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— Tu savais que j'ai appris à marcher à six mois et demi ? Mes parents ont eu toutes les peines du monde à me trouver des chaussures, avec des semelles pour la marche ; ça ne se faisait pas pour ma pointure.

— Tu devais être trop mignon avec tes mini Pump'Air, lui sussura-t-elle.

— Et j'ai dit mon premier mot à sept mois, c'était "Coconut", le nom de notre teckel. Il venait souvent dans mon parc à jeux pour me piquer mes peluches. Je devais imiter mon père quand il l'engueulait. J'adorais ce chien, c'était une vraie pâte.

— Oh, je ne savais pas que tu avais eu un chien ! Je croyais que tu étais plutôt chat.

— À l'âge que j'avais, ce n'est pas comme si c'était moi qui l'avait choisi, enfin bref. Comme ma mère est australienne, elle me parlait anglais tout le temps, ce qui fait que j'étais bilingue avant d'entrer en maternelle. D'ailleurs mes parents ont eu une dérogation pour que je commence à deux ans et demi. Je suis passé direct de la petite à la grande section, je savais déjà lire quand je suis entré au CP. Quant aux maths, mon grand jeu était de compter indéfiniment pour saouler mes parents et obtenir ce que je voulais. À partir du moment où j'avais compris comment ça fonctionnait, c'était facile, les unités, les dizaines, la base 10, ... Je crois que mon record, c'était 1607, pour qu'ils acceptent que je fasse un tour de poney. Ils ont fini par craquer, car comme je zozottais un peu, ce nombre avait dû les faire sourire quand je l'ai prononcé.

— Je ne sais pas si c'est t'imaginer en train de faire du poney ou de zozotter qui me fait le plus rigoler.

— Ma scolarité a été rapide ensuite : trois ans de primaire, trois ans de collège, et deux ans de lycée. J'ai eu mon bac à douze ans. Finger in the nose. En parallèle, je faisais du squash, et j'ai été surclassé dans la catégorie supérieure, ce qui ne m'a pas empêché de décrocher quelques titres régionaux et nationaux.

— Respect ! Moi, j'ai à peine mon Ourson au ski.

— J'ai fait une prépa HEC en tentant le concours dès la première année, sur dérogation. Je l'ai eu sans trop de difficulté, ainsi que le diplôme, et comme je n'étais pas majeur pour entrer dans la vie active, j'ai fait Science-Po pour m'occuper. C'est là que je t'ai rencontrée.

— Ah bon, je ne suis qu'une occupation pour toi ? lui demanda-t-elle, taquine.

— Mais non, tu vois ce que je veux dire. Bref, tout ça pour dire que...

Elle se leva, présentant son corps nu sans aucune pudeur à la lumière du petit matin, interrompant le flot de paroles de son amant du jour. Puis elle enfila une de ses chemises, avant de prendre un paquet de cigarettes qu'elle alla fumer près de la fenêtre ouverte. Elle se tourna vers lui, avec un air mi-déçu mi-compréhensif.

— C'est pas grave...

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