Noble chant

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Chantant sans arrêt,
Leur musique sans intérêt,
Ils cherchent à se valoriser,
En oubliant tout de la destinée,

Aux sons des ustensiles qui s’entrechoquaient, les convives mangeaient dans la salle à manger des Livarnal dans une atmosphère plus ou moins détendue. Après ce petit moment de détente avec Avartori où les deux vieux complices s’étaient fait plaisir en se remémorant leurs villes aventures et en se contant leurs nouvelles conquêtes, Rangis avait été rapidement trainé par ce dernier à la salle à manger pour souper en compagnie de toute la famille Livarnal. Évidemment, dans la pièce, il se trouvait la famille d’Avartori, au nombre de cinq, et séjournait en sa compagnie le Prince et le chef de sa garde. Silicius avait fait l’honneur au capitaine George de l’inviter à manger avec eux. Galen se trouvait derrière son protégé, silencieux et attentif. Il était prêt à se détendre en cas de danger. Plusieurs domestiques faisaient des allées et venues régulièrement entre les convives et les cuisines. Il fallait s’assurer du bien-être de tous ses gens importants. Disçart était absent, au déplaisir de Rangis. Il n’était toujours pas réapparu avant le repas. Sa présence n’aurait peut-être pas été appréciée par ses hôtes, mais ça aurait été mieux que de le laisser dans son coin. Le repas aurait surement été plus dynamique aussi… Ce dernier était formel, très formel, au grand dam du prince. Aucun des Livarnal ne laissait filtrer leur entière pensée, même Avartori, qui avait été si éloquent quelque temps plus tôt, était désormais d’une politesse désagréable. Heureusement, ou malheureusement, George avait suffisamment d’expérience pour comprendre ce qu’il se passait. Il mangeait dignement sans rien laisser échapper qui pourrait salir la famille royale. Revenant à sa discussion, le Prince répondit à Silicius :

- Je ne puis vous répondre, Comte. Je vous dirais que j’ai joué de mal chances cette journée-là. Personne ne savait vraiment qui j’étais lorsque mon garde a…a cogné sur les gaillards, fils de riches habitants de Fornom. Les cinq hommes étaient saouls et ils se sont fait manipuler. Au final, mes gardes m’ont défendu et… cela s’est retourné contre moi.

La réponse ne sembla pas satisfaire Silicus qui fronçait les sourcils. Il semblait sur le point de poser une nouvelle question. C’était un homme d’âge mûr avec des cheveux gris lui descendant en bas des épaules. Il ne ressemblait pas beaucoup à son héritier. Parfaitement rasé, la mine sévère, il ne semblait pas souvent sourire. Il portait une longue chemise bouffante qui cachait son léger embonpoint. Son regard était l’égal de sa mine : ses yeux vous scrutaient à la recherche de toutes les vérités cachées. La table était un long rectangle où près d’une quinzaine de personnes pouvaient manger, une seule personne à chaque extrémité. Silicius se trouvait à être à une des extrémités, Rangis à sa droite. L’homme grisonnant scrutait son invité, le rendant mal à l’aise. Le prince évitait de complètement se retourner vers lui, attendant la suite :

- Vous ne répondez pas à ma question, mon Prince, continua Silicus de sa voix rauque. Je ne comprends pas la raison que vous aviez été visé. Personne ne savait qui vous étiez. Surement que les brigands vous ont, surement, d’abord, pris pour un esthète de la ville ou quelqu’un se prenant pour l’un d’eux. C’est seulement à la fin, si j’ai bien compris, qu’ils ont découvert votre identité. Donc, qu’est-il arrivé pour que ses brigands vous visent, mon prince?

Soupirant très discrètement, Rangis ne répondit pas immédiatement. Silicius ne voulait pas lui laisser le choix et le scandale, plus ou moins salissant, n’avait pas de véritables d’impacts sur sa Maison : son père ayant réglé le tout très rapidement. Au final, le gros de la responsabilité tombait sur son ami. Cela n’aiderait en rien sa réputation. Les participants du repas se trouvaient dans une salle relativement modeste, mais très décorée. Les murs, le plancher et même le plafond étaient couverts d’artéfacts en tout genre : des lustres pendouillaient, des bibliothèques s’oubliaient, des armures s’empoussiéraient, des tapisseries s’étiraient paresseusement, de moelleux tapis attendaient d’être piétinés. Le mobilier était richement décoré de sculptures. La pièce respirait le statut de son propriétaire. Un propriétaire qui se faisait très scrutateur de la vie royale. Rangis ne comprenait pas d’où venait cette curiosité, mais il avait le sentiment que de mentir au noble serait une mauvaise idée. Il était sûr que celui-ci savait déjà tout. Il finit par avouer :

- L’arrivée de Disçart de la Forêt noire fut remarquée, Comte. Il a, par son comportement protecteur et un peu maladroit, capté l’attention des mauvaises personnes.

- Ainsi, votre compagnon est responsable de toute cette catastrophe, résuma Silicus avec une pointe de dédain. Je connais l’empathie de la famille royale envers cet orphelin, mais son comportement mériterait d’être réprimé, mon Prince. Il a dépassé les bornes une fois de trop. Cela aurait pu avoir des conséquences pour votre père, le Roi et vous-même. Que va faire le Roi par rapport à ce poseur de problèmes cette fois?

- Officiellement, commença le prince, il est exilé de la capitale pour un temps indéterminé. Il va recevoir une éducation dans le Duché de l’Ouest pour le remettre à l’ordre.

Avalant une bouchée de son repas, Silicius observa le Prince à la recherche de la vérité. Rangis se fit un devoir de ne pas faire attention à ce regard. Lui-même prit le temps d’avaler un morceau attendant que l’un de ses hôtes continue la discussion. Le silence ne se fit pas longtemps. La femme de Silicus posa la prochaine question, une personne à la chevelure noire de jais et à la voix aussi sèche que son visage :

- Alors, mon Prince, pourquoi l’accompagnez-vous? Vous n’êtes nullement responsable de ce désastre et, ce malotru… veuillez excuser mon écart de langage, cet homme fut le problème de cette soirée.

Rangis se força à sourire et à se contenir. Il connaissait bien le dédain monstre des Livarnal envers Disçart. Celui-ci n’était nullement soudain. Or, il n’avait aucune envie de créer des tensions avec les vassaux de son père, même s’ils attaquaient à son ami. La situation était suffisamment embarrassante pour sa Maison. Il fit comme son père aurait fait : rester humble.

- Je ne vous mentirai pas, comtesse Édilda, répondit Rangis avec une grimace pour l’apparence. J’ai quand même été présent, et mon inaction envers mon vassal ne joue pas en ma faveur. Je crois que le Roi désire seulement apaiser la Guilde des marchands en éloignant tous les gens présents ce soir-là. En plus, il y a longtemps que je n’ai pas vu mon grand-père, le Duc de l’Ouest.

Le Prince mit beaucoup d’intonation sur le dernier titre. Il espérait rappeler à cette famille ses liens familiaux. La Comtesse ne répondit pas, hochant simplement de la tête. Tous semblaient avoir compris le sous-entendu du beau jeune homme : une visite royale chez l’un des plus puissants vassaux ne pouvait pas être considérée comme une véritable punition. Le silence sembla vouloir se faire, quand Rangis continua, prenant au dépourvu les autres convives :

- Avec les divers incidents dans le royaume, je ne crois pas que les actions de Disçart ont amené un complet désastre. Qui pourrait dire cela était un piège de nos ennemis? J’ai été insouciant et, après tout, sans sa démonstration de force, j’aurais pu être une cible. Alors, des conséquences bien pires auraient pu arriver…

Les six autres participants du repas s’arrêtèrent de manger et regardèrent le Prince. La tension venait d’augmenter d’un cran et même les domestiques hésitaient à bouger. George avait la bouche grande ouverte. Il avait perdu tout de sa stature habituelle. La famille Livarnal semblait très hésitante, se jetant entre eux et au prince des coups d’œil éberlués. Le premier à réagir fut le blanc Avartori, exprimant sa consternation :

- Vous ne pouvez dire cela, mon prince. Disçart est un rustre sans manière. Il ne sait se contenir! Il a surement réagi impulsivement sur des détails inutiles!

Pour ses propos, le Prince du Comté reçut un violent regard réprobateur de son père. Cet échange silencieux coupa le désir de parole d’Avartori qui baissa les yeux piteusement. Avant que quiconque puisse répondre, Silicius continua, les sourcils froncés et de l’agacement dans la voix :

- Je ne donnerais pas tort à mon fils, mon Prince, mais je crois qu’il s’emballe pour rien. De toute façon, ce qui est arrivé est arrivé. Il ne sert à rien de penser à ce qu’il aurait pu. Le résultat est que votre homme de main a réagi trop violemment sur des détails et par ce fait, il a causé des problèmes à Sa Majesté. Il ne sert à rien de vous remettre en faute. Jeunesse doit passer.

Rangis acquiesça aux paroles de son homologue et il avala un petit morceau de son repas. Il avait un léger goût amer dans la bouche. Disçart n’était pas un grand crétin! Il était seulement maladroit… Le Prince aurait aimé pouvoir faire comprendre les qualités de son ami. L’atmosphère devint de moins en moins oppressante et tout le monde sembla plus facilement agir, mêmes les domestiques semblèrent mieux. Ils se promenaient avec plus d’assurance remplissant les verres entre les invités et obéissant aux ordres coutumiers de la Comtesse : amener telle partie du repas, tel vin, servir les plats, etc. Le cadet de la famille Livarnal interpella le prince. Il se nommait Silion et il n’avait pas plus de douze ans. Petit et frêle, il avait les cheveux noirs de sa mère. Ses traits semblaient creusés : il donnait l’impression d’être malade. De sa voix aigüe, il demanda :

- Est-ce qu’il est vrai, mon Prince, que la magie fait partie du problème?

- Je ne serais te le dire, hésita Rangis. Il y a un peu trop de rumeurs pour que je puisse te répondre…

À ce moment, George demanda à son suzerain s’il y pouvait répondre. Le Prince ne put lui dire non. L’éclat dans le regard, un sourire sous sa moustache, le capitaine trépignait pratiquement d’envie de répondre. Le charmant héritier du Roi lui permit en ne pouvant dissimuler son sourire. Alors, le chauve soldat commença ses explications de sa voix de stentor :

- Comme l’a dit notre Prince, il y a tellement de rumeurs qu’il est difficile de reconnaitre parfois le vrai du faux. Par contre, l’utilisation de la magie semble présente. De nombreux accidents semblent la rapporter. Pourtant, la description des rapports sur ceux-ci est tellement incohérente et peu répétitive qu’il est difficile de comprendre. Alors…

Le capitaine George continua ses explications sur les évènements. Il expliqua les possibilités et les pires théories sur ceux-ci. Le cadet Livarnal semblait fasciné par les descriptions et ses vifs mouvements de tête ne faisaient qu’encourager le capitaine à continuer de parler. Pourtant, au sein de ses paroles, Rangis pouvait reconnaitre les éléments de la réalité. Certains rapports avaient fait état de la présence de lanceur de sorts et de créatures magiques. Les attaques étaient organisées et quelqu’un de puissant manipulait le tout. La magie n’était pas un outil facile à trouver ni aisé à contrôler. Même si George exagérait, son portrait était juste et le charmant jeune homme n’était pas le seul à le comprendre à voir les mines curieuses du reste de la famille Livarnal. Surtout, le chauve moustachu n’était pas avare de détails. Il parlait et parlait encore, répétant encore une fois les rapports qu’il connaissait si bien. Rangis perdit assez rapidement le fil de la discussion. Ses pensées allèrent vagabonder sur la capitale et sa famille. Il se demandait ce qu’il pouvait bien faire à ce moment : son frère tentant surement de fuir la surveillance de tout le monde pour trouver une auberge confortable, son père peut-être en train de gérer le royaume ou peut-être en train de profiter de sa soirée avec la reine. Le charmant jeune homme s’imaginait presque dans la routine quotidienne, elle lui manquait. Subitement, le prenant au dépourvu, le frêle Silion l’interloquait :

- Mais, mon prince, la magie? N’est-elle pas la raison de tous ses troubles?

- Nullement, hésita Rangis un moment ne comprenant plus tout à fait. La magie n’est qu’un outil, Silion. On ne peut la blâmer, mais on peut blâmer les mauvais hommes.

- Pourtant, tout le monde dit qu’elle est la source de tous les problèmes. Chaque fois que quelque chose de mal arrive, c’est la faute de la magie. Tout le monde déteste la magie? Alors, n’est-elle pas la source du problème?

L’enfant regardait le prince avec de grands points d’interrogation dans le regard, tentant de relier les diverses informations. À ce moment, Silicus foudroya son fils cadet qui se ratatina sur place. Il avait, semble-t-il, trop parlé. Cependant, le Prince ignora le geste du Comte et il expliqua :

- Je ne suis pas un expert sur la magie au contraire d’un de mes proches, mais j’en sais jusqu’à un certain point. Voies-tu, Silion, la magie est un pouvoir complexe, ni mauvais, ni bon, mais il a le potentiel d’être les deux. Le problème est que la magie est un objet pouvant être dangereux, un peu comme un cheval. Comme avec un cavalier, si la bête n’est pas domptée, la magie peut s’attaquer à ce qui entoure son maître, dont le maître lui-même. Donc, un magicien peut, par imprudence, provoquer des catastrophes avec la magie. Un cheval peut être dangereux s’il prend la folie. Il va se cabrer et se débattre. Pourtant, les chevaux nous sont utiles dans divers domaines, comme les voyages ou le travail des champs, on ne s’en prive. La magie aussi peut nous être utile, mais avec prudence.

- Avec tout le respect que je vous dois, mon prince, commença Silicius d’un sérieux mortel, la dangerosité de la magie est bien plus grande que celle d’un cheval. Les magiciens, sans parler des sorciers, ont le pouvoir de causer de terribles catastrophes, volontairement ou non. Ils sont une plaie pouvant faire entrer des monstres et des calamités dans notre monde par avidité pour le pouvoir. Je sais l’affection de la royauté pour ses potentiels destructeurs, mais on ne peut oublier qu’un puissant magicien hors contrôle peut tout détruire. Il faudrait faire quelque chose pour les empêcher de tout détruire et les contrôler!

Rangis essaya à plusieurs moments de répondre au Comte, mais ce dernier était beaucoup trop emporté pour lui laisser une chance. Personne d’autre n’essaya de répondre. Ils savaient tous qu’il valait mieux le laisser faire que d’intervenir. Quand il s’emportait, le comte Silicus était connu pour réagir capricieusement, si on pouvait dire cela comme ça. Au final, il finit sa longue tirade à bout de souffle. Un long silence se fit. Le Prince hésitait à lui répondre. Il ne voulait pas se fâcher avec Silicius. Alors, il se décida :

- Vous avez raison, Comte, mais vous allez peut-être trop loin. La magie est certes dangereuse, mais elle nous apporte beaucoup de chose. Le royaume n’aurait pas tenu sans elle.

- Que faites-vous des vampires et des lycans? Des monstres et des possédés? Mon Prince, il n’arrive pas de nulle part.

- Ce sont dans les conséquences possibles et les magiciens royaux sont sous bonne garde pour les éviter. N’oubliez pas, Comte. Cela subvient parfois sans raison. La magie fait partie du monde. On ne peut la faire disparaitre.

-Alors! Prince. Que fait-on pour les morts? Que dit-on à leur famille?

Rangis ne dit rien. La réponse l’avait laissé coi. Il n’y avait jamais pensé. La magie était effectivement dangereuse, mais elle était, en partie, la raison de la survie du royaume. Sans elle, Libragne ne serait pas libre de ses voisins et le peuple ne pourrait pas vivre cette vie hors du dogme des Ordres… Son père devait avoir une réponse… Le repas continua dans le silence. Un silence qui se fit de plus en plus oppressant. La plupart semblaient agités, ne tenant plus ou moins bien sur leur chaise. Silicius restait fermé devant le malaise, mais Rangis le remarquait à peine : il réfléchissait encore à la remarque. Le message qu’il avait reçu quelques jours auparavant lui était revenu en tête. Les propos étaient si similaires à ceux de Silicus… Les deux parlaient des dangers et des morts qu’elle avait pris. Que devait-il en penser? N’en pouvant plus, la comtesse Édilda changea de sujet avec ton un peu plus aigu :

- Donc, mon Prince, si vous me le permettez, je serais curieuse de savoir ce que votre famille pense pour la cérémonie du mariage. (Elle ajouta rapidement) Souvent, la cérémonie se prévoit des années à l’avance.

L’héritier royal regardait son interlocutrice avec surprise. Il était rare d’entendre le sujet de son mariage. Celui-ci ne serait pas avant quatre ans, à la fin de sa vingtième année. La cérémonie étant unique dans le Nouveau-Monde, il était difficile de prévoir la personne qui deviendrait Reine. En fait, son père lui en avait parlé qu’à de très rares moments. Chaque fois, cela se résumait à penser au futur du royaume et à son futur propre en même temps. Une femme de famille influente, mais avec une nature détestable serait aussi mauvaise qu’une belle incroyable, mais honnie de tous. Le royaume devait passer avant les désirs personnels. C’était cela devenir Roi. D’un autre côté, sa mère avait toujours voulu avoir son opinion sur la gent féminine. Étrangement ou non, diverses damoiselles lui étaient présentées par la suite. Avant de répondre, il soupira. Seul Disçart disait autrement. Le beau jeune homme aurait aimé qu’il réponde cette fois-ci :

- La cérémonie n’étant que dans plusieurs années, Comtesse, il serait ardu de vous en parler. Comme je dois faire le tour du royaume pour rencontrer absolument toutes les jeunes femmes de nos terres, il est difficile de savoir quel sera le choix final.

- N’avez-vous dont pas de damoiselle en vue? Absolument aucune? demanda la Comtesse avec un sourire mielleux.

Rangis n’eut aucun mal à discerner le sous-entendu et il ne put empêcher son regard de dévier vers la fille de Silicius. Éveline avait à peine un an de moins que lui, et c’était une jolie jeune femme… Un sourire gêné s’imprégna sur son visage et il rectifia rapidement l’orientation de son regard. La fille du Comte ressemblait beaucoup à son frère, des traits fins se caractérisant d’une certaine grâce, svelte avec une petite poitrine qui semblait délicieuse sous sa robe… et un sourire arrogant. Elle possédait aussi le trait des Livarnal : les cheveux blancheurs de neiges. Rangis la trouvait attirante, mais à cause de diverses raisons, dont la politique, il avait toujours fait attention de ne pas rester trop près d’elle. Elle était un objet convoité par bien des Maisons nobles, le moyen d’obtenir un allié puissant. Il répondit avec une attitude qu’il espérait sûr (et que Galen n’aurait pas renié) :

- Il y a tant de belles jeunes femmes dans le royaume, et tellement que je n’ai jamais rencontré, que je ne pourrais vous répondre, Comtesse. La cérémonie a cette utilité que de me permettre de rencontrer le plus grand nombre. Il serait insultant de ma part de ne pas laisser une chance… une chance aux filles n’ayant pas encore atteint l’âge de la maturité avant de choisir la personne qui deviendra ma reine. Alors, il serait difficile de vous répondre avec tant de femmes que je dois laisser une chance.

Le Prince finit de discourir avec un sourire qui se voulait confiant, mais le cœur n’y était pas. Il avait l’impression d’avoir dit de grosses bêtises… Il espérait juste avoir réussi à bien esquiver la question. Ce qui sembla être le cas, puisque la Comtesse n’insista pas plus, l’air un peu surpris. Par contre, George, Silicius et Avartori cachaient difficilement leur sourire et Éveline eut un regard froid. Il entendit même Galen reniflé d’amusement derrière son épaule. Le Prince continua de sourire, mais son regard évitait tout le monde. Il se sentait de plus en plus ridicule... Le repas continua dans une atmosphère relativement agréable et dès qu’il le put, le Prince s’excusa en prétextant la fatigue du voyage pour fausser la compagnie de ses hôtes. Il n’avait qu’une envie : se retrouver loin des nobles. Le soulagement ne fut pas long à arriver.

* * *

Galen suivait le Pince comme son ombre. Ce déplaçant rapidement dans les derniers couloirs, le Prince atteignit rapidement sa chambre. L’aile des invités était joliment décorée, mais Rangis le remarquait à peine. Le repas avait été lourd et il avait hâte de pouvoir se détendre un peu. La pression d’être de sang royal n’était pas simple. En arrivant devant les portes de ses appartements, d’une essence de bois laquée et resplendissante, il ouvrit d’un rapide mouvement. L’endroit était doucement éclairé par plusieurs chandelles, laissant une lumière tamisée. Au centre de la pièce, il se trouvait un canapé et plusieurs fauteuils autour d’une table basse, une table garnie de nourritures. Le reste de la pièce était agréablement habillé : des tapis un peu partout, des meubles de qualités et quelques tapisseries. Sur le canapé, il se trouvait un individu en noir, sirotant une gourde d’un quelconque breuvage. Il était à moitié étalé sur le divan, ses bottes sur la table. Disçart regardait le Prince avec une certaine apathie dans le regard. Rapidement, après avoir entendu la porte se fermer, Galen vint les rejoindre. Rangis lâcha en relâchant ses épaules :

- Tu as réussi à entrer…

- J’espère, commenta dédaigneusement Disçart en prenant une gorgée de sa gourde. Sinon, je ne serais pas bien utile.

Rangis s’écroula sur un des fauteuils devant son Traqueur, lasse de sa soirée. Galen fit de même après avoir enlevé son armure. Cela lui prit un certain temps à délasser les sangles de son plastron, enlever la maille et les diverses autres parties de son armure. Alors, il s’assit en laissant sortir un puissant soupir de soulagement. Un sourire extatique marquait ses traits en demandant la gourde de son ami. Disçart lui lança et le Protecteur ne se fit pas plus attendre pour commencer à s’empiffrer : le repas avait semblé lui donner faim. Avalant rapidement ses bouchés, il faisait passer le tout avec des gorgées de la gourde. Sous le son des mastications, Rangis continua :

- Mais tu aurais surement pu arriver plus tôt. Le repas a été terrible…

- Et subir la compagnie d’Avartori et de sa famille? Coupa Disçart sans attendre de réponse. Non, merci!

- Si tu faisais un effort, répondit tout de même le Prince, les Livernal ne seraient pas si agressifs.

Disçart ne dit rien, mais son ami pouvait le voir fulminer : les sourcils arqués dangereusement et les yeux plissés. Rangis s’attendait à ce que le Traqueur lui lance des insultes, mais il ne fit rien. Il pouvait pratiquement voir de la fumée sortir de ses narines et de ses oreilles. Le beau jeune homme décida de ne rien faire : il finirait bien par se calmer à un moment ou à un autre. Il continua avec un doux sourire sous les mastications de Galen:

- Et j’aurais bien aimé que tu sois présent. Tu aurais surement pu mieux répondre aux questions sur la magie et sur mon mariage. Je me retrouve toujours un peu pris par tout cela.

Les sourcils de Disçart s’arquèrent d’avantages, mais sa colère venait de s’envoler. Elle s’était fait remplacer par la curiosité. Après un silencieux soupir et s’être frotter les yeux, le sombre jeune homme demanda :

- Quelles étaient les questions?

- Euh… je… Rangis hésita un moment, il y a… la magie : si c’est bon ou non. Et la cérémonie de mariage… si quelques choses étaient déjà prévues.

- Silicus t’a suggéré que sa fille était disponible? déduisit le Traqueur.

- Non, mais sa femme, oui, sourit le Prince de toutes ses dents, et Éveline est très jolie.

- N’est-elle pas la jeune femme que tu refuses de courtiser à cause de toutes les complications politiques? interrogea Disçart sans sourire.

- Mmm… oui, répondit Rangis en perdant de son assurance, mais en gardant son sourire, mais elle est belle. Si elle n’avait pas été dans une Maison aussi influente, j’aurais surement été plus curieux.

- Qu’as-tu répondu à la Comtesse? demanda le sombre jeune homme après un long soupire.

- Qu’il ne pouvait priver les jeunes femmes du royaume de rêver, s’exprima Galen dans un gargouillis dégoutant!

Celui-ci avait pris une demi-seconde pour répondre et il retourna aussi vivement à son repas. Disçart esquissa un sourire pendant que Rangis se sentait de nouveau ridicule. Le Traqueur continua :

- Espérons que c’est mieux que les grognements de Galen (qui fit de même à ce moment-là). Honnêtement, je n’aurais rien pu répondre d’autre. Le but de la cérémonie est cela : donner une chance à toutes les donzelles du royaume. J’aurais seulement pu ajouter qu’il y a plusieurs possibilités intéressantes et que Sa Majesté les prend toutes en considération.

Rangis hocha de la tête se décidant de lâcher son sourire. Il se sentait un peu stupide, mais il avait fait une bonne déclaration. Il restait encore un domaine à aborder et c’était celui qu’il désirait éviter. Il voulait parler de la magie à son ami, mais en même temps, il voulait éviter de discuter de la lettre. Disçart ne ferait que s’inquiéter sans raison et il en avait suffisamment sur les épaules présentement. Une main dans la nuque, Rangis commença en hésitant beaucoup :

- Qu’aurais-tu répondu sur la magie? Silicius a martelé que la magie était le mal et sa source. Il disait qu’elle tuait sans réfléchir et qu’elle était trop dangereuse sans un contrôle strict. La magie étant la source de trop de malheurs, en provoquant plus de problèmes que de miracles.

- Le royaume n’aurait pas tenu sans elle. La magie est notre arme pour rester indépendant des ordres de chevaliers et de par ça, des autres royaumes. Elle est aussi la source de la paix et de la prospérité de nos terres. Elle est notre principal atout.

- Or, Silicius dit qu’elle tue et blesse énormément. Aussi, un mage possède trop de pouvoirs pour une seule personne. Elle est une menace constante pour n’importe qui ne possède pas de pouvoirs.

Disçart resta silencieux un moment réfléchissant à la question. Le silence se fit entièrement : même Galen avait arrêté de s’empiffrer, attendant une réponse. Les yeux du sombre jeune guerrier devinrent ternes et il dit d’une voix sans conviction :

- Silicius a peur, mais il a raison : la magie peut être une arme mortelle, mais je suis persuadé que le royaume en a besoin. Les magiciens ne sont pas si libres et généralement, les plus dangereux sont des mages hors du pouvoir royal. Or, ceux-ci seront toujours dangereux avec l’existence de la caste des mages ou non. Peut-être qu’ils seraient même plus dangereux. Je n’en sais pas vraiment plus.

Rangis hocha de la tête, mais ses interrogations restaient. Il était incapable de se décider sur ce qu’il devait penser de la magie. Elle était effrayante et désirable en même temps. Protectrice et destructrice. Une arme maudite comme une douce bénédiction. Son père ne protégeait certainement pas les mages pour rien, et Disçart n’était-il pas un utilisateur de magie aussi? Et Minsester? Et Nirk? Un sentiment de rage s’insinuait en lui devant cette incapacité à choisir. Était-elle bonne ou mauvaise? En plus, une lourde question restait dans sa tête : est-ce que la mort de quelques-uns valait la prospérité du royaume?

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