Chapitre 14 : Problèmes internes.

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Dès l'aurore, les membres du groupe se vêtirent de capes beiges pour dissimuler leur identité. Passer inaperçu dans une ville aussi vaste et peuplée ne posait aucun problème et ce, peu importe le style vestimentaire. Toutefois, le chariot dans lequel était transporté Keita avait été recouvert d'un tissu blanc afin de ne pas éveiller les soupçons. Une fois arrivé aux portes de Lehayyu, un renforcement de sécurité créait une file d'attente pour entrer.

  • « Halte. Que venez vous faire en ville ? »

  • Kyokushin : « Nous sommes de simples commerçants itinérants venus faire affaire. »

  • « Quelle type de marchandise transportez-vous ? » Demanda t-il en fixant le chariot, légèrement teinté par le sang maintenant sec de Keita la veille.

  • Kyokushin : « Il s'agit de... viande animale que nous devons livrer. »

  • « Hum... votre chariot est en piteux état. »

  • Kyokushin : « Nous avons été attaqués sur la route, fort heureusement, on s'en est sortis. »

  • « Les attaques se multiplient aux alentours en ce moment faites attention à vous, vous pouvez y aller. »

  • Kyokushin : « Il me semble qu'entrer en ville n'était pas aussi régulé auparavant, quelque chose de particulier s'est passé ? »

  • « Des problèmes internes. »

  • Kyokushin : « Je vois. Passez une bonne journée. »

La cité de Lehayyu était divisée en trois parties distinctes selon la classe sociale des citoyens qui y vivaient. Le commerce parallèle et illicite, le marché noir, avait lieu dans les coins les plus défavorisés et délabrés de la ville. En apparence, Lehayyu rayonnait de splendeur. Ses bas quartiers étaient situés sous la ville elle même puisque l'architecture de cette grande capitale était établie sur deux niveaux. À l'époque de sa fondation, une partie de sa population actuelle fut excitée à l'idée d'enfin avoir un endroit ou vivre. Précedemment nomade, ce peuple indigent fut discriminé et utilisé à des fins économiques par la noblesse de Lehayyu, en échange d'un lieu où s'implanter. Les tâches les plus difficiles et usantes leur furent déléguées et ils acceptèrent, contraints par la survie. L'architecture de la cité avait donc due être repensée pour permettre à ces personnes de vivre sans ternir l'image de cette dernière. La terre avait été creusée pendant plus de deux décennies pour aménager cet espace, et les dirigeants savaient que le temps et l'argent qu'ils perdraient à faire celà leur serait rendu dans le futur. L'accès à cette "sous-ville" n'était possible qu'une fois à l'intérieur de Lehayyu, et par une porte blindée et gardée menant à un élévateur. Depuis, cette pauvre classe sociale vécut recluse, en marge, au sein d'une ville parralèle qui fut peu alimentée par les ressources de la ville, dans des habitats qui s'étaient détériorés avec le temps et qui n'avaient aucun projet de rénovation prévu. Le marché noir tirait ses ficelles depuis cet endroit sordide puisqu'il n'intéressait que peu la noblesse.

  • Nataku : « Où est-ce qu'on se rend ? »

  • Kyokushin : « Parle moins fort. Premièrement, on va amener Keita dans un endroit sûr où il pourra se reposer. »

  • Nataku : « Dans la clinique de madame Rin ? »

  • Kyokushin : « J'y ai déjà pensé et c'est trop risqué. Elle travaille pour le Seigneur de Lehayyu. Je connais quelqu'un chez qui le gouvernement ne posera jamais le pied. »

  • Mitsuyo : « Je te fais confiance. Je ne laisse pas mon frère chez quelqu'un de louche. »

Nataku ne put s'empêcher de regarder partout autour de lui tant la taille de cette ville l'impressionnait. L'architecture était très différente du royaume de Céleste et les citoyens furent pleins de vie, heureux et épanouis. L'équipe camouflée emprunta des rues sinueuses pour arriver à destination, et se retrouvèrent assez rapidement dans les beaux quartiers. Kyokushin frappa à une porte, sans réponse.

  • « C'est Kalb que vous cherchez ? » Prononça une voix féminine.

  • Kyokushin : « À qui ai-je l'honneur ? » Il se tourna et vit une femme masquée, revêtant une cape rouge et une armure argentée scintillante, et coiffée d'une chevelure blonde.

  • « Auriez-vous la gentillesse de retirer votre capuche que je puisse voir qui vous êtes ? »

Kyokushin inclina légèrement la tête vers le bas et remarqua le blason porté par la demoiselle.

  • Kyokushin : « Vous faites donc partie des mercenaires de l'Ordre. »

  • « Si vous connaissez Kalb, c'est sûrement que vous êtes quelqu'un de confiance. Suivez-moi. »

Ils se rendirent aussitôt dans une taverne bondée de monde.

  • « Au fait, mon nom est Yuvie, enchantée. Les vôtres ? »

Kyokushin et Mitsuyo se croisèrent du regard, hésitants à donner leurs vrais noms.

  • Yuvie : « J'imagine que vous souhaitez garder votre identité pour vous, mais si on veut établir une relation de confiance il va falloir faire preuve d'un peu moins de méfiance, je suis l'amie la plus proche de Kalb. »

  • Kyokushin : « Pourquoi est-ce que je ne vous ai jamais vu à ses côtés la dernière fois que je l'ai rencontré ? »

  • Yuvie : « J'étais en mission pendant plusieurs mois, je suis rentré il y a quelques jours seulement. »

  • Mitsuyo : « Et pourquoi est-ce qu'on ne peut pas parler à Kalb directement ? Où est-ce qu'il est ? »

  • Yuvie : « Il est... » Elle se mit subitement à chuchoter. « ...dans un état critique. »

  • Kyokushin : « Comment ça ? »

  • Yuvie : « Il est actuellement en soins intensifs. On ne peut pas encore savoir s'il va s'en sortir, et le Seigneur essaie de cacher l'information pour l'instant. Si les mercenaires de l'Ordre venaient à apprendre que leur leader est dans un sale état, ça va causer un sacré bordel. »

  • Kyokushin : « Que lui est-il arrivé ? »

  • Yuvie : « Je ne peux pas en dire plus. Pas tant que je ne saurai pas qui vous êtes. »

Kyokushin poussa un léger soupire. Il s'approcha lentement de Yuvie et lui murmura au creux de l'oreille.

  • Kyokushin : « Ky-o-ku-shin. »

Les yeux de Yuvie s'écarquillèrent et elle recula de quelques centimètres sur sa chaise.

  • Kyokushin : « Vous feriez mieux de rester discrète, il y a du monde ici. » Finit-il. Il recula et se rassit.

  • Yuvie : « Pourquoi est-ce que Kalb est en contact avec des types comme vous, surtout vu la prime placée sur vos têtes, n'importe qui dans cette taverne serait prêt à n'importe quoi pour votre peau. »

  • Kyokushin : « Nous sommes des amis de longue date, bien avant qu'il rejoigne l'Ordre. »

  • Yuvie : « Donnez-moi une seule raison de ne pas vous arrêter maintenant. »

  • Kyokushin : « Vous savez très bien que nous ne sommes pas des criminels. Si vous êtes si proche de Kalb, vous ne lui désobéiriez pas. »

  • Yuvie : « Tss... Peu importe qui vous êtes, si ce n'était pas pour Kalb, je vous ferai exécuter sur le champ. »

  • Mitsuyo : « Arrêtez d'exprimer votre mépris et dites-nous ce qui lui est arrivé. »

Soudainement, un homme un peu trop éméché vint à leur table, sa choppe à la main.

  • « Hé ! Qu'est-ce que vous trimballez dans c'chariot ?! »

Mitsuyo lui aggripa sauvagement le bras avant de le tirer vers lui.

  • Mitsuyo : « Prends-toi un autre verre si tu veux pas que je te découpe. » Dit-il, glissant quelques pièces dans sa poche.

  • « Ça va, détends-toi hé ! M-m-merci pour le verre ! » Aussitôt, il retourna festoyer.

  • Yuvie : « Le Seigneur nous a assigné une mission différente à Kalb et moi. Il s'avère que deux des hommes à la plus haute prime nous ont filé sous le nez en passant par la ville. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils sont parvenus à prendre le large en partant du port de Lehayyu. J'étais chargé du bras droit, et Kalb, du plus haut mis à prix. Les deux complices ont pris deux bateaux et ont pris des directions différentes selon les dires de ceux qui étaient sur place. Kalb a suivi sa cible à la trace et quelques semaines plus tard, ses hommes sont revenus en ville, effrayés. Quelques jours après, le corps inerte de Kalb a été retrouvée flottant en plein milieu de la mer par un pêcheur. Il est gravement blessé et subit des soins depuis hier. »

  • Kyokushin : « C'est sûrement de ça dont s'occupait le docteur Rin hier soir. »

  • Yuvie : « Exact. »

  • Mitsuyo : « Qui est en haut de la liste des mis à prix ? »

  • Yuvie : « Ceux que l'Ordre traquent sans relâche depuis plusieurs années maintenant, Atsuya et Akeru. »

  • Nataku : « Attends, je comprends pas... Kyokushin, tu m'avais dit que vos têtes étaient mises à prix par les hommes d'Atsuya. »

  • Kyokushin : « Je n'ai pas menti. En temps normal, seul l'Ordre de Lehayyu gère les mises à prix des criminels de toute la région. Atsuya et son organisation sont tellements influents qu'ils ont placés une sorte de "contre prime" sur nos têtes. »

  • Nataku : « Comment est-ce que c'est possible ? »

  • Yuvie : « La... somme offerte pour vous est aussi élevée que la prime que l'Ordre a placé sur eux. »

  • Nataku : « Quoi ?! »

  • Yuvie : « La somme est tellement conséquente que le Seigneur lui-même n'a pas pu refuser l'inscription de cette mise à prix sur la liste. Il semblait avoir un plan derrière la tête. »

  • Nataku : « Ça deviens compliqué... »

  • Mitsuyo : « C'est intelligent de leur part de détourner l'attention sur nous. »

  • Nataku : « Si vos têtes sont mises à prix au même montant que les leurs, pourquoi est-ce qu'ils sont premiers et vous n'êtes pas ex æquo sur la liste ? »

  • Yuvie : « La liste n'est pas seulement dressée en fonction du montant de la récompense, la dangerosité de l'individu est également prise en compte. »

  • Nataku : « Je vois. On devrait les rattraper, on aura peut-être plus de chances que Kalb... non ? »

  • Kyokushin : « C'est une perte de temps, on a d'autres choses à faire. »

  • Mitsuyo : « Vous avez dit que ça foutrait un sacré bordel si ça venait à s'ébruiter. Pourquoi ? »

  • Yuvie : « Ici tout est différent. L'armée ne sert que de rempart défensif en cas d'attaque de la ville, mais la protection extérieure est assurée par nous. On s'occupe également des primes des deux autres capitales, on a des guildes implanté directement sur place. Il existe des mercenaires solitaires, un peu comme vous, mais qui ne représentent aucune concurrence. »

  • Kyokushin : « Je n'aime pas vraiment être considéré comme un mercenaire. »

  • Yuvie : « Pourtant, j'imagine que c'est de ça dont vous vivez.

  • Kyokushin : « Si on veut. »

  • Yuvie : « Pourquoi vouliez-vous vous adresser à Kalb de toute façon ? »

  • Kyokushin : « Il me doit une certaine somme d'argent qui nous permettrait de naviguer jusqu'aux Terres de l'Est. »

  • Mitsuyo : « Les Terres de l'Est ? Pourquoi est-ce qu'il ne m'en a pas parlé... ? » Pensa Mitsuyo, intrigué.

  • Yuvie : « Sacré coincïdence, c'est l'endroit où se dirigeait Akeru. »

  • Kyokushin : « Arrêtez de me parler de lui, je me fiche d'où il peut bien aller. J'ai juste besoin de récupérer mon dû. »

  • Yuvie : « Pas la peine d'être aussi agressif. On peut se tutoyer d'ailleurs, je pense que ce n'est pas la dernière fois qu'on va se voir. » Yuvie se leva de sa chaise. « Je ne suis pas au courant de ce que te dois Kalb. Ce que je vous propose du coup, c'est de vous rétribuer lorsque vous m'aurez aidé. »

  • Kyokushin : « Pourquoi est-ce que je travaillerais pour quelque chose qui m'est dû ? »

  • Yuvie : « Si vous m'aidez, je ferais en sorte d'effacer votre prime. »

  • Mitsuyo : « C'est une offre difficilement refusable. »

  • Kyokushin : « Tout dépend du service à rendre, je t'écoute. »

  • Yuvie : « Ça me fait mal de vous demander ça mais... l'Ordre aurait bien besoin d'aide maintenant que Kalb ne peut pas travailler. Nos meilleurs éléments sont déjà dispersés aux quatres coins de la région et on n'a aucune nouvelle de certains d'entre eux, le climat est étrange en ce moment... »

  • Mitsuyo : « Mais encore ? »

  • Yuvie : « Il faut que vous nous aidiez à regagner la confiance des autres Seigneurs. Si plus personne ne fait confiance aux mercenaires de l'Ordre, Lehayyu sera sur le déclin. La réputation de la ville et de notre Seigneur est en jeu. »

  • Kyokushin : « Que doit-on faire ? »

  • Yuvie : « Il semblerait qu'Atsuya a laissé la plupart de ses hommes dans la région. Leurs avant-postes se font de plus en plus nombreux, ils gagnent du terrain un peu partout et leur montée intimide quelque peu les Seigneurs de Kohayyu et Tarhayyu. S'ils passent un quelconque accord avec eux, qu'il soit marchand ou militaire, c'est mauvais pour nous. Ils pourraient décider de prendre la ville et ce ne serait pas incohérent. »

  • Kyokushin : « Je ne participe pas à des conflits politiques. C'est mauvais pour nous, d'autant plus que la façon dont Lehayyu traite les pauvres gens m'insupporte. »

  • Yuvie : « Je comprends, mais je m'assurerai que vous puissiez agir dans l'ombre. »

Après une intense réflexion, Kyokushin accepta.

  • Kyokushin : « En échange, j'ai besoin que tu trouves un lieu-sûr pour mon ami. »

  • Yuvie : « Ton ami ? » S'interrogea t-elle.

  • Kyokushin : « Là. » Il pointa discrètement du doigt le chariot.

  • Yuvie : « Il peut rester chez moi. »

  • Mitsuyo : « S'il lui arrive quoi que ce soit je prendrai ta vie. »

  • Yuvie : « Marché conclu. Retrouvez-moi demain soir aux portes de la ville. Prenez un peu de temps pour vous d'ici là. »

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