Élevage Équin

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Alors qu’on élève des chevaux,
Des hommes agissent taureaux,
Essayant absolument d’intimider,
Ceux osant les confronter.

Après deux jours de cheval, la troupe arrivait déjà à son premier arrêt. Le Prince avait insisté pour prendre un court détour. Celui-ci passait par l’un de ses endroits préférés et il n’aurait pas manqué une occasion pour y aller. Pour Disçart, c’était un endroit qu’il aimait bien, mais pour des raisons un peu différentes de son ami et il avait hâte d'y être! Il espérait gagner un peu de répit. Cela faisait deux jours que Ronar et Sylvar ne cessaient de le harceler! Dès qu’ils le pouvaient, les deux hommes avaient des tâches à lui confier ou ils s’arrangeaient pour que l’un d’eux le sépare du groupe. Le membre du duo, celui qui suivait Disçart, regardait ensuite avec ce dernier ses compétences : la magie, aux armes (encore!), aux armes de lancés, la traque, la survie et toutes autres compétences qui pourraient être utiles pour un Traqueur. Or, parfois, Disçart trouvait que c’était complètement absurde. Il n’en revenait pas que Ronar ait décidé de lui faire faire de la magie sur sa monture! Le jeune Traqueur avait pensé à protester, mais il s’était avoué rapidement vaincu… Il l’avait fait et il s’était écrasé sur le sol comme une grosse patate… Le rouge lui montait encore aux joues en y repensant. « Quelle idée stupide! » se fâcha Disçart.

Alors que les arbres s’éclaircissaient, laissant leur place à une grande plaine ensoleillée par un beau soleil, Disçart commençait à espérer : la troupe arrivait sur des terres plus peuplées. Il croyait sincèrement que ses gardiens n’oseraient pas le harceler, préférant garder une part d’anonymat comme l’Ordre le prescrivait. Soudainement, un des gardes fit faire un écart à son cheval, la main sur son pommeau prêt à dégainer, ces traits crispés. Après quelques secondes, il relâcha sa tension en soupirant, sa main s’éloignant de son épée. Une simple fausse alerte, il semblerait… Depuis le début de voyage, Disçart avait remarqué que quelque chose clochait avec la garde du Roi. Les hommes étaient raides, les regards toujours en mouvement, évitant de croiser le regard du Prince ou des trois Traqueurs. Ils étaient tout le temps sur le qui-vive, les nerfs tendus. Cette impression agaçait la curiosité de l’homme du Prince. Il y aurait sûrement plus réfléchi dans d’autres circonstances. Or, sa fatigue réduisait sa concentration et le peu qui lui restait cherchait à tout prix à comprendre Ronar et Sylvar. Ainsi, il serait peut-être capable de trouver une solution. Les deux étaient encore en arrière, regardant tous les autres de haut. Aucun n’essayait de communiquer avec les autres membres de la troupe. Les seules fois qu’ils parlaient, c’était pour le rabrouer lui… Depuis l’évènement du premier soir dans la forêt, Disçart avait une peur des deux hommes… Ils ne l’avaient plus poussé à des extrêmes comme la première fois, mais le sombre jeune homme craignait qu’ils ne recommencent et…

Disçart fut interrompu dans ses pensées par les exclamations des gardes autour de lui. Ils venaient de passer passé une légère colline et la grande plaine se laissait enfin admirer. Immenses terres s’étendant à l’horizon seulement coupées par des collines et quelques habitations, très peu d’arbres poussaient librement. En son sein, des centaines de chevaux se promenaient et broutaient paisiblement : quelques cavaliers les encadraient et surveillaient les bêtes qui oseraient s’écarter. Plus loin, la troupe pouvait voir un petit château avec des murs immenses. Disçart était souvent venu sur les Prairies royales, mais ce n’était pas tout le monde qui avait la chance de venir visiter le grand élevage royal. Cette terre où on cherchait à élever les meilleures bêtes du royaume. Énormément de montures de la garde du Roi étaient élevées ici. Le jeune homme comprenait le regard impressionné des gardes qui apercevaient l’endroit pour la première fois. Tant de chevaux dans une si grande plaine n’étaient pas communs.

Or, le jeune homme n’avait pas d’intérêt à admirer le tout. Il l’avait vu si souvent depuis son arrivée dans le duché du Roi. Il y avait tellement d’années maintenant… Il avait hâte d’être arrivé. Alors qu’il s’avançait pour guider le chemin, il fut forcé de s’arrêter. Un homme encapuchonné se trouvait devant lui, lui bloquant le chemin. L’inconnu lui semblait étrangement familier, mais il était incapable de se souvenir pourquoi. De taille moyenne, ventripotent, large d’épaules, il aurait pu passer pour n’importe quel bien nanti que Disçart avait déjà vu. Le seul détail un peu particulier était sa capuche. Le Traqueur ne remarquait pas les détails de ses traits et il n’avait pas envie de prendre le temps d’y réfléchir. Alors, d’un ton solennel, il ordonna :

- Étranger, je vous demanderais de vous tasser! La compagnie du Prince aimerait passer!

- Je vois bien cela, mon bon, répondit l’inconnu en souriant, mais je ne crois pas que je céderai immédiatement le passage.

- Oserais-tu? demanda le Traqueur sans patience.

- Oui, j’oserais, mon colérique Disçart, lui sourit l’homme en enlevant sa capuche.

Tout mouvement de vileté chez le jeune Traqueur cessa. Il venait de reconnaitre l’homme devant lui. Quelques exclamations s’entendirent derrière lui et un énorme impact se fit entendre. En se retournant, Disçart vit Galen, qui courait presque dans son énorme armure, se précipiter sur l’homme devant lui, enlaçant le malheureux de toutes ses forces. Le Prince vint au côté de sa Sombre Lame, laissant échapper sous son sourire :

- Pauvre Théo…

Théo, surnommé l’Étrange pour une bonne raison (ou plusieurs), de la Maison Mervial, les châtelains de génération en génération qui s’occupent des Prairies royales et de son élevage équin sous les ordres directs de la royauté. Une maison mineure, mais avec un rôle majeur pour le royaume. Disçart souriait à son tour ouvertement en voyant le noble se faire étreindre par l’énorme garde du corps de sa Majesté. Ce fut au tour de Rangis de descendre de sa monture. En avançant, il dit en souriant:

- Tu peux le laisser respirer Galen. J’aimerais qu’il survive encore quelques minutes.

- Juste quelques minutes? exclama Théo difficilement toujours enlacé.

Galen finit par relâcher sa prise et le noble en profita pour s’échapper au plus vite, le souffle court. Il se rapprocha du Prince avec qu’il échangea une bonne poignée de main, sourire aux lèvres. Disçart souriait aussi, mais il avait un pincement dans son ventre en voyant ses retrouvailles aussi joyeuses : il aurait aimé faire comme le Prince et son Garde, et exprimer son plaisir, mais en même temps, il n’osait pas; il craignait d’être déplacé de son rôle… et il y avait Ronar et Sylvar qui le surveillaient sûrement… Il se contenta de simplement échanger un signe de tête avec Théo qui s’en contenta d’un sourire. Rangis enchaîna :

- Que fais-tu ici, Théo? Sans garde qui plus est! J’aurais cru que tu nous attendrais dans le fort, bien confortablement installé quelque part.

- Ça aurait sûrement été le cas, mais ma douce moitié m’a fait part de la bonne idée que ce serait de venir à ta rencontre.

- Et elle t’a un peu obligé, finalement? lui demanda Disçart, un peu narquois.

- Je dirais qu’elle a beaucoup insisté, commença le noble en souriant, mais oui… et à la dernière seconde aussi…

À cette remarque, de nombreux sourires se firent dans la compagnie. Théo ne sembla nullement s’en formaliser. Son propre sourire était radieux. Le jeune Traqueur n’était pas surpris : l’Étrange n’était pas un noble ordinaire. Il était proche des hommes qui vivaient sur ses terres, si ce n’était de sa tendance à la paresse et à la bonne chair que son ventre trahissait. Rien ne semblait l’affecter ou le rendre nerveux : Théo l’Étrange faisait ce qu’il voulait! Du coin de l’œil, Disçart vit Sylvar lui faire un signe. Alors que la troupe reprenait sa route, mené par un Théo discutant vivement avec Rangis et Galen, de retour sur leur monture, Disçart se laissa distancer. Comme dans une pièce parfaitement apprise les gardes le dépassèrent sans jamais le regarder. Doucement, pratiquement en faisant faire du surplace à sa monture, il arriva en queue de peloton comme si de rien n’était à côté du très joyeux duo de Sylvar et de Ronar, ceux-ci toujours aussi souriant… Il avait une idée de ce qu’ils voulaient. Sylvar demanda sèchement :

- Peux-tu nous expliquer ce qu’il vient de se passer?

- La rencontre avec Théo? s’assura Disçart.

- Évidemment, cracha presque Sylvar.

- Nous n’avons pas compris ce manque complet de formalités avec le Prince, continua Ronar plus consciencieux et en laissant un regard sévère à son compère.

- Théo Mervial, le Prince et Galen, expliqua Disçart, se connaissent depuis plusieurs années. Ils sont des amis. Entre eux, il n’y a pas de place à la formalité. Aussi, j’ajouterais que le comportement de Théo est connu pour rarement suivre les politesses d’usages. Les autres nobles ont tendance à le mépriser pour cette raison.

- Et toi? commença Ronar, où te trouves-tu dans leur relation?

- Je me considère comme un ami de Théo, hésita Disçart.

- Je vois, conclut Ronar sans rien ajouter.

Le cadet compris le message qu’il pouvait retourner rejoindre le Prince, Galen et Théo. Il était congédié. Pourtant, en partant, il ne manqua pas le regard désapprobateur de Sylvar et le long échange silencieux qui se déroula entre ses deux geôliers. Ils ne semblaient pas tout à fait d’accord, mais en même temps, il y avait plus. Le jeune homme n’aurait su dire ce que cela contenait à l’exception que cela le concernait sûrement encore... Ne désirant pas tant rester pour le savoir, il se dépêcha de rejoindre ses amis avant que le duo ne change d’avis. Il ne pouvait s’empêcher de se demander en quoi cela leur posait problème se manque de formalité entre le Prince et un vassal : ils étaient des Traqueurs, soit des lames au service de sa Majesté, pas des gens de la haute société.

Secouant la tête pour ne pas y penser, Disçart arriva au côté de Rangis rapidement, entendant leur éternel sujet favori : les montures. Les trois étaient dans une vive discussion pour parler des nouveaux équidés et lesquels avaient le plus de mérites. Théo avait une préférence pour les petits d’un étalon du nom de Vent Vif, alors que Rangis favorisait les descendants du vieux destrier de son père, une monture qui avait vu plus d’un conflit. Galen, pour sa part, vantait les chevaux d’un autre élevage en entrainant l’irritation de l’Étrange qui ne pouvait croire qu’on puisse en préférer d’autres au sien. Or, Disçart n’écoutait jamais attentivement ses débats : les bêtes étaient un outil (et un outil trop souvent indocile!). Tant qu’elles exerçaient leur fonction… Il laissa son esprit vagabonder, des réflexions s’exerçant en arrière-fond. Il se demanda comment allait Minester, Nirk et Magia? Son professeur de magie devait sûrement essayer un ou deux trucs avec Magia, mais il n’aurait pu dire ce que faisait son Maître. Il essaya de se l’imaginer quand il fut interrompu par une forte apostrophe de Théo qui continua plus bas :

- Diss! Qui sont les deux hommes en arrière te faisant obéir au doigt et à l’œil?

- Ce sont… hésita l’interloqué. Ce sont des hommes de maître Nirk.

- Donc, tes gardiens pour éviter que tu provoques d’autres stupidités, reformula sans émotion Théo.

- Pardon! S’offusqua Disçart.

- Oh! s’exclama le noble. Je suis déjà au courant des raisons qui ont poussé le Roi à envoyer son héritier et par la même occasion, toi, sa Lame, dans l’Est du royaume. Tu as foiré presque littéralement. Ce n’est ni bien ni très propre. Tu aurais peut-être pu chercher moins l’attention et faire moins ton intéressant!

L’accusé eut un grognement, essayant, en vain, de trouver une réponse à Théo. Rien ne venait. Celui-ci avait raison. Aussi dur que ce fût, il avait raison! Furieux et frustré, Disçart se muta dans un silence colérique, des ouragans dans les yeux. Ses trois amis le laissèrent faire, recommençant leur discussion sur les chevaux. Ils ne semblaient avoir aucune envie d’affronter une tempête vivante : ils évitaient de le regarder, s’assurant de garder un pas devant lui. Rapidement, les cavaliers arrivèrent aux portes ouvertes de la demeure de Théo où une petite troupe s’était assemblée pour les accueillir. En entrant, Rangis fit un clin d’œil à Galen et à Disçart. Ceux-ci lui répondirent d’un signe de tête. Ils avaient compris et Disçart savait que le spectacle allait bientôt commencer. Pour une fois, le Prince avait eu une bonne idée. Un sourire se peignit sur le visage des trois amis.

Composé surtout de domestiques, d’éleveurs et de gardes, ce groupe était mené par une dame en beige. Théo n’hésita nullement à rejoindre la femme, se plaçant très près d’elle. Elle n’était pas très grande, arrivant à peine aux épaules de l’homme à ses côtés. Une longue cascade de cheveux bruns lui pendait jusqu’aux reins. Mince avec de belles formes, elle était désirable. Or, son visage gâtait le tout : des yeux enfoncés, une tête carrée, un énorme front et de minces lèvres pincées. Elle avait le visage d’une vieille tante sur un corps de jeune femme. Le Prince, son Garde du corps et son Traqueur descendirent de leur monture d’un même mouvement. Alors que la femme les accueillait formellement dans sa demeure, les trois hommes s’avancèrent ensemble pour exécuter une longue révérence. Souriant et rougissant légèrement, elle se précipita vers eux :

- C’est bien trop d’honneur, Rangis. Relève-toi, tu es le Prince du royaume. Depuis quand Galen, t’amuses-tu à faire des révérences et toi, Diss, depuis quand oses-tu être formel? Allons! Relevez-vous, vous trois, ce n’est pas votre genre. Vous provoquez une scène!

De nombreux sourires se virent dans la foule présente. Ce n’était pas à tous les jours que leur dame recevait les honneurs du Prince du royaume! Ils l’appréciaient énormément : une roturière comme eux, mais élevé au rang de noble par son mariage avec Théo, elle faisait beaucoup pour les aider. Alors, recevoir une révérence de sa Majesté et de ses hommes les plus importants était tout un honneur. Or, il fallait dire que la panique de cette petite bonne femme essayant de reprendre les trois jeunes dans leurs comportements avait un aspect amusant. Pour la première fois, remarqua Disçart, les gardes se détendaient réellement : ils semblaient moins crispés et moins sur les nerfs. Seuls Ronar et Sylvar ne souriaient pas. Ils semblaient perplexes. La révérence fut suivie, plus familièrement, par des embrassades entre la femme et les trois hommes de la capitale dans les fous rires et les plaisanteries. Le capitaine George aussi descendit de sa monture pour venir saluer plus ou moins formellement la dame et Théo. Après quelque temps, Disçart remarqua que la femme gardait un pli pensif. Son sourire n’était pas entier. Il lui demanda :

- Irène, est-ce que quelque chose cloche?

- Théo ne vous en a pas parlé? demanda la femme de Théo en jetant un regard désapprobateur vers celui-ci.

- Non, j’ai oublié, répondit le coupable en souriant penaud.

- Bien, Diss, commença-t-elle en expirant longuement, nous avons un problème présentement. (Disçart acquiesça d’un coup de tête) Des brigands s’en prennent à l’élevage…

- Et qu’attendez-vous pour les trouver? demanda rapidement le jeune Traqueur sans sourire.

- On l’aurait déjà fait si on avait été capable de les traquer et de les trouver! s’exclama Théo avec mécontentement, mais on n’y arrive pas. Ils n’arrêtent pas de nous filer entre les doigts.

Le noble grognait pratiquement, son regard brûlant pratiquement tout ce qu’il touchait. Or, Disçart restait tout autant de glace, prêt à affronter Théo s’il désirait continuer. Ils s’affrontèrent quelques instants du regard, l’incandescence de la fureur contre la froide tornade d’irritabilité. L’Étrange céda le premier, le Traqueur ne se réchaufferait pour rien. Avec un sourire enfantin, le premier, après un petit coup de coude de sa conjointe, continua en s’adressant à Rangis tout en jetant des coups d’œil vers son « ennemi »:

- En fait, mon Prince, nous aurions voulu savoir si certains de vos hommes auraient pu nous aider avec ces… ce problème

- Certainement, Théo, répondit Rangis de surprise, je suis même surpris que tu me le demandes si formellement. (Tournant la tête ver Disçart) Tu vas sûrement y aller, non?

Les yeux de l’interloqué s’écarquillèrent de surprise à cette affirmation, perdant toute vileté. Pourquoi lui? Oui, il était un Traqueur, un bon poursuiveur et sûrement qualifié pour la mission, mais pourquoi devait-il s’en mêler? Il était toujours prêt à aider… Se dévouant à rendre service... Or, il aurait sûrement aimé un peu de repos… Sentant des regards mécontents dans son dos, il sentait que Ronar et Sylvar seraient très mécontents. De cela aussi, il aurait aimé un peu de repos… Il répondit en détournant les yeux de ses amis :

- Oui, oui. Je vais aller trouver ses brigands… ça ne devrait pas être trop long…

Soudainement, ironie du sort, Disçart entendit les guetteurs crier qu’un homme arrivait à toute vitesse. L’alarme commençait à être sonné quand celui entra en trombe dans le château. Les yeux écarquillés, à deux doigts de s’effondrer, une flèche dépassait de son dos et du sang coulait sur le sol. Deux hommes se précipitèrent pour le soutenir, alors qu’il essaya de descendre de son cheval. Disçart et Irène suivirent immédiatement le mouvement. Le blessé s’écroula dans les bras des deux premiers et quand il vit Irène, il lâcha si vite, presque inintelligiblement, et difficilement:

- Les ban… les bandits sont ici. Ils nous… ils nous ont attaqués et submergé par leur nombre. Ils voulaient les chevaux… les chevaux qui étaient dans le pré au nord.

Des visages lui revinrent en tête : Docyn, Gludoc, Vamyr et les autres personnes au service de Théo que le jeune homme connaissait se trouvaient peut-être sur les plaines présentement. Sans avoir besoin d’en entendre plus, Disçart se précipita sur sa monture. Il entendit des gens lui parler ou lui crier des choses, mais il était déjà dans un autre monde en montant. À toute vitesse, il sortit des murs et il dirigea son cheval avec finesse, pour une fois, vers le nord. Rapidement, derrière lui, il entendit les bruits d’une autre monture : Ronar le poursuivait en lui hurlant de s’arrêter, mais Disçart n’écoutait pas. Tout son être le poussait par en avant, même s’il n’aurait su dire pourquoi. Il devait agir! Un homme était déjà blessé! Qui pourrait dire dans quel état étaient les autres? Il devait se dépêcher! À un moment, Ronar réussit à le rattraper, rouge sous sa barbe. Il hurla, une partie de sa voix se perdant dans le vent :

- Qu’est-ce que tu penses faire?

- Essayer de sauver des hommes en danger! répondit simplement Disçart en hurlant à son tour.

- En partant seul et sans avoir une seule idée de la situation et sans aucune préparation? Lui demanda Ronar.

Acquiesça d’un hochement de tête. Il essaya d’assumer, mais dit de cette façon, il se sentait ridicule. Ronar enfonça le couteau dans la plaie :

- Tu penses qu’aller te faire tuer va changer quoi que ce soit, pauvre idiot?

Disçart ne répondit pas et il détourna les yeux. Le barbu avait raison… Il avait agi sur une impulsion... comme un idiot. Il savait pourtant qu’une impulsion pouvait entrainer sa mort à n’importe quel moment. Ronar n’ajouta rien, mais il prit les devants. À la surprise du jeune homme, il continua vers le nord sans déroger du chemin. Disçart n’était pas sûr de comprendre, mais après plusieurs minutes, ils finirent par trouver la scène. Il avait déjà vu des scènes atroces, mais il se sentait toujours mal en voyant ces actes de violence. Des corps se répartissaient dans le pré : plusieurs étaient morts, mais d’autres vivaient encore! Du moins, ils n’étaient pas encore morts… Certains des hommes et des femmes portaient de graves blessures : ils se vidaient de leur sang de seconde en seconde. Disçart voulut descendre de sa monture pour apporter son aide si possible, mais Ronar l’arrêta d’un regard. Ce regard portait une question évidente : « es-tu capable de faire vraiment quelque chose? » Disçart signifia d’un geste de tête que non et il resta en place, attendant les prochains ordres. Ronar, descendant de sa monture, vint s’agenouiller à côté d’une femme. De l’âge de son aîné, Disçart n’aurait su dire s’elle aurait été belle dans d’autres circonstances. Les traits carrés sous une longue crinière de cheveux roux. Une longue blessure à sa cuisse droite l’empêchait de bouger et une autre à son flanc, bien que mineure, semblait avoir besoin de soin aussi. Elle lui demanda en apercevant les deux hommes et en les regardant avec circonspection:

- Où sont les secours?

- Ils arriveront bientôt, encouragea Ronar tout d’abord. Où sont passés les brigands?

- Ils sont partis vers l’ouest avant de tourner… répondit la femme en crachant un peu de sang.

- Garder vos forces, appuya Ronar. Des amis seront bientôt là.

La femme eut un petit signe, mais Disçart n’aurait pu dire si elle avait compris. Elle semblait sur le point de s’effondrer, vidée de toutes ses forces. Le jeune homme n’aurait pu si la mort n’était pas loin. Or, il chassa cette idée rapidement : il ne pouvait rien faire... Se relevant, Ronar retourna sur son cheval, le visage toujours aussi froid. Seul un éclat dans son regard montrait qu’il était affecté. Sans attendre et sans rien dire, Ronar partit à la poursuite des brigands, Disçart sur ses pas, des doutes le poursuivant.

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