La Flèche

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Tire ton arc,
Et prépare ta flèche,
Pour ce dernier arc,
Où tu trouveras ta recherche.

Dans les rues de terres battues achalandées de Fornom, la dénommée Fléchère avançait dans la foule en évitant de se faire remarquer. Ce n’était pas difficile : une femme encapuchonnée, les cheveux noués en tresse guerrière, en plus d’être armée, n’avait rien de très extraordinaire dans cette ville militaire. Femmes ou hommes, ceux qui n’avaient plus rien essayaient souvent de rejoindre l’armée royale. Ou dans le moindre des cas, un des nombreux groupes de mercenaires ou religieux. Un royaume aussi dangereux avait toujours besoin de volontaires pour protéger sa populace. Que ce soit les voisins avides de terres ou les parasites indésirables incrustés dans les terres inhospitalières, le danger pouvait survenir à n’importe quel moment et des protecteurs étaient souvent nécessaires. Elle avait pitié de ces volontaires : ils n’avaient aucune idée de ce qui les attendait et ceux qui le savaient avaient perdu quelque chose de très précieux dans leur âme.

Ce remémorant sa mission, elle se vida ses pensées de ces réflexions. La journée était grise et la pluie risquait de s’abattre à tout moment sur la cité. Cela n’aidait en rien l’atmosphère déjà lourde de la cité en ébullition. Des rumeurs courraient encore sur l’attaque de la royauté contre les fils de riches marchands et sur un groupe de comploteurs n’ayant rien contre utiliser tous les moyens à leur disposition. Les citoyens étaient anxieux et ils se demandaient s’ils étaient encore en sécurité. Fléchère se dit qu’elle ferait mieux de se dépêcher. Tournant dans une ruelle puante et répugnante, elle s’éloigna du bruit de la foule et de la lumière. Après un petit moment, elle tourna à un autre embranchement et elle se retrouva face à quatre individus encapuchonnés qu’elle distinguait plus ou moins. Pourtant, elle savait exactement qui ils étaient : une femme et trois hommes, tous sachant parfaitement se battre et prêt à suivre ses ordres. La femme, Kathleen, était très grande : elle dépassait les trois hommes et elle était massive. Elle aurait aisément pu manier une hallebarde sans même broncher. Ses cheveux courts et sa faible poitrine lui donnaient des airs très masculins. Peu d’hommes auraient osé la courtiser ou simplement l’aborder.

Ensuite, les trois autres hommes présents se ressemblaient énormément : frères, ils avaient assez peu de différence physique. Par contre, Albert, l’ainé, était chauve avec une belle barbe, alors que Julius, le second, avait les cheveux longs et une mince moustache, tandis que le cadet, Léonor, avait les cheveux en bataille et il maudissait la vie pour son manque de pilosité faciale. Elle avait déjà travaillé avec les quatre et elle savait qu’elle pouvait leur faire confiance. Ils ne la laisseraient pas tomber. Sans aucune politesse, elle passa au vif du sujet :

- Je dois rencontrer un homme à la Taverne du Bouc buveur.

- Joli nom, commenta l’un des frères.

- Mais je ne m’attends à rien de bon, continua la blonde Traqueuse. Surveillez les sorties et assurez-vous de ne pas le laisser filer. Il est facilement reconnaissable à son œil manquant, son visage sans barbe et ses cheveux noirs à la hauteur des épaules. Maître Nirk veut ses informations. Est-ce compris?

Les quatre acquiescèrent d’un même mouvement. Ils n’étaient pas des amateurs. Pourtant, Kathleen, la géante, demanda :

- Est-ce qu’on doit intervenir si ça dégénère dans la Taverne, Fléchère?

- La priorité est l’informateur. Ma sécurité est deuxième.

Les quatre acquiescèrent à nouveau à sa demande, mais la chef du groupe n’aurait pu dire s’ils aimaient l’idée. Elle les aurait compris : abandonner un camarade n’était jamais plaisant. Elle le savait trop bien… Pour convaincre tout le monde de l’importance de ce qu’ils faisaient, elle expliqua :

- Cela fait des semaines que nous cherchons des informations et voilà notre première piste tangible. Nous ne devons pas rater cette chance. Maître Nirk y tient énormément.

Ses quatre interlocuteurs acquiescèrent à nouveau. Il était le temps de mettre la mission en marche. Ainsi, chacune des personnes présentes parties dans une direction, Fléchère sortant par une autre ruelle d’où elle était entrée. De retour dans la foule de fin de journée, elle se dirigea vers la Taverne. Les premières flèches allaient bientôt être tirées, et elle ne désirait pas se trouver du mauvais côté. L’établissement se trouvait dans un endroit un peu isolé de Fornom : le quartier Nord Extérieur. Ce quartier se situait, comme son nom l'indiquait, à l’extérieur des murs dans une section plus pauvre et plus dangereuse de la ville: les marchands utilisant surtout la porte Sud et Ouest, et les gardes de la cité s’aventurant plus rarement à l’extérieur des murs, les coupe-jarrets, les voleurs et les proscrits y prospéraient, se cachant des yeux de l’ordre. Fléchère se secoua, chassant ses réflexions pour se dépêcher : elle craignait de manquer sa cible si elle tardait.

Sortant des murs de la cité sans problème, elle passa dans un dédale de bâtiments à l’apparence chaotique : des taudis cohabitaient avec de belles échoppes et de fières constructions, le tout dans le plus grand désordre. Quiconque ne connaissant pas le coin pouvait s’y perdre facilement. Or, Fléchère n’hésita pas une seconde, se déplaçant de ruelle en ruelle sans même se poser de questions : la cité n’avait pas de secrets pour cette femme. Elle s’y promenait depuis trop longtemps pour pouvoir encore se tromper de chemins. Pourtant, si Fléchère avait le regard centré sur son objectif, les nombreux habitants de ce quartier l’observaient intensément. Que ce soit les mendiants quémandant leurs pitances, que ce soit des personnes de métiers proposant leurs services, que ce soit les prostitués hélant les clients potentiels, que ce soit les types louches préparant leurs mauvais coups, tout le monde prenait le temps de la dévisager, jaugeant son potentiel comme cliente, comme cible ou comme menace. Heureusement pour elle, Fléchère n’obtenait jamais de bons résultats dans ces catégories et les gens la laissaient tranquille.

Rapidement, elle atteignit la taverne du Bouc-Buveur sans que personne ne l’interrompe. Ça allait bientôt commencer, se dit-elle avec assurance en regardant le piteux bâtiment. Les planches des murs semblaient sur le point de tomber, les carreaux de plusieurs fenêtres, cassés on ne savait trop comment, avaient des réparations de fortune qui semblaient un peu bancales comme si le propriétaire savait que quelqu’un les briserait encore une fois. Seul son insigne permettait de comprendre que c’était un établissement de boissons. Un insigne qui pendouillait sur un seul gond et tellement crasseux qu’il fallait le regarder deux fois pour s’assurer que c’était bien une choppe dessus la tête d’un bouc. L’endroit parfait pour un type louche. Sans plus attendre, elle entra dans la taverne. Elle ne fut pas surprise : l’intérieur était aussi malpropre que l’extérieur.

Assis autour des quelques tables et du bar sur un plancher recouvert de déchets se trouvait un enchâssement de personnes tout aussi louche les uns que les autres : des mastodontes à l’air sinistre, des maigrelets nerveux, des hommes encapuchonnés qui ne laissaient rien paraitres, des hommes d’armes à l’équipement usé, des vétérans des combats aux cicatrices vaillantes et un borgne qui semblait dominer la place de sa présence au bar. Sa cible. Tous les clients la dévisageaient à son entrée, mais Fléchère ne s’en formalisa pas. Même l’homme à un œil la regardait, mais avec un sourire pervers. Une autre femme en aurait surement frissonner de terreur, or celle-ci avait vu bien pire dans sa vie pour en avoir peur. Sans aucune hésitation, elle marcha vers le bar pour s’asseoir à côté du borgne.

Tout le monde avait un œil sur la nouvelle venue. Il laissait seulement l’impression de ne rien surveiller. Exactement comme dans tous les autres endroits louches qu’elle avait visités dans ses promenades où l’avaient amené les vents de sa vie. Fléchère prit son temps avant de commencer la discussion, commandant tout d’abord une pinte d’hydromel. Son voisin n’attendait que la suite, la fixant de son sourire malicieux. Elle avait hâte d’être à l’acte final. Tout bas, juste assez pour que son voisin l’entende, elle dit sans le regarder :

- Un ami, Jora le maigre, m’a envoyé à vous. Il m’a dit que vous cherchiez des personnes n’ayant pas peur du noir.

- Effectivement, répondit son interlocuteur sur le même ton, Ce Jora n’a pas tort. Je cherche bien des personnes assez braves pour faire n’importe quoi et pour faire face à n’importe quoi. Je cherche des gens qui n’ont pas peur de mourir si la récompense en vaut la peine. Par contre, je ne sais si une femme pourrait faire le travail demandé. Je pourrais toujours lui trouver une autre utilité, plus appropriée.

Ces derniers mots furent dits avec tellement de lubricité que Fléchère ne pouvait douter du sous-entendu. Elle se retient de répondre, ne pouvant s’empêchant de grincer des dents : cela ne lui plaisait pas du tout. Elle en avait vu des porcs dans sa vie, mais elle en gardait toujours une aversion. Elle aurait clairement préféré lui faire avaler son seul œil, mais la mission devait primer. Ainsi, elle continua un plus sèchement :

- Je suis peut-être une femme, mais il ne me faut pas me sous-estimer. Je suis capable d’affronter n’importe quoi.

- Vraiment? demanda le Borgne avec un sourire, alors que dirais-tu de continuer cette discussion un peu plus loin : je n’aimerais pas détruire le mobilier de mon cher tavernier.

Fléchère acquiesça avec assurance, mais à l’intérieur, elle eut un soubresaut d’anxiété. Elle n’était pas exactement sûre des intentions de son interlocuteur et elle craignait ce qu’il pouvait arriver dans l’inconnu. Elle serait à la merci du borgne et elle ne pourrait que subir… La mission était prioritaire. Ainsi, sans hésitation, elle suivit l’homme qui passa derrière le comptoir pour ensuite descendre dans une trappe. Ils tombèrent dans un petit tunnel mal taillé sentant l’humidité. Il n’y avait qu’une petite chandelle pour les éclairer, le tout donnant un aspect lugubre à l’endroit. Fléchère voyait à peine les murs, le sol et le plafond couverts parfois de mousse. Elle se demanda pendant quelques secondes s’il n’essayerait pas quelque chose ici. Personne ne l’entendrait… Or, le Borgne avança dans le petit tunnel sans attendre. La femme le suivit même si elle n’aimait vraiment pas cela.

Le tunnel n’était pas très long et ils ressortirent dans un bâtiment sans éclairage. Il faisait maintenant noir à l’extérieur et Fléchère ne voyait pas grand-chose. Le pire était le silence de son compagnon. Il ne disait absolument rien et elle ne pouvait dire si c’était une bonne chose ou une mauvaise. Elle ne voyait même pas son visage! Pourtant, le Borgne continua rapidement, sortant du bâtiment comme si de rien n’était. La porte menait à une petite ruelle sans aucun éclairage et vide de monde. Fléchère se savait encore près de la taverne, mais son guide semblait décidé à s’en éloigner. Elle se dépêcha de le suivre, tournant et tournant dans plusieurs ruelles. Elle se sentait de plus en plus désorientée même si elle savait qu’on l’éloignait de la taverne. Or, ne désirant pas laisser ses compagnons dans l’ignorance et ne désirant pas se retrouver isolée, elle se décida à canaliser pour capter leur attention. Cherchant à toucher son don, elle se sentit s’envoler, volant vers la plateforme où résidait son pouvoir. Quelques noirs nuages s’approchèrent un peu, mais elle les évita aisément, rejoignant la terre ferme facilement. Ainsi, elle se connecta à son don en un clin d’œil et elle envoya un signal. Elle captura l’attention très rapidement. Sauf que ce n’était pas celle de ceux qu’elle voulait. Le Borgne s’arrêta et il se tourna à moitié. Il avait l’air de très mauvaise humeur en disant :

- Tu n’aurais jamais dû faire ça…

Il accompagna ses paroles par un claquement de doigts : cinq gaillards armés sortirent des ombres et se précipitèrent sur la guerrière. Le chaos se déchaina, mais Fléchère resta calme, son esprit toujours relié à son pouvoir. Vive, elle esquiva un premier coup, une épée courte, réussissant en même temps à dégainer sa première dague. Avec celle-ci, elle dévia ce qui semblait être une épée d’un second type. Alors qu’un troisième allait pour lui assener un coup de massue, canalisant son pouvoir en un clin d’œil, elle le tira vers elle pour ensuite lui donner un coup dans ses jambes pendant qu’il perdait l’équilibre. Un quatrième essaya de l’attaquer de dos, mais il fut percuté par une puissante énergie comme une énorme masse refusant de s’arrêter. Le dernier chercha à abattre son épée longue, mais Fléchère dégaina sa seconde dague avant. Déviant le coup, elle suivit le mouvement de son adversaire pour lui trancher la jugulaire. L’homme s’écroula sans un mot, baignant rapidement dans une mare de sang.

Il restait encore quatre adversaires et le Borgne. Celui-ci regardait la scène avec un certain amusement comme si le tout n’était qu’une blague. Les quatre hommes de main travaillaient ensemble pour abattre Fléchère. Celle-ci était obligée de faire de dangereuses cabrioles et d’utiliser sa magie pour éviter leur arme. Elle avait déjà le souffle court : elle ne savait pas si elle allait être capable de tenir la cadence bien longtemps. Alors quelle déviait une énième lame avec sa magie et qu’elle frappait l’un des hommes avec son pied, sa cible la félicita :

- J’admets que tu aurais pu être utile à autre chose que comme putain, mais dans ses conditions, je me demande si tu ne risques pas d’être utile seulement pour la vermine. Pourtant, je pourrais avoir besoin de quelqu’un comme toi, à la condition que tu m’apportes des informations intéressantes. Un échange pourrait-on dire, un échange pour ta vie. Qu’en penses-tu?

Le sang de son interlocutrice bouillait. Sa loyauté n’était pas si facile à changer! Sale vermine qui s’imaginait comprendre et qui s’imaginait pouvoir juger. Sans un mot, elle s’élança vers le Borgne. Or, l’un des belligérants s’interposa, la forçant à s’arrêter. Sa massue l’obligeait à garder sa distance et elle ne trouvait pas d’ouvertures dans sa technique. Elle sentait que les trois autres s’approchaient à leur tour et que cela risquait de mal tourner. Soudainement, tout changea : des bruits d’armes s’entrechoquant se firent entendre et quelques secondes après, une massive figure chargea son premier adversaire le renversant en même temps. Le chemin était libre pour sa cible!

Celle-ci eut une moue dédaigneuse en regardant ce qu’il se passait et avant de se mettre à courir dans la direction opposée. Sans un regard en arrière, Fléchère n’hésita nullement avant de se mettre à le poursuivre. Il possédait des informations trop importantes pour pouvoir se permettre de le perdre. Elle devait récupérer quelque chose! Ainsi, les dédales de ruelles s’enfilèrent les unes après les autres et Fléchère faisait tout son possible pour ne pas laisser s’échapper le Borgne. Or, le salaud faisait tout pour ne pas se faire attraper. À un tournant, Fléchère perçut quelque chose du coin de l’œil. Percevant le danger, elle se précipita au sol, évitant deux lancés de couteaux. En se relevant, elle vit la frustration dans l’œil unique de sa prochaine victime avant que celle-ci ne parte à nouveau.

Retournant à la chasse, Fléchère ne pouvait pas arrêter sa connexion à son don. Son ennemi plaçait des pièges magiques qui explosaient quand elle s’approchait trop. Or, avec sa magie, elle était plus sensible et elle réussissait à réagir à temps pour éviter des blessures. Confiante en elle-même et alors que son souffle venait à ne put exister, la femme vit sa cible tourner dans une énième ruelle. Le suivant, elle fut à deux doigts de perdre sa tête et son âme. Une épée lui avait frôlé le crâne : elle n’avait eu que le temps de se baisser. Profitant de sa chance, elle diminua la distance avec son adversaire pour pouvoir profiter de ses dagues. Elle s’acharna dessus lui, frappant de tous les côtés, ne lui laissant jamais la chance de pouvoir reprendre sa distance qui aurait été plus adaptée à son épée. La peur se lisait dans l’œil unique de sa traque. Il était de plus en plus maladroit, ayant beaucoup de difficulté à parer toutes les attaques de la bête qui s’acharnaient sur lui. Rapidement, il se retrouva entaillé de partout et il n’en fallut pas longtemps avant qu’il ne s’écroule au sol, complètement subjugué par son adversaire. Alors qu’elle s’approchait pour l’immobiliser, il eut ses derniers mots, les yeux scintillants de folie :

- La justice s’abattra des cieux, démone.

Une dague dans les mains sortant de nulle part, il se trancha la jugulaire. Ses derniers moments prirent Fléchère par surprise, la déstabilisant : elle ne s’attendait pas à cela. Elle ne s’attendait pas à un suicide aux allures fanatique venant d’un bandit. Elle en était abasourdie. Soudainement, elle réalisa qu’elle venait de perdre sa piste d’information. Un sentiment d’échec s’incrustait en elle peu à peu en réalisant le tout. Elle avait raté sa mission… Nirk ne serait pas content. La dernière piste d’information s’envolant au vent avant même d’avoir pu révéler quelque chose. Tout cela à cause d’une erreur d’inattention banale…

Pendant que Fléchère se morfondait dans ses pensées. Deux silhouettes apparurent dans son champ de vision. La première, une allure de malchanceux décrépis en colère contre la société, se précipitait vers elle, lame levée. La seconde, ressemblant à quelqu’un qu’elle connaissait, un grand homme aux épaules larges et droites, sans cheveux, intercepta le premier qui ne le vit jamais venir. Profitant de la surprise, le chauve renversa son adversaire juste avant de l’assommer pour un bon moment. Il n’avait pas d’armes, mais il dégageait une aura de danger. Elle la connaissait, elle en était sûre, et elle ne pouvait s’empêcher de frissonner. Alors que le second homme s’approchait, elle le reconnut peu à peu. Sa présence en elle-même n’avait aucun sens, mais il était là et elle ne pouvait nier cela. Celui-ci, de sa voix sévère, dit :

- Reprend-toi fillette. Ce n’est pas le temps de se morfondre.

- Oui… oui, Augure, répondit Fléchère avec hésitation.

Dans d’autres circonstances, elle aurait surement mal réagi à ses propos, mais l’homme sévère avait plus de vingt ans de différences avec elle : il l’avait entrainé et formé pour devenir ce qu’elle était aujourd’hui. Se reprenant rapidement, elle fit exactement ce qu’on attendait d’elle : fouiller le cadavre trempant dans la marre de son propre sang. Augure fit de même, mais sur l’homme inconscient. Elle ne trouva pas grand-chose dans les vêtements du Borgne, sauf une lettre encore cachetée. Augure ne fut plus chanceux et le duo repartit aussitôt : la soirée avait été suffisamment lourde sans que d’autres surprises surviennent à l’improviste. Augure suivit sa cadette qui se dirigeait vers sa base d’opérations temporaire : elle tenait à savoir si ses subordonnées allaient bien avant de faire toute autre chose.

Ainsi, se déplaçant silencieusement de ruelle en ruelle, traversant le dédale qu’était la ville extérieure, elle finit par rejoindre l’échoppe, fermée à cette heure, où elle avait « emprunté » l’étage du haut. À l’intérieur, bien qu’un peu amoché, se trouvaient ses quatre complices. Kathleen avait une entaille au front, Albert, le chauve barbu avait quelques entailles aux bras, Julius, le moustachu n’avait rien à l’exception d’une moustache à moitié coupée et Léonor, le cadet imberbe avait une légère coupure sur la joue. Aucun ne semblait particulièrement heureux, mais Fléchère était heureuse de voir qu’ils allaient bien. Eux furent moins heureux de la voir arriver en compagnie d’Augure. La tension monta d’un seul coup et l’inquiétude régnait dans leur regard. L’homme sévère en imposait toujours autant même après tant d’années. À la lumière d’une petite chandelle, même s’il vieillissait, Fléchère reconnaissait ses mêmes traits sévères de son visage lisse, sa moue toujours mécontente et ses yeux de glace qui pouvaient geler n’importe qui sur place. Augure ne semblait pas vouloir changer. Or avant qu’elle ne puisse dire quelque chose, il ordonna :

- Fléchère, donne-moi la lettre.

Celle-ci obéit prestement même s’il n’avait pas officiellement autorité sur elle : personne ne désobéissait au second de maître Nirk. Dès qu’il eut la lettre, il l’ouvrit et pendant sa lecture, Fléchère était certaine de le voir devenir encore plus mécontent, du moins, si une telle chose était possible. Il était crispé sur place, ses yeux plissés. Curieuse, son ancienne apprentie lui demanda ce que la lettre contenait. La réponse d’Augure laissa la pièce en état de choc :

- Cette soirée est loin d’être terminée. Il faudra envoyer un message le plus rapidement possible aux régions centrales… Le Prince avance directement dans une embuscade sur un chemin qu’il croit sûr. Des mesures doivent être prises et vites!

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