Chapitre Sept.

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7. Grosse fatigue.

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(Point de vue Coraline)

La mi-octobre pointe le bout de son nez et je dois avouer que ce mois me met terriblement à l’épreuve. Entre mon humeur qui oscille, celle d’Opaline, la dispute, le départ en voyage de ma mère, ma brève installation chez ma nouvelle amie, je me sens au bout du rouleau. J’ai beau prendre des vitamines, je suis quand même assez réaliste pour voir que je fais peur. Mes yeux sont plus vitreux, ma peau hâlée a fait place à un épiderme plus jaunâtre, et mes forces, mon sourire se sont autant fanés que les fleurs d’été. J’ai de plus en plus de mal à quitter mon lit. Je sais que je ne devrais pas lâcher Jace et Opaline, mais cette semaine m’a vraiment épuisée. J’ai à peine le courage d’ouvrir les paupières et mon humeur est aussi maussade que le ciel gris de Freihet. La tête lourde, je lance un coup d’œil à ma table de chevet et remarque que la soupe que ma mère m’a apportée ce midi est toujours là. Je m’en veux de lui imposer cela à elle. D’habitude, mes épisodes de fatigue m'impactent moins qu'a ce moment. D’habitude j’arrive à me mettre un coup de pied aux fesses pour me lever. Mais aujourd’hui, c’est différent. Beaucoup plus terrassant. Je me recroqueville dans mon lit, puisant dans mes dernières forces pour me maudire. Je me sens inutile et faible.

La sonnette retentit, mais je me sens incapable de bouger. Je retiens mes larmes de colère. Pourquoi je me retrouve dans cet état ? Qu’est-ce que j’ai fait à Helgener, pour qu’il me punisse de cette façon-là ? J’entends la porte s’ouvrir, puis se fermer. J’espère que ma mère n’a pas quitté son travail plus tôt pour moi, je m’en voudrais encore plus de lui infliger cela. Voir dans son regard l’inquiétude et l’impuissance me paralyse d’avance. Ma pauvre mère qui se retrouve avec une fille aussi nulle et faible. Quelle déception. Les larmes remontent aussitôt à mes yeux, mais ne coulent pas, je n’en ai pas la force. Je me déteste. La culpabilité me ronge de l’intérieur. J’entends la porte de ma chambre s’ouvrir et vois qu’elle amène avec elle, la luminosité du salon. La couette relevée jusqu’au-dessus de ma tête, je ne distingue pas la personne qui pénètre dans la pièce.

— Hey, commence une petite voix, c’est Ope, est-ce que tu vas bien ? chuchote-t-elle.

— Hum… répondis-je faiblement.

Je la sens s’asseoir à mes côtés et la culpabilité me ronge encore plus. Je m’en veux de la voir s’inquiéter pour moi au point de venir ici.

— Je suis désolée de ne pas être arrivée plus tôt, reprend-elle, après le coup de téléphone de ta mère, je me suis arrangée avec Jace et j’ai décalé certains rendez-vous pour passer au plus vite, explique-t-elle.

Mon cœur se serre à cette révélation. J’ai l’impression que mon souffle s'accélère et que mon corps entier tremble. Mes lèvres aussi tressaillent. Je suis si touchée.

— Qu’est-ce qu’il t’arrive Cora ? demande-t-elle la voix rauque. Tu sais que tu peux me faire confiance, n’est-ce pas ? insiste-t-elle.

Je n’ai pas la force de répondre. Je ne veux pas qu’elle me voie dans cet état si pitoyable. Qu’elle se rende compte de ma faiblesse et de mon air minable. Mais contre toute attente, je sens sa main venir caresser mes cheveux et sa voix murmurée des paroles relaxantes. Le poids sur mon cœur s’efface peu à peu et mon esprit vogue vers un univers sans culpabilité. Je m’endors apaisée.

Lorsque mes yeux s’ouvrent à nouveau, la pleine lune laisse filtrer ses rayons par la fenêtre. Je remarque une autre source de luminosité au pied de mon lit et me lève vivement, m’arrachant un cri et une grimace.

— Doucement Cora, ce n’est que moi, me rassure discrètement Opaline.

— Ope ? Tu es restée ? demandé-je la bouche pâteuse et l’étonnement grandissant.

— Je n’allais pas partir et te laisser toute seule, ta mère est super gentille, s'amuse-t-elle en frappant dans ses mains comme une enfant. Elle m’a préparé des spaghettis, conclut-elle en dodelinant de la tête avec un sourire béat.

Je ris doucement et allume la lampe de chevet pour éclairer la pièce. À vrai dire je veux vérifier par ce geste que je ne rêve pas, mais non. Opaline se tient assise en tailleur au bout de mon lit. Lorsque mon regard se pose sur elle, je ne peux retenir une grimace de surprise qu’elle remarque.

— Je sais, j’ai essayé de le cacher mais, commence-t-elle en haussant les épaules.

— Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? demandé-je sous le choc.

— Rien de spécial, ton état est plus grave que moi, comment tu te sens ?

— Ope, ne détournes pas la conversation, grondé-je.

— Je ne le fais pas, ment-elle. Je m’inquiète sérieusement pour ta santé.

— Et moi, de la tienne, déclaré-je en me redressant.

— C’est juste que… Les insomnies sont de retour, mais ça va, regarde je tiens debout, affirme-t-elle en se levant.

Même si Opaline semble physiquement en forme, son visage laisse transparaître le contraire. Les cernes violets qui entourent ses yeux creusent son visage et donnent à son teint diaphane une couleur beaucoup plus blafarde. Si cela continue, on finira par voir à travers elle. À cette pensée, je ne peux retenir un sourire de prendre place sur mes lèvres et Opaline hausse un sourcil.

— Je peux savoir ce qui te fait sourire ? questionne-t-elle sérieuse.

— Je me disais que tu allais terminer en fantôme avec ce teint, gloussé-je.

— C’est ça moque toi, ricane-t-elle en secouant la tête, en attendant je suis debout moi, raille-t-elle.

— Si je pouvais, grommelé-je.

— D’abord tu vas manger le délicieux potage de ta mère et ensuite on avisera, déclare Opaline sérieuse.

— Hé, mais pourquoi j’ai de la soupe moi ? râlé-je.

— Parce que c’est riche en vitamine, répond-elle avec un clin d’œil.

J’attrape l’assiette creuse sur la table de chevet et mélange tranquillement celle-ci. La sieste de cet après-midi semble me faire du bien, et je pense que la présence d’Opaline aussi. C’est bizarre ce sentiment de protection que j’ai ressenti en m’endormant. C’est comme-ci j’avais puisé dans ces forces à elle, son calme et sa sérénité. Opaline se réinstalle sur mon lit et m’encourage du regard à manger. J’ai l’impression de voir ma mère en face de moi, comme quand j’étais enfant et que j’étais malade. Je me décide enfin à prendre une cuillère et me délecte du repas. Cela fait vraiment du bien. Opaline sourit et en profite pour observer autour d’elle.

— Tu as passé l’après-midi ici ? demandé-je entre deux cuillerées.

— Oui, je te l’ai dit, je ne vais pas te laisser toute seule dans cet état, affirme-t-elle comme une évidence.

— Mais pourquoi ? m’étonné-je.

— Parce que c’est ce que font les amies non ?

J’acquiesce simplement ne trouvant pas de réponse adéquate. Je n’ai jamais eu d’amies à mon chevet, juste ma mère. Et cela me pousse à me poser encore plus de questions. J’ai toujours été entourée dans ma jeunesse, aussi bien que par de proches filles que des garçons, mais jamais personne ne s’est soucié de moi, comme le fait Opaline aujourd’hui. C’est donc cela une véritable amitié ? J’engloutis ma soupe et repose l’assiette vide, soulagée d’avoir quelque chose dans l’estomac.

— Bien, maintenant que tu as mangé, annonce Opaline, tu veux bien m’expliquer ton état ? questionne-t-elle doucement.

— Un gros coup de fatigue, essayé-je.

— Pas à moi, Cora, balaye-t-elle d’un revers de la main.

— Je te jure Opaline, je ne sais pas comment le décrire autrement, reprends-je.

— Écoute Cora, je ne vais pas te mentir d’accord ? déclare-t-elle doucement. L’état dans lequel je t’ai trouvée en arrivant faisait vraiment peur, bien plus que mes horribles cernes, et… Je m’inquiète pour toi, j’ignore comment cela se fait, mais… J’ai l’impression que…

— Tu ressens ce que je ressens ? la coupé-je.

— Ouais, voilà, c’est ça, acquiesce-t-elle.

— J’ai parfois cette sensation-là, avoué-je. D’ailleurs quand tu es arrivée tout à l’heure j’ai…

Trois coups toqués à ma porte suspendent ma phrase et j’invite la personne à entrer.

— Ma chérie, tu es enfin réveillée, déclare ma mère avec un petit sourire. Et tu as mangé, constate-t-elle satisfaite.

— Merci, maman, ta soupe était délicieuse, remercié-je.

— C’est grâce à Opaline, c’est elle qui y a ajouté quelques ingrédients magiques, glisse-t-elle énigmatique.

Je lance un regard à Opaline, mais celle-ci répond par un haussement d’épaules avant de se lever.

— Je vais rentrer, merci pour le repas Monika et rétablis-toi vite Cora, dit-elle en embrassant le haut de mon crâne.

— Vous ne voulez pas rester dormir ? l’invite ma mère.

— Non, Cora a besoin de sommeil et je préfère être chez moi ce soir, sourit-elle.

— Ope, tenté-je.

— Je repasserai te voir, m’interrompt-elle. Au revoir.

Je la regarde sortir de ma chambre ne comprenant pas ce changement de comportement. Est-ce que j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? Fais quelque chose ?

— Jace est venu tout à l’heure, il t’a apporté du chocolat, annonce ma mère en me donnant la tablette. Tu as trouvé deux amis extra, déclare-t-elle heureuse.

— Dis maman, comment on sait que ce sont des amis extra ? demandé-je.

— Parce qu’ils se sont inquiétés et qu’ils sont passés à ton chevet.

— Jace est resté aussi ?

— Oui, deux bonnes heures, ensuite il a dû partir pour rejoindre des proches et s’est excusé un millier de fois au moins, rit-elle. Tu as de la chance, affirme-t-elle en me prenant dans ses bras.

— Merci maman.

***

Quelques jours sont passés depuis mon extrême fatigue, mais cela ne m’empêche pas de toujours ressentir ce poids sur mes épaules. J’essaie de faire avec, de ne plus m’apitoyer sur moi-même, mais je sais que c’est une bataille qui risque de durer. J’ai repris le travail et constate que l’humeur d’Opaline s’améliore peu à peu. J’ignore comment aborder avec elle la conversation que nous n’avons pas eu la chance de terminer. J’ai eu beaucoup de temps pour y réfléchir. Et aussi pour me poser d’autres questions. Mais sans une vraie discussion, je ne risque pas d’avoir les bonnes réponses. Il faut que je lui en parle, sinon je vais continuer à tourner en rond. Jace quant à lui est devenu quelque peu distant. Je remarque son regard scrutateur, et quelque chose me laisse penser que son cerveau mijote à mille à l’heure me concernant. C’est un jeune homme perspicace, et aussi très terre à terre. Je me demande bien ce qu’il sait et que j’ignore encore.

Nous sommes installés dans la salle de pause avec au menu des pâtes au saumon de chez Gustavo. Le repas se passe dans un silence relativement serein. Et je pense que c’est peut-être la seule porte que j’aurais pour tenter d’obtenir mes réponses.

— J’aimerais vous poser une question, commencé-je.

Mes deux amis lèvent leurs regards vers moi attentifs.

— Voilà, depuis mon petit souci, je trouve que… Vous êtes devenus distants, ajouté-je.

— C’est à dire ? demandent-ils en même temps.

— Oui, enfin, ce n’est peut-être pas le bon mot, mais voilà, hésité-je.

— Ce n’était pas voulu, s’excuse Jace.

— Je m’en doute, mais je crois que nous devrions avoir une discussion, déclaré-je sûre de moi.

— De quel genre ? renchérit Opaline.

— Écoutez… Je vois bien qu’il y a quelque chose qui cloche, Ope tu ne cesses de refuser mes demandes de sorties entre filles et toi Jace t’est devenu carrément muet en ma présence, lâché-je. Avant nous, rions constamment, mais quelque chose a changé, avoué-je.

— Cora, commence Opaline.

— S’il te plaît, ne me mens pas, supplié-je en plantant mon regard dans le sien.

— D’accord, acquiesce-t-elle. Il se trouve que j’ai actuellement un gros souci personnel et que je ne sais pas comment le résoudre, avoue-t-elle.

— Quel problème ? s’étonne Jace.

— Rien de grave, ne t’en fais pas et d’ailleurs c’est quoi ta raison à toi ? l’accuse-t-elle.

— Rien, déclare-t-il en baissant le regard.

— C’est cela oui, reprend Opaline en se levant. Je croyais qu’on devait tout se dire…

— T’es mal placée pour juger, hausse-t-il un sourcil.

— S’il vous plaît ! supplié-je en attrapant ma tête entre mes mains. Je… Je n’ai pas envie que vous vous disputiez encore, soupiré-je. Je veux simplement qu’on parle…

— De quoi ? questionne Jace.

— Je ne sais pas vraiment… Écoutez, depuis que je vous connais et surtout depuis qu’on travaille ensemble, je me pose beaucoup de questions, et je n’arrive pas à avoir les réponses…

— Quelles questions ? reprend Opaline en s’asseyant.

— J’ai cette sensation, mimé-je avec mes mains autour de mon ventre, je ne sais pas, par exemple Jace, pourquoi tu es devenu si distant ? l’interrogé-je.

— Je ne suis pas distant, s’agace-t-il. C’est juste que moi aussi j’ai des choses à régler de mon côté… se défend-il.

— Quelles choses ? insiste Opaline. J’ai remarqué que tu te perdais dans tes pensées en ce moment…

— Écoutez les filles, je sais que ma réponse ne va pas vous plaire, mais… Je vous en parlerais quand je les aurais trouvées d’accord ?

— D’accord, lâche Opaline pas du tout ravie.

— Et toi Opaline ? Depuis que tu es venue chez moi, j’ai l’impression que tu ne veux plus te retrouver seule avec moi… ajouté-je.

— Ce n’est pas contre toi, commence-t-elle. Mais tu sais, les insomnies sont revenues et, je n’étais pas forcément de bonne humeur pour sortir, j’ai dû dormir en tout et pour tout cinq heures en trois jours… Je sais que j’aurais peut-être dû t’expliquer cela, mais… J’étais très agacée, conclut-elle.

— J’aurais très bien compris, tu sais ? repris-je.

— Je sais… Mais, tu sais à quel point la communication et moi ça fait deux, rit-elle.

— Je confirme, renchérit Jace un petit sourire aux lèvres.

— Alors, il n’y a aucun problème entre nous ? insisté-je.

— Aucun, affirment-ils d’une même voix.

Je me sens un peu plus rassurée maintenant. Je comprends qu’il y a d’autres questions sans réponses, mais je les aborderai à un moment plus opportun. Peut-être même quand je serai seule avec l’un d’eux. Opaline dépose sa main sur la mienne et me sourit tendrement.

— Arrête de te faire autant de soucis, me rassure-t-elle. Tu sais, je pense que notre récente amitié nous chamboule peut-être un peu plus que ce que nous voulons bien admettre, avoue-t-elle.

— Un point pour Opaline, ajoute Jace. Avant j’avais besoin de m’en faire que pour une nana, maintenant j’en ai deux, grimace-t-il en cachant son sourire.

— T’es con ! rions-nous avec Opaline.

— Peut-être, mais sans moi ce serait moins drôle, non ? hausse-t-il un sourcil en prenant ma main.

— Peut-être, dis-je avec un sourire en coin.

Peut-être qu’il y a encore quelques secrets entre nous, mais à présent, nous savons que quoiqu’il puisse arriver, nous trouverons du réconfort entre nous. Même si les mots n’ont pas été clairement exprimés, les gestes suffisent parfois à combler ce qu’il ne peut être dit à voix haute. Et nos mains entrelacées les unes aux autres le prouvent.

***

Bonjour!

Comment allez-vous?

J'imagine qu'avec ce que nous vivons actuellement ce ne soit pas évident pour tout le monde...

Mais essayez depenser à vos passions et peut-être quele temps défilera un peu plus vite :)

Bon sinon ce chapitre sept, qu'est-ce que vous en pensez?

Bon courage, Bises.

Nana.

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