Étrangetés

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Dans la forêt, sous l’éclat de la pleine lune, Disçart suivait Ronar. Celui-ci, silencieux comme une ombre, semblait sûr de lui. L’apprenti l’était beaucoup moins : il avait aperçu énormément de traces et ils n’étaient que deux. En même temps, nombre d’empreintes ne devaient pas avoir de cavalier. Pourtant… Les bandits avaient frappé dans la journée, mais leur piste commençait déjà à vieillir. Leur route était suffisamment sèche et rocailleuse. Elle ne gardait que peu de traces. Or, Ronar, s’arrêtant rarement, semblait sûr de son chemin. Il avait pris les devants naturellement, guidant l’apprenti sans jamais tourner la tête. Disçart l’avait à peine vu hésiter! Il n’osait pas poser de question à son aîné. Il faisait preuve de plus de respect que Sylvar, mais cela ne l’empêchait pas d’être sévère aussi. Disçart craignait de se faire rabrouer encore s’il osait poser une question qui pourrait être vue comme de l’incompétence. Passant à travers les arbres, suffisamment distanciés pour avoir un peu de lumière, les deux hommes marchaient d’un pas sûr. L’expérience se sentait dans leur mouvement qui trouvait toujours le bon point d’appui. Aucun élément du terrain, que ce soit branches, pierres, racines, ne les retardait ou ne les trahissait. Ils étaient tels deux coups de vent nocturnes : silencieux et invisible.

La traque avait pris beaucoup de temps : les brigands laissaient beaucoup de traces, mais ils se déplaçaient très vite, ne rendant pas toujours la traque facile quand un cheval s’égarait des autres. Malheureusement pour les bandits, Ronar avait tout d’un chien de piste. La moindre erreur, la moindre trace, la moindre empreinte étaient repérées sans jamais se faire avoir par les bêtes égarées. Il n’avait de cesse d’avancer sur eux. Le seul hic : le travail restait long. Ils ne progressaient pas si vite! Ils devaient s’assurer de la direction et quand le terrain ne laissait pas de trace, ils devaient la retrouver. La nuit était déjà avancée… la lune, très haute dans le ciel, gardait un œil lugubre sur eux. Disçart ne croyait pas qu’il allait pouvoir se coucher… Encore une fois, Disçart allait devoir se priver de sommeil… encore! Rangis, Théo, Irène et Galen devaient avoir du plaisir au château! Avec toutes les bouteilles de nectar, la musique et la nourriture, ses amis avaient clairement plus de plaisir que lui. Leur soirée devait être délicieusement tranquille. Il avait toujours les tâches désagréables… alors que les autres s’amusaient… Être un Traqueur… et avoir ses obligations…

En cette soirée, l’astre lunaire éclairait les innombrables arbres de la forêt. Composée surtout de feuillus, la forêt était peu dense. Elle permettait à une horde de chevaux de se déplacer sans encombre. Pourtant, comme il avait pu l’apercevoir précédemment, le terrain pouvait être traître : les racines et les pierres cachées pouvaient être très dangereuses. Le duo avait vu quelques chevaux être abandonnés par les brigands, une patte brisée. Soudainement, Ronar lui fit un petit signe de la main, le ramenant dans le présent. Quelque chose venait de se passer! D’un coup, toutes les pensées moroses de Disçart s’envolèrent, son attention entièrement concentrée sur les prochains évènements. Son gardien barbu lui demanda de s’avancer à nouveau. À ses côtés, Ronar commença à lui murmurer si bas, presque inaudible, tellement que Disçart se demandait s’il n’inventait pas ses paroles. Devant eux, dans le noir, plusieurs hommes et femmes se tenaient en silence avec un grand nombre de chevaux. Ils venaient de trouver leurs bandits et les bêtes volées! Le jeune Traqueur, s’il se concentrait, croyait être capable d’entre le ruminement des bêtes, mais il n’aurait pu le dire à cause de la distance. Ronar continua toujours aussi silencieusement :

- Aussi longtemps que possible, il ne faut pas qu’ils nous voient. La surprise avant tout. Prends-en toi à ceux qui se sont éloignés des autres et fais attention aux chevaux.

Disçart acquiesça silencieusement. Sa tension venait d’augmenter, son cœur battait à tout rompre, son esprit au bord de la panique, sa vessie prête à exploser. Ce n’était pas sa première expérience, mais c’était sa première avec Ronar et sa première à la poursuite de ce groupe sur lequel il ne savait rien. Inspirant longuement, inspirant jusqu’à ce qu’il se sente sur le point d’imploser, inspirant jusqu’à ce que le temps s’arrête, il expira finalement, expirant une longue tempête silencieuse, expirant un puissant vent emportant une partie de son anxiété. Le barbu à côté le regardait étrangement. Inquiet? Disçart en doutait : ce n’était pas le genre de ses gardiens. Finalement, le jeune homme sembla reprendre ses esprits. Il respirait un peu mieux. Ronar, avec ce qui semblait être du doute sous la lumière de la lune, lui pointa la gauche. Disçart répondit par un simple signe de tête à son cadet.

Le jeune Traqueur se dirigea de son côté, Ronar prenant la droite. Disçart se sentit soudainement très seul en le voyant disparaitre dans la nuit et en étant si près de l’ennemi. Il avançait lentement, s’assurant du moindre de ses pas, évitant le moindre élément qui pourrait le trahir. Il était silencieux comme une brise, comme l’eau calme d’un lac, comme l’obscurité dans son cœur. Or, des pensées se mirent à lui ronger sa concentration. Le moindre faux mouvement pouvait signer la fin de sa vie et l’échec de sa mission. S’il se faisait voir et s’il était trop nombreux, même avec ses talents, il ne serait pas de taille. Il n’était que deux traqueurs contre un nombre inconnu d’ennemis. Si la chance était contre eux, il n’aurait pas d’autre choix que de fuir et de s’humilier. Il n’aurait pas réussi à aider Irène et Théo, il n’aurait pas été à la hauteur de Rangis et il aurait sûrement des problèmes avec Ronar et Sylvar… Il serait encore un échec... La nervosité de Disçart augmenta encore avant qu’il ne chasse ses pensées. Il devait cesser de penser et faire ce qu’il devait! Il était pratiquement en position. Il serait bientôt temps de passer à l’action…

* * *

Sortant dans la cour extérieure pour prendre un peu d’air frais, le Prince avait les idées embrouillées : le vin était de bonne qualité en cette soirée et il s’ingérait aisément… trop aisément... Il espérait que la fraicheur de la nuit chasserait le brouillard de son esprit. Un léger haut-le-cœur lui rappela qu’il avait sûrement un peu trop bu. Pourtant, même un peu embrouillé, il était capable d’admirer la cour autour de lui. Il trouvait que la cour des Mervial était toujours aussi magnifique pour une demeure militaire. De nombreux arbres agrémentaient l’endroit et même quelques fleurs poussaient un peu partout. Ainsi, la demeure perdait beaucoup de son austérité. L’intérieur était aussi à cette image avec ses décorations, ses tapis et ses tapisseries. C’était accueillant et chaleureux. Du moins, plus que la plupart des demeures du duché. Il fallait dire que celles du duché du sud, un duché voisin, étaient encore plus impressionnantes en les comparant. Or, le Prince se rappela que rares étaient les nobles qui aimaient la demeure de Théo, et Rangis n’aurait su dire pourquoi. Disçart aurait sûrement eu son idée. Il avait une idée sur tout. En se tournant, il vit que derrière lui se trouvait Sylvar, le grand et à l’allure désagréable gardien de son ami. Dans le noir, il avait vraiment l’allure d’un elfe ou d’une tentative de faire un elfe. Pourtant, il avait peut-être une réponse pour son cerveau embrumé. Il l’apostropha :

- Sylvar! J’ai une question pour toi!

- Quelle est-elle, majesté? répondit Sylvar avec mauvaise volonté.

- Pourquoi les autres nobles dédaignent autant les Mervial et leur demeure? Ils sont certes peu communs comme noble et leur demeure a un style différent, mais est-ce assez pour les mépriser?

- Je ne suis qu’un homme du Roi, mon Prince, répondit Sylvar avec fausse modestie, mais je vous dirais que les Mervial ne sont pas à la hauteur du rang de noble. Du moins, est-ce ce que j’ai entendu. Tant de formalités avec les paysans ou leur personnel. Ils n’ont pas l’étoffe de ce qu’on attend d’eux. (Le Prince voulut parler, mais Sylvar reprit rapidement) Pour la demeure, elle aurait sa place dans le duché du Sud. Dans celui de l’Est, il est plus valorisé d’avoir des demeures militaires avec des décorations qui seraient moins paillardes.

- Vous êtes de sang noble, n’est-ce pas, Sylvar? demanda le Prince soudainement beaucoup plus froid.

- Ex… Ex… Exacte, bégaya le faux elfe difficilement.

- Je vois, furent les deux seuls uniques mots d’un Rangis avec moins d’entrain.

Sylvar semblait soudainement beaucoup plus mal à l’aise et le Prince était content de son effet. Il n’aimait pas beaucoup qu’on insulte ses amis. Or, depuis le début du voyage, Sylvar semblait tous les mépriser. Cela irritait beaucoup le Prince. Les idées de celui-ci commençaient à être plus claires. L’air frais (ou la mauvaise compagnie) semblait faire du bien. Il se sentait mieux, même s’il sentait encore les hauts de cœur pas très loin. Sa respiration était plus aisée aussi. Cependant, une idée s’était accrochée à ses pensées. La condition de Disçart l’inquiétait depuis un moment et il avait quelqu’un qui pourrait peut-être lui apporter en fin une réponse. Il demanda au désagréable personnage derrière lui sur un ton qui ne laissait pas voir ce qu’il pensait :

- Sylvar? J’aurais une autre question pour toi.

- Oui, majesté, répondit Sylvar qui semblait inquiet.

- Qui sont les Traqueurs honnêtement? Fut la question du Prince. Qui sont-ils et pourquoi devez-vous être si dur avec Disçart?

Une vague d’anxiété marqua Sylvar. Il avait l’air très peu sur de lui-même, le regard fuyant. En même temps, il se mit à se tortiller sur place en silence, cherchant visiblement ce qu’il pourrait dire. Il prit une longue respiration, calmant sa nervosité. Le grand blond expliqua :

- Vos deux questions sont effectivement liées… Normalement, je laisserais quelqu’un de mieux placé que moi vous expliquer. Je ne suis qu’un sbire de maitre Nirk et de l’Ordre. Alors, il y a beaucoup de choses qu’on ne me dit pas. Vous devriez demander à Disçart : il serait mieux placé pour vous en parler.

- Ah! s’exclama Rangis mécontent, mais il ne me répond jamais. Aussi vague et inatteignable que ce magnifique ciel étoilé!

- Je vois, murmura d’abord Sylvar. De ce que je peux vous dire, c’est que les Traqueurs sont aux services du plus grand bien du Royaume. Notre mission est de protéger ses terres et de prévenir tout mal qui pourrait l’atteindre.

- Ce qui ne m’explique pas grand-chose, répondit dubitatif Rangis, et quel est le lien entre cela et Disçart.

- Pour arriver à notre mission… commença lentement Sylvar, et comme l’Ordre contient peu d’agents… nous devons former les meilleurs Traqueurs possible… dans des arts parfois compliqués…

- Comme la magie? demanda Rangis spontanément.

- Cela résumerait bien la chose, majesté, répondit Sylvar.

- Cette magie… laissa tomber Rangis lentement avant de reprendre, et pourquoi devez-vous à ce point pousser Disçart?

- Pour qu’il devienne l’un des meilleurs, essaya de conclure l’interlocuteur du Prince solennellement.

- Mais il est déjà un des meilleurs! s’exclama Rangis fâché. Je ne serais dire si un seul membre de la citadelle serait capable de le vaincre à l’exception de Nirk!

- Il lui reste beaucoup de choses à apprendre! répondit le Traqueur en s’irritant. Et nous n’avons pas le choix de la pousser : il est entré trop tard dans l’ordre…

Rangis désira rétorquer quelque chose à son interlocuteur qui lui déplaisait de plus en plus, mais il se retient. Quelque chose avait changé dans son visage. Le Prince aurait pu croire y voir de la détresse… ou de la peur? Il n’en était pas sûr… Par contre, il était sûr d’une chose : Sylvar semblait défait. Le jeune homme n’osa pas pousser. L’homme avait l’air d’avoir suffisamment de difficulté à garder la tête haute. Ça aurait été que du mépris que de continuer. Pour laisser un temps à son garde de récupérer, Rangis se détourna de son aîné. Il désirait explorer un peu cette cour et voir la végétation qui s’y cachait. La flore n’était pas la même que dans l’Est, mais il était quand même curieux. Il fit quelque pas avant de s’arrêter. Une lettre était accrochée à un arbre, planté dans le végétal par une flèche. Sur le dessus de l’enveloppe, il était marqué le nom du Prince : Rangis Frontefore.

* * *

Disçart continuait d’avancer, en essayant de contourner le groupe de bandit. Celui avançait vers le Nord-Ouest, s’enfonçant encore plus dans la forêt. Disçart les soupçonnait de vouloir contourner les régions peuplées pour pouvoir ainsi s’approcher de la frontière discrètement. Celle-ci, bien que patrouiller par l’armée, était remplie de passages qui permettaient de passer les impressionnantes montagnes de l’Ouest. Les bandits devaient avoir un complice ou un chemin discret pour pouvoir passer et disparaitre. Disçart essayait de se placer près des chevaux volés pour, ainsi, se faire cacher autant par leur grandeur que leur bruit. Or, il essayait de faire attention, le vent était contre lui, un bel avantage, puisqu’il ne désirait pas que les bêtes le sentent trop avant d’avoir pu faire un contact avec eux. Pourtant, Disçart n’était pas fou : les chevaux sont des êtres imprévisibles. Déjà que les bêtes semblaient nerveuses… Leur nervosité se sentait presque de loin. Il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’elles paniquent et sèment la pagaille. Pourtant… peut-être qu’ils pourraient en profiter… Une idée naissait dans la tête du jeune homme et instinctivement, sans réfléchir plus qu’il ne faut, il se mit à l’action. S’approchant d’une des bêtes, choisissant un cheval très nerveux, il se connecta à son don en même temps. Le voyage prit un temps; des vagues violentes et des créatures désagréables le retardaient; il entendit les murmures angoissés des brigands : Ronar était en action; il risquait de blesser Ronar… Il devait se concentrer! Le Traqueur était capable de faire attention à lui! Arrivant au cœur de son don, Disçart sentit le pouvoir entré en lui. Il coulait à flots, semblant vouloir l’emporter, mais s’agrippant à un rocher, il se mit à canaliser.

Utilisant son esprit pour toucher le cheval choisi, le jeune Traqueur se mit à créer des illusions : il voulait que la bête voie de terrifiants loups. Il voulait que la bête se sente traquée par de terrifiantes créatures qui n’en feraient qu’une bouchée. Il voulait que la bête croie que sa fin était proche. Très rapidement, l’animal se mit à paniquer. Se cabrant et hennissant de terreur, elle s’enfuit au galop dans la nuit, augmenta la peur chez les autres chevaux. Utilisant une deuxième victime, une troisième, une quatrième… finalement, le troupeau de chevaux finit par entièrement paniquer et le chaos devint total dans le groupe de bandit. Les bêtes étaient complètement paniquées, même les montures des bandits semblaient être à deux doigts de devenir hors de contrôle. Les bêtes se bousculaient, se renversant même et renversant les bandits aussi. Ceux qui tombaient ne se relevaient pas, piétiner par d’innombrables sabots. Disçart put voir un des corps, ou ce qu’il en restait : une simple bouillie indéchiffrable. Utilisant le chaos à son avantage, s’assurant d’avoir un filet de magie autour de lui et à l’aide d’un coup de chance, Disçart s’en prit à un premier homme, un brigand qui faisait tout son possible pour calmer son cheval. Le précipitant hors de sa selle, le jeune Traqueur lui enfonça une dague dans le cœur en même temps qu’il touchait le sol. Le chaos était tel que personne ne le remarqua. En profitant, Disçart s’approcha rapidement d’un deuxième homme au sol qui tentait de calmer aussi sa monture. L’agrippant par-derrière, il lui trancha la gorge.

Or, ce fut le moment que l’alarme retentit… ou du moins, le moment que l’alarme essaya de retentir dans tout ce chaos. Plusieurs hommes le virent et hurlèrent sa présence en tentant de foncer dessus. Tirant son épée de son fourreau, Disçart entendit ses adversaires. Deux étaient au sol et un autre montait une bête noire. Les deux premiers réussirent à s’approcher rapidement, alors que le dernier avait beaucoup de difficultés à déplacer sa monture dans les derniers chevaux en panique. Le combat s’élança très loyalement, les montures ne laissant pas beaucoup de place pour un troisième combattant. Celui-ci fut expéditif, l’homme d’une trentaine d’années, la barbe et les cheveux hirsutes, devant Disçart n’avait aucune expérience. Il balança son épée de toutes ses forces. Le jeune Traqueur profita du long mouvement pour lui planter sa propre lame dans sa gorge en évitant facilement le coup. Le second homme fut plus difficile. Plus jeune et beaucoup plus massif, il maniait une énorme hache et chacun de ses coups semblait vouloir décapiter un arbre. Soudainement, une épée chercha à atteindre Disçart qui l’évita au dernier moment en roulant au sol. En même temps, la hache de son adversaire se planta à quelques centimètres de son pied. Il avait évité la mort de près!

Ainsi commença un combat à trois où le jeunot n’avait pas l’avantage. Le troisième homme, sur sa selle, ne permettait pas à Disçart d’identifier ses traits. Par contre, sa posture et sa tenue permettaient de l’identifier comme un cavalier expérimenté qui avait déjà eu du succès d’une façon ou d’une autre. La horde de chevaux était passée et les trois combattants avaient tout l’endroit pour s’affronter. Sur le sol, des cadavres se répartissaient l’espace avec des pierres couvertes de terres et de morceaux de cadavres, des racines en piètres états et des buissons qui avaient vu de meilleurs jours. Le sol était par endroit couvert de sang. Quelques-uns des corps avaient été brutalement assassinés, mais les autres avaient été piétinés sans merci par les chevaux. Esquivant un coup de hache en évitant un élément traite du sol, qu’il préférait éviter de réfléchir sur ce que cela pouvait être, Disçart dévia un coup de l’épée de son adversaire monté. Par chance pour lui, ses deux ennemis ne savaient visiblement pas comment se battre ensemble. La pression aurait pu être pire. Plus le bal continuait, plus le jeune homme voyait comment s’en sortir. Son adversaire cherchait toujours à maintenir la pression avec sa hache l’abattant sans arrêt dans sa direction, forçant Disçart à reculer constamment. Ce dernier ne pouvait pas bloquer ces attaques et il était mieux de rester loin de l’arme : la force des coups pourrait l’amputer un peu trop facilement. Or, pour le cavalier, celui-ci cherchait toujours à atteindre sa cible lorsque celle-ci se déplaçait. Pourtant, son allonge n’était pas incroyable avec son épée longue et Disçart en profitait pour ne jamais être à porter.

Alors que la brute avec une hache finissait un dernier mouvement avec sa hache, que Disçart esquiva d’un brin de cheveux, celui-ci s’élança sur le mastodonte, prenant le cavalier au dépourvu qui frappa complètement dans le vide. Il percuta sa cible de toutes forces. Le Traqueur eut l’impression de rencontrer un mur, mais ce mur se renversa quand même sur le sol dans un bruit mat, le souffle coupé. Sans attendre, Disçart se releva, se tournant vers le cavalier qui revenait à l’assaut à pleine vitesse. Esquivant un coup d’épée et alors que le cheval continuait dans son élan, d’un souple mouvement, le jeune Traqueur sortit un couteau de ses vêtements et il le lança sur sa cible. L’arme percuta l’homme directement dans le centre du dos, s’enfonçant profondément. Son adversaire monté s’écroula de sa monture et Disçart se retournait déjà vers la première brute. Celle-ci se relevait rapidement et il était sur le point de récupérer sa hache. Or, d’un second mouvement souple, le Traqueur lui planta sa lame dans le cœur, le tuant sur le coup.

En se tournant pour savoir si l’homme sur le cheval était toujours en vie, il vit Ronar vérifier l’état du corps. Se relevant sans plus, Disçart en conclut l’évident et il attendit que son gardien le rejoigne. Le barbu ne dégageait aucune émotion, si ce n’était de la fatigue. Ses traits sous sa barbe étaient impossibles à vérifier, mais ses yeux semblaient vouloir se fermer. Son cadet espérait n’avoir pas trop gâché leur mission avec son idée. Après tout ça, il n’avait pas envie de sermons. Il aspirait à penser à autre chose… La mort régnait dans la forêt avec ses corps sanglants qui baignaient la terre de leurs liquides. Disçart n’avait jamais aimé rester proche des cadavres, surtout les siens. Des vies, peut-être meilleures que la sienne, avaient disparu de cette terre, sans aucune possibilité de revenir. Des vies sûrement meilleures…Disçart ne se sentait pas très bien. Il faisait tout son possible pour ne pas regarder au sol, ses yeux patinant vers les cieux et le décor ambiant, ses pensées essayant de suivre son regard. Rendu à ses côtés, Ronar eut une réaction qui surprit grandement son cadet. Lui posant une main sur l’épaule, il le félicita de sa voix haut perchée.

- Tu as eu une bonne idée avec les chevaux! Ça aurait pu être dangereux pour nous avec ce nombre de bêtes, mais ils se sont fait avoir par leur avidité. Vraiment, c’était une bonne idée.

Disçart était incapable de lui répondre tant il était surpris. Ronar qui le félicitait? Vraiment? C’était inconcevable pour le jeune homme. Il n’avait eu qu’une idée comme cela… N’osant le regarder, il ne fit que hausser les épaules. Il n’osait poser de questions tant cela le surprenait. Or, le barbu continua :

- Nous avons fini notre travail ici. Il va seulement falloir prévenir les hommes du seigneur Mervial de venir chercher leurs bêtes.

Disçart acquiesça de la tête en essayant d’apercevoir le troupeau de chevaux. Les gardes de Théo allaient avoir beaucoup de plaisir…

* * *

En ouvrant la lettre cachetée, Sylvar à ses côtés qui tournait la tête de tous les côtés à recherche d’un ennemi, l’arme prête à être tirée, Rangis avait un très étrange sentiment. Il doutait que les informations à l’intérieur soient plaisantes. Mal à l’aise, il mit un certain temps avant de réussir à l’ouvrir. Qui pouvait bien lui adresser un message de manières aussi théâtrales? Qu’est-ce que cette lettre faisait là? Qui s’était donné tant de mal pour lui faire parvenir cette lettre? Alors qu’il commençait à lire la lettre, son sentiment d’inconfort augmenta encore plus. Il aurait été incapable d’arrêter de lire tant sa curiosité était forte. Le message disait :

Cher Prince héritier,

Vous ne me connaissez pas et je ne suis personne d’important. Un simple voyageur comme les autres sur vos terres. Or, je tenais à vous prévenir d’un grand danger qui guette votre royaume. C’est un danger qui est présent depuis longtemps, mais il y a peu de temps, votre père a enlevé l’une des rares protections qui pouvaient le contrer. Il a condamné vos terres… La magie est une arme puissante et pouvant être utile à bien des égards. Elle a sauvé d’innombrables vies, mais combien de vies a-t-elle prises en retour? Trop! Beaucoup trop… Méfiez-vous de la magie et de ses manipulateurs, mon Prince. Le danger règne toujours autour de ses futurs démons indignes de confiances. D’un claquement de doigts, ils peuvent modifier la vérité à leur guise. Vous êtes en danger! Faites attention! Je ne puis rien faire de plus pour vous aider. J’espère que nous nous rencontrerons un jour, si les dieux le veulent.

Prenez garde,
Un ami anonyme.

La lettre finie, Rangis laissa ses mains tombées en fixant le vide sans comprendre. Qu’est-ce qu’était ce message? Une mise en garde contre la magie? Or, pourquoi? Elle avait fait quoi cette magie? Qu’est-ce que son père avait fait récemment? L’exilé? Et qui était l’auteur de cette lettre? Un ami ou un ennemi? Dire que Disçart n’était pas là pour l’aider… Il aurait sûrement eu une meilleure idée que lui : sa mémoire et sa tendance à analyser pouvaient faire des miracles. Malheureusement pour le Prince, il n’avait que Sylvar et il n’aimait pas l’homme. Rangis venait d’avoir trop d’information pour être capable de faire le tri. Or, son Traqueur actuel lui demanda :

- Que ce trouve-t-il dans la lettre, mon Prince?

- Des…des… des… hésita l’héritier royal pendant quelques secondes à la recherche de ce qu’il était le mieux de dire, des menaces contre le royaume, mon père et moi… l’auteur juge que la couronne a été négligente envers ses terres…

- C’est tout? demanda Sylvar en soulevant un sourcil blême.

- En somme, oui, répondit Rangis, c’est très vague comme lettre.

Le faux elfe acquiesça avec un signe de tête, mais il semblait clairement ne pas être convaincu. Pourtant, il n’ajouta rien. L’héritier royal remercia les dieux pour ce fait. Il avait trop d’information pour l’instant pour avoir, en plus, envie d’expliquer des choses à l’homme devant lui. Il désirait d’abord faire le tri dans tout cela. Il se demanda s’il ne devait pas en parler à Disçart. Il pourrait l’aider. En regardant Sylvar, il changea d’avis : son ami en avait déjà beaucoup sur les épaules. Que devait-il penser de la lettre? L’alcool de cette soirée ne l’aidait pas. La brume dans son esprit ne s’était pas complètement éclaircie et ses capacités cognitives étaient au ralenti. Il n’arrivait pas à décider! Soudainement, des rires se firent entendre de plus en plus fort dans la cour. Rangis reconnut rapidement les voix de Galen et de Théo. Très rapidement après, le Prince put voir les deux arrivées, un bras par-dessus l’épaule de l’autre chacun, ayant définitivement besoin d’aide pour marcher. En le voyant finalement, les deux hommes voulurent se précipiter à sa rencontre, mais incapable de se coordonner, ils s’écroulèrent lamentablement. Le vin de cette soirée avait fait plus qu’une victime… Riant à tue-tête en ayant de la difficulté à se mettre debout, le Prince les rejoignit en prenant soin de cacher le message. Théo parla le premier :

- Qu’est-ce que tu fais dehors? On te cherchait!

- Ouais! Tu as déjà manqué plein de choses! Rajouta Galen en souriant.

- Je prenais un peu d’air, expliqua brièvement le Prince, j’avais la tête qui tournait.

- Ça va mieux? demanda Théo.

- Oui, je vais bien, acquiesça le Prince.

- Alors, retournons à nos verres le plus vite possible! déclara Galen en essayant de lever le poing. Je veux voir ce que va faire Docyn si je réussis à lui faire boire encore une coupe d’hydromel!

Le duo enchevêtré repartit presque aussitôt en se mettant à chanter une chanson paillarde. La chanson devait parler d’une jeune femme buvant dans une taverne, mais Rangis n’en était pas convaincu tant le rythme et la prononciation des deux individus étaient difficiles. Leur démarche aussi l’était… Le Prince suivit rapidement, prenant le temps de serrer la lettre dans sa poche. Il aurait d’autres moments pour penser tout cela et il craignait que ses deux amis s’écroulent s’ils continuaient comme cela…

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