Dangereuse Noblesse

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Le dangereux pouvoir,
Qu’on ne cesse de vouloir,
Celui permettant de contrôler,
Celui entrainant la sanguinaire rivalité.

Rangis regarda le visage de son ami avec inquiétude. De profonds cernes lui marquaient le visage depuis le départ de la demeure des Mervial. Il semblait éprouver de la difficulté à garder les yeux ouverts et même son souffle semblait difficile, comme si de simplement rester assis sur sa monture était une épreuve en soi, ce qui était peut-être bien le cas. Disçart était remarquable sur de nombreux points, mais l’équitation n’en faisait pas partie. Le Prince compatissait à la fatigue de son ami. Rangis se doutait qu’il ne devait pas encore avoir eu beaucoup d’heures de sommeil. Pareil! son ami se faisait malmener par Silvar et Ronar, peu importe ses interventions, depuis le début du voyage. Un voyage ayant commencé il y avait déjà une dizaine de jours. Ils le poussaient toujours plus. Alors, avec la soirée chez les Mervial où il était seulement revenu aux petites heures du jour, ses deux gardiens ne lui avaient jamais donné une chance de se reposer. Chaque soir, un des deux sous-fifres de maitre Nirk disparaissait avec leur cadet. C’était à peine si les gardes les voyaient disparaître. Rangis s’était essayé et il avait lamentablement échoué… À leur retour, tard dans la nuit, Disçart semblait épuisé. Quiconque osait l’approcher à ce moment-là recevait une bonne dose de son mauvais caractère. Encore une fois, Rangis s’y était essayé et il avait lamentablement échoué… Alors, en plus, avec les évènements de la dernière journée, il avait l’air dans un état lamentable… Seul son orgueil semblait lui permettre de tenir debout.

Les deux sous-fifres de Nirk ne laissaient jamais le jeune Traqueur en paix et cela commençait à grandement irriter l’hérité du trône. Son ami avait le droit à un peu de tranquillité! Peu importe qu’il soit un Traqueur ou non! Le Prince regarda de nouveau Disçart. Cette fois, ses yeux étaient fermés et son dos penchait dangereusement de plus en plus par en avant. Si cela continuait, il allait tomber de son cheval et ça ne ferait rien pour améliorer son humeur. Son visage était plissé de douleurs de toutes sortes. Il semblait dans un état pitoyable. Le Prince se dit qu’il devrait intervenir plus fortement pour empêcher les deux hommes d’aller trop loin. Il n’avait pas envie que son ami se retrouve blessé… Rangis repensa à la soirée chez les Mervial et le contenu d’une lettre lui revient en tête : il ne s’était toujours pas décidé sur l’opinion qu’il devrait avoir sur celle-ci. Le message était trop mystérieux et il lui manquait encore trop d’information… Et avec la situation de Disçart…

Un profond raclement de gorge ramena le Prince dans le présent et dans sa discussion. C’était le chauve Capitaine. Celui-ci demandait à son royal interlocuteur s’il avait bien compris. Essayant de reprendre le cours de l’échange, ce royal interlocuteur admit qu’il ne savait plus. De sa voix puissante, le Capitaine lui rappela énergiquement :

- Voyons, mon Prince, nous discutions des évènements étranges et des rumeurs de ces derniers temps encore.

La petite troupe se trouvait en pleine forêt et le soleil déclinait. Sous la lumière déclinante, les arbres espacés laissaient leurs frondaisons jouer avec les ombres. Le Prince posait encore des questions sur les évènements qui les avaient amenés sur les routes. Il comprenait plus ou moins bien les troubles dans le royaume. Les liens entre les divers incidents lui étaient encore flous. Le Capitaine continua avec force et Rangis en sourit ouvertement. Il ne pouvait s’en empêcher devant les longues tirades du soldat :

- Vous désiriez interroger ma caboche pour en savoir plus sur le groupe mystérieux dont nous subissons les conséquences et je vous répondais qu’il était difficile de savoir le vrai du faux. Il est bon de savoir qu’il est pratiquement impossible de savoir et aussi que nous possédons surtout des suppositions. Des évènements dans le duché du sud ont ébranlé l’autorité de plusieurs petits nobles, tels des vols, des attaques de brigands ou de petits scandales. Rien de remarquable, mais suffisamment pour être une épine dans notre pied.

Le capitaine prenait un grand plaisir à faire résonner ses puissantes cordes vocales et à se faire entendre par tous. C’était son plus grand défaut : se lancé sur de longues tirades tout en faisant sonner sa forte voix de stentor. Tous savaient cela et tous souriaient devant le péché mignon de l’homme. On lui pardonnait facilement : sa qualité en tant qu’officier n’était plus à faire. Rangis voulut poser une question, mais Disçart lui brûla la politesse. Il corrigea le moustachu sans douceur :

- Essayer de relier les troubles dans le sud avec ce groupe est juste ridicule. À la moindre occasion, ces nobles s’affrontent pour la moindre parcelle de pouvoir, comme une bande de rapaces autour d’un cadavre.

Le Prince eut une moue gênée. Disçart aurait pu être plus respectueux. George n’était pas qu’un simple soldat. Il était un capitaine de la garde royale. Un titre méritant un certain respect. Or, Rangis connaissait bien l’aversion de son ami pour les gens de la haute société. Cela lui valait toujours des problèmes. La gêne de Rangis allait un plus loin : George n’avait pas l’arrogance de son titre… Disçart aurait pu le remarquer… Pourtant, le capitaine ne sembla nullement offusqué par l’intervention. Il répondit, joyeux d’avoir un second interlocuteur, en levant un doigt :

- Et pourtant, complètement les oublier serait une erreur! Le climat politique du sud est parfait pour ce genre de camouflage. Mais vous n’avez pas tort non plus, jeune homme. Il faut les prendre avec du recul et les relier aux autres évènements dans le royaume. Présentement, trop de ses évènements mineurs apparaissent un peu partout sans vraiment de cibles claires. On ne doit pas faire comme si de rien n’était et croire que les problèmes ne sont que des jeux puérils entre nobles. Même si cela était le cas, il faudrait chercher à comprendre la raison de cette agitation politique. Ce n’est pas bon pour le royaume si cela s’ébruite à l’extérieur de nos frontières. Nos voisins doivent sourire devant notre chaos.

Dissart ne répondit pas, mais ses yeux s’écarquillèrent devant les propos du chauve. Rangis, lui-même, n’avait pas pensé à cette conséquence possible : que les autres royaumes les surveillent et qu’ils pourraient profiter de cette chance. Rangis connaissait les relations tendues entre Libragne et ses deux rivaux : Cortime et Richtère. Pourtant, il avait oublié l’ombre de ceux-ci sur la paix de ses terres. Le Prince exprima l’idée qui commençait à émerger dans son esprit. Une idée qu’il espérait être ridicule :

- Ce pourrait-il que les rois Sanguepré et Arbovenne pourraient s’intéresser à nos terres et, peut-être même, marcher sur nous si les troubles continuent?

La tension monta d’un cran soudainement aux sons de ses paroles. Les soldats se raidirent sur leur selle, leurs mains se crispèrent sur les rennes et leurs armes, et leur regard était partout autour à la recherche de la moindre chose inusitée. Or, étrangement, aucun ne tourna le regard vers les trois interlocuteurs. George eut un mouvement de tête satisfait et il répondit :

- Je suis surpris que vous n’y ailliez pas déjà pensée tous les deux. En même temps, vous n’avez jamais connu la guerre. Quelques tensions diplomatiques et quelques légères interactions avec nos voisins, que ce soit les gobelins au Nord ou les hommes dans l’Ouest, mais rien de très majeur en soit.

Une seconde idée émergeait dans l’esprit de Rangis. Son regard brillait par ses réflexions en liant cette nouvelle information à de plus anciennes. Les autres royaumes avaient une tendance à vouloir se mêler des affaires de celui-ci. Ceux-ci n’avaient caché leur intérêt à s’emparer de ses terres. S’ils étaient dans un complot, comme le Prince le pensait, ils devraient être remis à l’ordre. Ils n’avaient pas à toucher au calme de ses terres! Ses réflexions commençaient à migrer sur le voisin possiblement responsable quand George l’interrompit dans ses pensées. Il regardait tour à tour le Prince et Disçart avec lueur sévère trainant au coin de ses yeux :

- Ne vous imaginez pas que simplement parce que nos voisins ne sont pas toujours paisibles que vous avez le droit de les accuser. Nous ne savons pas. Nous n’avons pas de preuves. Seulement des possibilités et même s’ils nous attaquaient, les troubles pourraient venir de d’autres. Ils ne feraient que profiter du chaos. Donc, peu importe leur part de responsabilité, nous devons rester vigilants. Surtout, si nous les accusons sans bonne raison, nous ne ferions que ternir notre réputation et nuire à nos relations. La situation demande de la délicatesse, et montrer les crocs ne serait pas pour le mieux.

À la fin de la tirade, le capitaine fixait Disçart. Ce dernier devint très mal à l’aise : il rougissait, un sourire nerveux se dessina sur ses traits et il perdit l’équilibre. Il fut à deux doigts de tomber de sa monture, se rattrapant de justesse. Galen laissa échapper un rire sonore et Rangis ne put que l’accompagner. Son ami pouvait être des plus maladroits! Le Capitaine eut une expression amusée et Disçart essayait de faire comme si de rien, mais le rouge de son visage démontrait qu’il en avait parfaitement conscience. Cependant, le Prince comprenait un peu mieux l’ensemble de la situation et les réactions de son père. Celui-ci était prudent et il cherchait à avoir des preuves solides avant d’agir contre quelqu’un. Ainsi, il ne pouvait qu’attendre et minimiser les dommages de leurs adversaires. Rangis trouvait que c’était une bonne façon de réagir, en espérant que son père faisait surveiller leurs voisins. Leurs rivaux pouvaient essayer de prendre avantage sur eux à tout moment.

La discussion continua un peu et elle s’éteignit d’elle-même. Les cavaliers continuèrent le voyage en silence sous les frondaisons des arbres. Ils se trouvaient à près de quarante-huit lieux de la capitale dans un petit bois. Les cavaliers s’étaient arrêtés dans divers villages en chemin, en plus de s’être arrêtés chez les Mervial, mais ils avaient évité de s’enfoncer dans les terres nobiliaires. Cela les aurait énormément retardés. Ils pouvaient se permettre d’oublier les petits seigneurs locaux, mais ils n’auraient pas pu éviter les nobles avec des titres plus ou moins majeurs. Le soleil était sur le déclin, mais en cette journée, ils n’auraient pas à trouver de lieu propice pour se reposer. Ils allaient se reposer chez le Comte de la région, le seigneur Silicius de la maison Livarnal, plus précisément dans sa demeure estivale. Elle se trouvait dans l’ouest de son territoire près des hautes montagnes qui séparaient le duché du comté voisin.

Peu de chemins permettaient de se rendre dans le duché de l’Ouest rapidement et aucun ne permettant d’éviter complètement les obligations de la noblesse. Quelques passes permettaient de passer la chaine de montagne qui bordait l’entièreté de la frontière Est du duché, mais elles étaient toutes fréquentées, à l’exception de celle visée. Cette dernière se trouvait dans le comté de Fronnassaux, le territoire de la maison Livarnal. Le roi avait décidé de faire passer le groupe par la route la moins achalandée et ce faisant, chez le moins de nobles possibles. Ainsi, plus la petite troupe allait rapidement, plus vite elle serait loin de la capitale. Malheureusement pour le Prince, ce chemin les obligeait à séjourner une nuit chez Silicius et ses enfants. Rangis n’en était pas particulièrement ravi. Il n’aimait pas beaucoup le trajet, mais il devait admettre : c’était le chemin le plus court et le plus discret pour se rendre chez son oncle.

Un geste de Galen attira l’attention de son protégé. Ce premier bayait la bouche grande ouverte et il se frotta les yeux, essayant de faire fuir la fatigue de ceux-ci. Galen se tenait moelleusement sur son cheval, sa concentration absolument envolée, un léger sourire sur les lèvres. Il jouait avec un couteau, le lançant régulièrement dans les airs. De le voir s’ennuyer comme ça, Rangis en était désolé : si ce n’avait pas été de sa fonction, il aurait pu rester au château et faire autre chose qu’une longue et ennuyante balade à cheval. Essayant de répondre à ses remords, le Prince interloqua son ami. Le Protecteur ne réagit pas, son couteau continuant de voler, son regard dans le vide. Le Prince dut se répéter deux autres fois avant de recevoir une réponse :

- Qu’est-ce te fait sourire? Se répéta le prince.

- Rien de bien important, répondit le fort gaillard en se redressant à moitié. Je pensais aux belles femmes des auberges que nous avons fréquentées. J’aimerais bien être assis avec une ou deux belles serveuses à mes bras, une bière devant moi. Comme la belle Amanda du Sanglier rôti…

Une lueur lubrique s’alluma dans le regard de Galen en parlant. Il semblait pratiquement sur le point de baver en se remémorant des souvenirs. Approuvant les choix de son ami, le prince mentionna son accord à haute voix. Rapidement, leur discussion dérapa sur les beautés d’un grand nombre de serveuses. Le visage, les lèvres, la poitrine, les hanches, la taille… Tout était sujet au débat pour trouver la serveuse. Leur échange fit sourire les autres soldats, étant le reflet de souvenirs de leur passé. L’atmosphère se détendit dans la troupe, et de légères discussions purent se faire entendre. Les soldats étaient moins attentifs et leurs tenues étaient moins rigides. Soudainement, le protecteur et le protégé, après la description d’une énième serveuse, se turent. Ils se tournèrent d’un même mouvement vers leur troisième compère, Disçart, qui restait muet. Les paupières toujours lourdes, il ne vit jamais venir l’assaut. Rangis désirait avoir l’opinion du Traqueur sur ce sujet, sujet des plus important :

- Disçart! Disçart! Quelle serveuse te plait le plus?

L’interloqué hésita, la bouche à moitié ouverte. La question l’avait laissé coi. Il leva le regard et le silence se fit durant un moment. Or, cette attente déplut à ses deux compères qui l’encouragèrent à répondre, la question leur étant évidente. Ils voulaient vraiment un choix. Finalement, Galen proposa des noms. Rangis l’accompagna rapidement. Les noms s’énumèrent sans fin, tentant de trouver la perle rare. Pourtant, au final, les deux furent ouvertement déçus par les réponses de Disçart. Ce dernier expliqua, inconfortable sur son cheval :

- Honnêtement, il y a plusieurs serveuses qui sont jolies, mais aucune ne sort du lot…

- Amanda est très belle! s’exclama un Galen outré par cette réponse, tu ne peux pas dire le contraire!

- Pourtant, je n’y trouve rien d’exceptionnel! révéla Disçart.

- Tu reconnais qu’elle est jolie? demanda Rangis à la manière d’un maitre.

Disçart acquiesça lentement, des points d’interrogation dans le regard. Le Prince avait une idée derrière la tête, mais pour pouvoir aller plus loin, il avait besoin de renseignement. Il besoin d’avoir une meilleure vision des goûts de son ami. Son but était de l’aider à se trouver une compagne et être, au final, comme n’importe quels garçons de leur âge! Or, en même temps, la mentalité du Traqueur pouvait l’énerver. N’avoir aucun intérêt pour le physique était absurde! Il était, lui aussi, un homme comme les autres! Le Prince continua :

- Au moins, tu le reconnais, car je te le dis, Amanda est une beauté. Elle a un superbe visage et un corps parfait. (Disçart eut un haussement d’épaules blasées) Si tu devais comparer : Magia ou Amanda?

La mâchoire du jeune Traqueur se décrocha en entendant la question et le rouge s’appropria son visage. La surprise était tel qu’il faillit s’écrouler de cheval quand celui-ci fit une embardée pour éviter une racine. Ce rattrapant de justesse, il ne répondit pas. Il regardait droit devant lui, les yeux écarquillés, visiblement à la recherche d’une réponse. Déterminé, avide, curieux, Rangis désirait une réponse. Il posa à nouveau sa question. Son endormi compagnon ne put que bégayer :

- Je…je…je ne sais pas…

- Ça doit être Magia, continua Galen, pince-sans-rire. Le connaissant, il devrait avoir une réponse différente de la nôtre.

Le visage du Traqueur devint encore plus cramoisi et son regard porta droit devant lui. Un sourire mi-figue, mi-raisin s’imprégna sur son visage. Rangis sourit devant la timidité de son ami. Il acquiesça à la remarque de son Protecteur. Le malaise de Disçart sembla encore grandir d’un cran. Or, finalement, son supplice se termina. La forêt s’était éclaircie peu à peu, les arbres laissant place à des champs qui commençaient à peine à pousser. Peu à peu, des bâtiments firent irruption dans le champ vision des cavaliers. De constructions très simples en bois avec leurs toits de chaume, elles étaient exactement comme n’importe quelles autres masures de paysans. Certaines s’éparpillaient dans le décor, mais la plupart se ratatinaient sur ce qui semblait le centre du village. Ce centre se trouvait être la puissante forteresse des Livarnal, protectrice de la passe des Forfous. Ses immenses murs surplombaient les maisons sur plusieurs mètres et ils ombrageaient tous le village d’une aura protectrice en cette fin de journée. Se remémorant ses cours d’histoire, Rangis contemplait le fort ayant arrêté des vagues et des vagues d’assaut : le château de Relimanneux, une puissante défense du duché depuis sa fondation. Plusieurs histoires relataient les faits héroïques des hommes du royaume pour empêcher des hordes d’ennemis, humains ou non, de déferler dans le duché.

Devant l’apparition du village, les gardes eurent des murmures de soulagement. Bientôt, ils allaient pouvoir se reposer un peu. Le Prince avait le même sentiment que ses soldats et même les deux hommes de Nirk semblaient contents d’arrivée à cette première étape. Rangis remarqua que seul Disçart ne semblait pas du même avis. Son attitude avait complètement changé. Un masque de froideur avait imprégné ses traits et une rigidité avait envahi ses membres. Ses yeux respiraient le mécontentement. Soudainement, il lança son cheval au galop et il lâcha une brève explication : il allait voir la passe et s’assurer de la sécurité du chemin pour le lendemain. Partant à sa suite, Ronar l’interpella de s’arrêter. Tous pouvaient entendre sa voix poursuivre le fuyard. Pourtant, rien n’arrêta le cavalier de galoper, ni l’autorité de ses ainés, ni ses devoirs, ni son manque de talent.

La troupe put voir Disçart étrangement contourner le village plutôt que de le traverser. De vagues murmures s’échangèrent dans la troupe, mais ils se turent rapidement au retour de Ronar. Après un moment, il avait abandonné sa poursuite en voyant que Disçart refusait de s’arrêter. Le barbu semblait furieux. Il alla rejoindre son compère, et, à voix basse, les deux hommes eurent une violente discussion. Rangis eut un long soupir. Galen, lisant pratiquement ses pensées, prophétisa :

- Il va encore s’attirer des ennuis, surtout si les Livernal guettent notre arrivée. Ils ne pourront pas manquer de le voir partir.

- Mouais, répondit l’héritier royal en hochant de la tête. Autant préparer une réponse à dire à nos hôtes pour cette soirée. Cela devrait limiter les conséquences.

La route jusqu’aux portes de la forteresse se déroula sous le son des échanges entre les deux hommes de Nirk et entre le protecteur et son protégé. La troupe rencontra de plus en plus de paysans sur son chemin, mais aucun ne put vraiment comprendre les discussions, les deux duos échangeant à voix basse leur opinion. De plus, les fermiers confirmèrent les propos de Galen : ils évitaient à tout prix de se mettre dans le chemin du groupe armé. En fait, dès que les paysans les voyaient, ils se dépêchaient de se tasser du chemin, se prosternant devant la troupe royale : l’arrivée du prince avait été prévenue. Rien ne vint retarder la petite troupe qui se trouva rapidement devant les portes entrouvertes. La forteresse était très simple. Une enceinte carrée pourvue de quelques tours entourait la demeure nobiliaire. Celle-ci, très simple, était construite en un seul bâtiment qui prenait le plus grand de la cour et qui s’élevait sur plusieurs étages.

N’hésitant nullement, la troupe passa les murs et elle se trouva devant une scène en rien inhabituelle : des portes jusqu’à l’entrée principale du donjon, une haie de soldats de chaque côté portait les armes dans un salut solennel. Les Livarnal attendaient solennellement son invité royal. L’entrée principale était quelque peu surélevée du sol et elle était composée par deux énormes battants pratiquement aussi gros que ceux de ses remparts. Devant les portes entrouvertes, un homme attendait le cortège. Jeune, bien habillé, une épée à la hanche, une barbe fugace, il avait tout du jeune noble. Par contre, ses longs cheveux étaient distincts de sa lignée. Leur couleur était d’une pâleur pratiquement blanche comme des flocons de neige. Nombre d’héritiers de la famille Livarnal avaient, dès leur plus jeune âge, des cheveux pratiquement blancs.

L’hôte de la maison souriait à la troupe dans un geste de courtoisie : il recevait quelqu’un d’important. Quand son regard tomba sur le prince, son sourire s’agrandit. Il avait reconnu l’héritier du royaume. Rangis aussi reconnut le jeune homme, ce qui le laissa perplexe. Rendu à la moitié du chemin, à un endroit où la haie s’agrandissait, la compagnie descendit de ses chevaux et l’homme aux cheveux pratiquement blanc s’avança à leur rencontre. Sans attendre davantage, il salua Rangis d’une profonde révérence. Ce dernier eut un sourire hésitant et il se précipita de demander au jeune homme de se relever. Il était peut-être prince, mais cela ne l’empêchait pas d’aimer la simplicité. L’hôte ne se fit pas prier en prenant une posture un brin arrogante. Un sourire féroce marquait ses traits. Il demanda avec une touche d’avidité, donnant l’impression d’être un loup en chasse :

- Je ne crois pas apercevoir votre toutou royal, mon Prince, sans vouloir vous offenser bien entendu. Normalement, votre cabot est toujours de sortie quand vous nous rendez visite à ma famille et moi. Alors, je suis un peu surpris. Quoique l’ambiance est toujours plus agréable sans le clébard.

- Il est parti en éclaireur pour demain, soupira le Prince en ignorant les insultes. Il sera surement de retour dans quelques heures.

- Cela explique le mauvais cavalier qui s’est séparé de votre garde. Je vous le dis, c’est une perte de temps pour Disçart : les hommes de ma famille surveillent la passe tous les jours. Au moins, il a eu le mérite d’amuser les sentinelles qui ont pu observer ses cabrioles. Il devrait vraiment apprendre à chevaucher avant de blesser quelqu’un.

Rangis ne put s’empêcher d’acquiescer à cette dernière remarque et il entendit Galen faire de même. Disçart était vraiment un piètre cavalier... Enchainant très rapidement, l’homme aux cheveux blancs demanda à son invité de le suivre en lui disant que ses gardes seraient guidés à leur quartier. Juste avant de partir vers le donjon en compagnie du Prince et de son Protecteur, l’hôte demanda à ses hommes de fermer les portes pour la nuit et de les garder bien closes. Le jeune Traqueur serait enfermé à l’extérieur. Et tout cela à cause de sa réputation et de son caractère… Au moins, le connaissant, Rangis se doutait que Disçart trouverait surement un moyen de s’infiltrer ou de dormir quelque part. Sur ce point, le Prince ne s’inquiétait pas pour son ami. Revenant au présent, l’héritier du royaume finalement demanda ce qui l’intriguait :

- J’ai une question à mon tour, mon ami. Pouvez-vous m’expliquer la raison que votre père n’est pas présent pour accueillir ma troupe et moi? Je m’attendais honnêtement à voir Silicus en arrivant.

Avartori sourit pleinement devant la question. Elle semblait l’amuser. Il répondit sans même s’arrêter :

- Le comté a reçu quelques troubles ses derniers temps et mon père est présentement en train de s’occuper des diverses actions à prendre. Il ne fait que s’occuper des divers détails de dernières minutes avant de venir vous rencontrer. Comme ça, il sera pleinement présent pour profiter de cette visite.

Rangis hocha de la tête en signe d’accord. La réponse était logique : il avait toujours vu Silicus comme un homme minutieux désirant de s’occuper des moindres détails de son domaine. De plus, il avait toujours été un allié indéfectible à son père. Il n’y avait pas à s’inquiéter. En passant les portes du donjon, Avartori continua :

- Aussi, mon père s’était dit que j’étais la parfaite personne pour accueillir Sa Majesté. Prince moi-même, nous avons passé plusieurs années ensemble à Fornom. Après tout, elles ne furent pas si pénibles, n’est-ce pas?

Le Prince fut pris par une certaine hilarité en entendant ses paroles. Avartori ne changerait jamais! L’anxiété qui l’avait gagné depuis leur arrivée devant Relimanneux venait de s’envoler. Il répondit avec franchise :

- Elles ne le furent pas, Ava. Elles furent amusantes et dynamiques. Allons boire quelques choses entretemps le repas, je suis curieux d’avoir des nouvelles des superbes femmes de ce comté.

L’homme aux cheveux presque blanc eut un sourire franc et amusé à son tour. Il se fit un plaisir de répondre à cette requête, entrainant le Prince vers un salon tranquille où ils auraient le loisir de discuter.

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