient bien y comprendre.

Une rose et cent épines

Si je suis sans toi

Avec la pluie dans le cœur

J’allume la bombe
Mais je n’entends pas d’explosion

Moi avec toi, je suis resté blessé

Un bandeau en bas de l'écran mentionnait le nom de Liberato, un jeune Napolitain, dont le succès avait franchi les frontières de la Campanie pour conquérir l'Italie, puis l'Europe entière.

Flavia se prit à balancer la tête en rythme sur cette musique dont le style dans l'air du temps lui était totalement étranger, entraînée par les accents mélodieux de sa terre natale.

Mais une vibration se propagea sur le plateau de la table, la tirant de sa rêverie. Un message lui était parvenu : « Rendez-vous ce soir au Senzu, Via Mario Fani. 20h. Faites-moi savoir si cela vous convient ».

Le Senzu, un nom napolitain qui signifiait à la fois arôme et sentiment. L'avait-il choisi pour cela ?

— Voilà, annonça Angelo en posant le plat de pâtes devant elle.

Flavia le remercia d'un hochement de tête et enroula sans attendre les épais spaghettis en les piquant de guanciale. La viande de bajoue assaisonnée du piquant du peperoncino et du fondant iodé pecorino répandit sa saveur exquise à travers les papilles avides de la jeune fille.

D'une main distraite, elle pianotait une réponse au secrétaire d'ambassade, lui signifiant son accord.

— Dis, tu connais le Senzu ? s'enquit Flavia, mine de rien.

— Oui, c'est un restaurant très chic en bordure du 14e municipio, la renseigna-t-il, l'air dégagé.

— Le 14e, c'est vers l'ouest, c'est ça ? Il faut s'habiller pour y aller? rebondit-elle, tentant de masquer son vif intérêt pour la question.

— Euh, oui, un minimum, car c'est l'établissement qui compte le plus d'étoiles dans un certain guide français renommé. Tu y vas ?

— Non, je cherchais un restaurant, et j'ai été interpellée par son nom, qui vient de la langue napolitaine, mentit-elle. Ils font de la gastronomie campanienne ?

— De la gastronomie de Campanie ? répéta-t-il d'un air goguenard qui déplut fortement, l'espace d'une seconde, à Flavia. Non, c'est assez bigarré, comme cuisine, chiche et assez pompeux... Attends-toi à sortir de table avec la faim au ventre.

Flavia pinça les lèvres, retenant une réplique acerbe. Le mépris pour tout ce qui venait du sud était le lot commun, ici, mais elle trouverait un moyen d'éliminer ce cliché dans l'esprit de son camarade. Sur ce, elle se demanda, in petto, ce qu'elle porterait, rien dans sa garde-robe ne conviendrait à pareil lieu. Peu importait, au fond, elle n'avait à plaire à personne, et se moquait de paraître déplacée dans ce genre d'endroit.

— Par contre, je pourrais te faire découvrir d'autres endroits beaucoup plus sympas, si tu es d'accord ? reprit-il, pour se rattraper. Il avait senti qu'il s'était engagé sur un terrain glissant avec son amie.

— Bien sûr, c'est quand tu veux, accepta-t-elle immédiatement. Cela pouvait lui être utile, pensa-t-elle, tout en regrettant d'avoir à se servir de la gentillesse de son camarade.

Mal à l'aise à cette idée, elle engouffra néanmoins son plat de pâtes et, prenant congé d'Angelo, elle se précipita à la bibliothèque universitaire pour s'acquitter des missions confiées par Vesari.

Mais cet après-midi-là son travail fut considérablement ralenti par l'appréhension de ce qui se déroulait au même moment dans le Parc de l'Insugherata. Se dire qu'elle batifolerait à quelques encablures du possible lieu du supplice de son presque frère lui retournait les entrailles.

Se tenant les côtes, perturbée par cette sensation, elle feuilleta le discours que Vesari lui avait envoyé. Il était plat, médiocre, déjà vu. La besogne était colossale, elle devait tout reprendre à zéro en repartant des œuvres originales.

Après avoir retrouvé les élégies, elle tâcha de sélectionner les meilleurs passages pour combler les lacunes qui émaillaient l'exposé du professeur.

Au milieu de la noria des écrits du poète, un passage retint son attention.

« La paix qu'on fait avec l'amour n'est jamais qu'une trêve » constatait-il déjà, deux mille ans avant ce jour. Mais en ce qui la concernait, la trêve était définitive, l'amour était derrière elle.

Son intérêt pour Marco ne résultait que de sa nostalgie pour Naples et ses deux amants, dont il avait été le fidèle compagnon d'armes, ça s'arrêtait là, avait-elle décidé.

Mais le travail ne se ferait pas seul, et elle s'escrima à rédiger une présentation intéressante et originale.

Le soleil déclinait lentement à l'extérieur, sans qu'elle s'en rende compte, sous la lumière blanche et constante des néons. Parfois, elle consultait fébrilement le fil d'actualités en continu pour s'assurer qu'il n'y avait pas d'évolution dans la situation de Fabio. Les nouvelles se succédaient, égrenant catastrophes naturelles, faits divers et annonces politiques, mais rien, toujours rien concernant Fabio. Les yeux lui piquaient de trop fixer l'écran, elle les reporta donc sur le cadran de sa montre pour les reposer.

Il était déjà 18 heures. Fourrant son ordinateur dans son porte-documents, elle s'élança au-dehors, franchissant d'un pas agile les quelques pâtés de maison qui la séparaient de l'arrêt sur la Piazzale.

Malgré cela, elle butait parfois sur des aspérités du trottoir, le regard rivé sur le site d'Il Messagero, le quotidien le plus populaire à Rome. Elle surveillait particulièrement la section dédiée aux événements survenus dans la ville, la plus susceptible de publier promptement ce genre d'informations.

Plus le temps passait, plus la pression montait. Elle pressentait l'imminence d'un malheur, mais elle ne savait pas si c'était un effet de sa nature pessimiste ou une réelle prémonition.

En coup de vent, elle rentra chez elle, trépignant d'impatience dans le bus. Elle n'avait pas une seconde à perdre si elle voulait être à l'heure, mais ce n'était pas ce qui la préoccupait le plus.

La tenue qu'elle porterait le soir même fut vite choisie, elle opta pour la robe patineuse qui lui rappelait tant ses premières étreintes avec Leandro. Elle eut un moment de flottement après l'avoir enfilée. Le souvenir de l'avoir fait glisser au sol pour inviter le mafioso à lui faire l'amour l'assaillit.

Combien de fois avaient-ils fait l'amour ? Ils n'avaient partagé que quatre ou cinq nuits, tout au plus, mais cela avait été suffisant pour la bouleverser à jamais, pour lui faire accepter de lui donner son corps pour qu'il puisse enfin vivre son amour pour son supérieur à travers elle.

Mais ça aussi , cela appartenait au passé, elle le chassa de son esprit en se précipitant vers le lungotevere Marzio et l'arrêt de la ligne 990.

Sur le trajet, elle savait qu'elle aurait le temps d'ajuster un peu son maquillage, mais elle n'avait pas prévu que les cahots de la route et les nombreux arrêts l'en empêcheraient. « Scervellata ! » Se fustigea-t-elle. Des fois, elle n'avait pas le sens commun, Marco le lui avait souvent reproché, à juste raison.

Mais comment aurait-il pu en être autrement pour elle qui avait vécu en permanence le nez dans ses livres ? Elle en connaissait beaucoup plus sur les mœurs des siècles passés que sur sa propre époque, même si, récemment, elle avait dû s'y mettre à marche forcée.

Elle souligna néanmoins la lisière des cils d'un trait approximatif de crayon noir, sous les yeux amusés des quelques passagers qui l'entouraient, et qu'elle ignora volontairement. En estompant un peu le khôl, on n'y verrait que du feu, pensait-elle. D'ailleurs, son reflet dans la vitre du bus laissait deviner un regard soutenu d'un halo charbonneux, tout à fait à la mode du jour. Pour la coiffure, elle n'avait pas eu le temps de s'en occuper, passant plusieurs fois ses doigts à travers sa longue chevelure pour la discipliner, sans savoir si cela suffirait.

Mais le bus faisait déjà halte à l'arrêt Sangemini, elle se hâta de descendre, autant que faire se peut, perchée sur ses hauts talons. Certaines femmes avaient une démarche si élégante malgré l'équilibre précaire qu'ils conféraient, à l'instar de Maddalena, la maîtresse du Boss. Mais, à l'évidence, il n'en serait jamais ainsi pour elle, songeait-elle en zigzaguant entre les flaques pour ne pas mouiller ses bas.

Heureusement, le restaurant était tout proche, installé dans un palazzo, étalant sur sa façade néoclassique un imposant auvent forgé de volutes Art déco. Des arbustes de buis artistement taillés en boule bordaient l'allée qui y menait. Les miroirs tapissant les murs du hall lui renvoyèrent l'image d'une gracieuse jeune fille, à la silhouette suavement mise en valeur par la forme évasée de sa tenue, ce qui lui arracha un demi-sourire de satisfaction. Elle était parvenue à tirer le meilleur parti du peu dont elle disposait.

Mais un chef de rang en queue-de-pie se présenta à elle pour l'introduire dans la salle, au nom de Wetterwald dont elle se réclama. Elle se fit la réflexion, à son habit impeccablement taillé, qu'elle n'était peut-être pas aussi élégante qu'elle le croyait. Cette désagréable impression s'accentua au fur et à mesure qu'elle louvoyait entre les tables occupées de convives en robe de cocktail et smoking. Agacée par l'idée qu'elle déparait dans cette assemblée hautement distinguée, elle n'avait pu admirer la décoration épurée d'un blanc éclatant atténuant les lignes sévères des boiseries moulurées qui la ceignait, sur laquelle tranchaient des chaises grises au design très contemporain.

Cependant, elle prit une contenance fière en se redressant outrageusement pour compenser sa tenue médiocre, foudroyant au passage les curieux qui la dévisageaient sur son passage.

Wetterwald se leva pour la saluer, vêtu d'un smoking haut de gamme, et s'inclina légèrement quand elle fut face à lui. Flavia ne lui avait même pas jeté un regard, pensant se heurter à sa morgue habituelle, et s'assit avec un brin d'impertinence sur le siège qu'on tira pour elle.

— Je suis heureux que vous m'ayez appelé, dit-il simplement.

Au son de la voix claire où nulle arrogance ne perçait, elle leva enfin les yeux vers lui. Il avait toujours l'apparence stricte qu'elle lui avait connue mais sa morgue avait disparu.

Il avait même l'air presque sincèrement satisfait qu'elle soit là, sans la dédaigner pour ce qu'elle était, ainsi qu'il l'avait fait par le passé.

En son for intérieur, elle hésitait sur la ligne à tenir avec lui. Annoncer à brûle-pourpoint la raison pour laquelle elle voulait le voir, ou mettre un minimum les formes en engageant d'abord une conversation légère afin de l'amener à lui donner les informations dont elle avait besoin ?

— Je vous avais promis que je vous recontacterais, et je me tiens toujours à mes promesses, mentit-elle. Oui, elle était une menteuse et un parjure, songea-telle. Un jour, elle avait juré à Leandro de n'appartenir qu'à lui, mais elle s'était donnée à tellement d'hommes depuis que cette simple pensée lui donna la nausée. Et ce soir, elle réitérerait la trahison.

Un sourire étira les fines lèvres de l'homme, alors qu'elle poursuivait.

— Je n'y irai pas par quatre chemins. Je veux réussir et me pousser dans le monde, mais en venant de Naples, beaucoup de portes me sont fermées. J'aimerai rencontrer le gotha romain, et je suis certaine, que grâce à votre position, vous devez le côtoyer.

Jouer à l'ambitieuse était le seul alibi qu'elle ait trouvé en si eu de temps. Elle se figurait que c'était la motivation la plus naturelle pour une étudiante de la prestigieuse université qu'elle fréquentait.

— Je ne me faisais pas beaucoup d'illusions sur les raisons de votre message, et je vois que je ne me suis pas trompé... Soit ! Je veux bien vous aider. Mais vous ne me laisserez pas sur ma faim comme vous l'avez déjà fait, cette fois, rétorqua-t-il, sur la défensive.

Malgré son manque de perspicacité pour tout ce qui avait trait à la psychologie humaine, Flavia avait compris le changement qui s'était opéré chez son interlocuteur. Elle aurait mieux fait de le cajoler pour lui soutirer ce qu'elle recherchait, elle s'en serait sans aucun doute tirée à meilleur compte, mais c'était trop tard.

— Nous reparlerons après le repas de la manière dont vous pourrez montrer votre gratitude, reprit-il alors qu'un serveur s'approchait pour leur remettre le menu et prendre la commande des boissons.

Que voulez-vous boire ? Du Champagne ? proposa-t-il en parcourant la liste des boissons.

— Non merci, mais j'aimerais goûter le Smash al Botanico. Peut-être que nous pourrions commander tout de suite le reste ? avança-t-elle pour abréger autant que faire se peut le repas.

Sur ces paroles, elle commanda au hasard des pâtes aux fruits de mer, car la description des plats lui paraissait nébuleuse, avec toutes les périphrases utilisées pour désigner les ingrédients les plus simples.

— Vous me servirez la même chose, et vous nous mettrez une bouteille de Trebbiano d'Abruzzo, réclama, très sûr de lui le diplomate. C'est un vin produit en très petites quantités qui est reconnu pour être le meilleur d'Italie, expliqua-t-il avec un brin de condescendance à Flavia.

— Certainement, je ne remets pas cela en question, mais connaissez-vous le Falanghina ?J'ai vu qu'il était à la carte. L'homme secoua la tête.

C'était son vin préféré, elle en connaissait toute l'histoire qui la renvoyait à sa période de prédilection. En prenant sa respiration pour se lancer dans une longue explication, elle savourait la petite revanche qu'elle pourrait prendre sur son interlocuteur.

— Il s'agit d'un des plus anciens cépages romains, directement issu du « divino falerno » le vin consommé à l'Antiquité. Son arôme a bénéficié du terreau volcanique où les vignes poussent et de l'exceptionnel ensoleillement de la côté campanienne, tout en notes de fleurs de citronnier et de pêche... Le meilleur est celui des Champs Phlégréens, que vous avez judicieusement choisi de proposer ici, ajouta-t-elle en adressant un coup d’œil entendu au serveur.

Wetterwald et le serveur l'écoutaient avec une surprise non dissimulée discuter d’œnologie.

— Vous nous servirez un Sant'agata dei Goti en version passito. C'est un vin doux issu de raisins séchés, reprit-elle, sarcastique, en se penchant vers le jeune homme. Celui-ci leva les sourcils, vaincu.

La jeune fille saisit l'opportunité pour rattraper les dégâts causés par la maladresse de son mensonge.

— Parlez-moi de vous... Comment êtes-vous arrivé à votre position actuelle ? l'interrogea-t-elle en le gratifiant du sourire qu'elle voulut le plus charmeur possible. Si elle tentait d'arborer une contenance assurée, elle doutait de la réussite de sa manœuvre. Peut-être apparaissait-elle trop évidente ?

Mais l'homme sembla se détendre, et flatté de l'intérêt qu'elle lui témoignait, commença à dérouler le fil de sa vie, en vantant au passage sa puissante lignée et ses connexions avec les grands de ce monde. Sa famille, une ancienne dynastie du canton de Berne, assurait depuis des décennies un rôle important dans le conseil fédéral suisse. Il n'occupait son emploi de secrétaire d'ambassade que le temps de faire ses armes, avant de voler vers des horizons glorieux.

Pendant cet exposé, Flavia hochait la tête, comme pour approuver ses projets ou paraître impressionnée de ses fanfaronnades. Finalement, il serait aisé de manipuler cet homme en flattant son ego.

Perdu dans le récit de ses exploits, il en avait oublié la brusquerie de la demande de son invitée en début du repas.

— Et vous avez rencontré les notables de la ville, je suppose ? Quelles sont les grandes familles qui comptent ici ? glissa-t-elle pour recentrer la conversation.

— Oui, bien entendu, j'ai été introduit auprès de nombreuses personnalités en vue à Rome, déclama-t-il d'un ton suffisant.

Et il entama un long monologue où il relata les rencontres qu'il avait faites dans la haute société romaine, l'intelligentsia, les politiques, la jet-set. Pendant ce temps, Flavia tâchait de mémoriser les informations qu'il lui livrait. Elle le fit sans effort, grâce aux longues années d'étude qu'elle avait traversées, notant chaque détail, chaque nom, chaque fonction et chaque particularité.

Tous les grands noms défilèrent : les Altoviti, et les Cavalcanti pour la noblesse, les Mariani, des De Santis et les Salviati pour l'intelligentsia, pour la politique les Proietti, les Conti, les Di Marzio régnant à la fois sur les affaires et l'administration.

La bouteille de Falanghina se vidait progressivement, répandant son voile d'ivresse dans l'esprit des convives.

— Vous pourriez m'accompagner, si vous le voulez...il y a sans arrêt des soirées, car ces gens-là aiment l'entre-soi et se reçoivent souvent les uns les autres. Il n'est pas facile d'y être admis quand on ne vient pas du sérail.

Flavia inclina la tête en signe d'assentiment, c'était exactement ce qu'elle attendait. Le dessert était terminé, un baba accompagné de sa glace au rhum et de sa compotée de mûres, choisi parce que c'était une des spécialités de sa région.

Il n'y avait donc aucune raison de s'attarder. De la soirée, elle n'avait pas jeté un œil à son téléphone pour ne pas se montrer grossière, mais elle brûlait de prendre connaissance des dernières nouvelles. Ses pensées l'avaient sans cesse ramenée du côté de Fabio, virant à l'obsession. Elle bouillonnait d'impatience de mettre un terme aux digressions de l'homme, désormais inutiles.

Pour hâter le départ, elle fit mine de consulter sa montre avec insistance. Cela arrangeait Wetterwald, qui sauta sur l'occasion.

— Peut-être pourrions-nous poursuivre la soirée autre part ? Si vous voulez m'accompagner chez moi, nous pourrions déguster du Chrüter, un digestif très parfumé, très renommé pour sa finesse au palais, pour vous remercier de m'avoir fait découvrir le Falanghina. Je me souviendrai de ce nom, il est délicieusement minéral, sapide et vertical, déclara-t-il en se gargarisant de ces termes pédants qu'il se félicitait de parfaitement maîtriser.

Sans répondre, Flavia se leva et se dirigea vers l'accueil pour réclamer son manteau, elle n'avait pas de temps à perdre avec des débats creux sur les mérites de leurs alcools respectifs.

Maintenant, il lui tardait d'en finir, elle donnerait ce qu'il voulait à cet incorrigible vantard, si besoin dans une des nombreuses ruelles obscures qui environnaient la Via Mairio Fani, contre un mur, rapidement. Puis, elle filerait vers le Parc de l'Inseghurata, pour s'enquérir elle-même de l'avancée de la chasse à l'homme qui se faisait rage là-bas.

Note de l'auteur: Dans ce chapitre, je mentionne une chanson d'un artiste napolitain, que je vous encourage à écouter si vous voulez vous imprégner de l'ambiance napolitaine. Les accents caressants et sensuels du napolitain sont parfaitement mis en valeur par les images des beautés de la ville: https://www.youtube.com/watch?v=AWQcDlHoE4o

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