Début de la fin

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 J'ai couru sous la pluie chaude sans jamais m'arrêter, pendant de longues minutes à espérer que les vigiles ne me rattrapent pas. Je ne sais pas pendant combien de temps j'ai déambulais à toute vitesse dans cette ville, je ne me suis arrêtée de courir qu'une fois arrivée à l'orée de la ville... face à moi de beaux arbres s'élevaient vers les cieux : un bois ! Rien de mieux pour échapper définitivement à l'enfer de l'inconnu qui se trouvait derrière moi, un endroit calme et silencieux où je pourrais réfléchir à ma condition.

 Mais, allaient-ils me poursuivre jusqu'ici ? Ils allaient forcèment tout faire pour retrouver ma trace même si je me cachais dans un bois. Je ne ressemble à rien d'ordinaire, je suis peut-être spéciale, voire dangereuse... si je viens d'un laboratoire, je ne suis certainement pas censée être dehors en sécurité. Ils allaient me traquer, nuit et jour. Je ne pourrais me cacher indéfiniment. D'autant plus que j'étais seule, sans réponses à mes questions, sans personne pour m'aider ou m'expliquer ce que j'étais. Tout cela me hantait alors que j'avançais rapidement vers le parking vide du bois avant d'emprunter un chemin de randonnée. Le suivre n'était peut-être pas la meilleure chose à faire, je pourrais certainement tomber sur des randonneurs - malgré cette pluie - et je doute qu'ils soient très heureux de rencontrer une fille qui ressemble à un cadavre au milieu d'un bois... alors je me suis écartée du chemin pour avancer sur les feuilles jaunes mouillées d'une pluie d'automne, me faufilant entre les arbres et m'enfonçant de plus en plus profond dans ces bois aux allures de jungle, coupant à travers les bosquets, me faufilant entre buissons et mauvaises herbes.

 Après une heure ou deux de marche à me perdre et à désespérer, je fis une étonnante découverte. Face à moi, caché au plus profond de ces bois sans fin, se tenait un bâtiment abandonné. Un portail de fer rouillé comme entrée, à droite sur un pylône de béton une plaque de métal doré était à moitié recouverte de lierre envahissant ayant grimpé tout autour du mur d'enceinte. En le retirant je pouvais y lire "Hôpital psychiatrique". Glaçant.

 Il y avait au beau milieu d'un majestueux bois cet ancien hôpital, abandonné, caché à la vue de tous. Depuis quand était-il là figé dans le temps sans que presque personne ne sache son existence ? C'était terriblement étrange, dérangeant ! Qu'avait-il bien pu arriver ici afin qu'il soit laisser à l'abandon ? Le bâtiment était imposant, vieux... je pouvais distinguer de larges fissures lézardant les murs. Ca me semblait plus être une prison avec ses barreaux aux fenêtres, et cette enceinte debéton surmonté de pointe métalliques.

 Le portail n'était pas fermé. Manipulée par la curiosité, je le poussais lentement pour l'ouvrir. Je parvins à me faufiler lorsque l'ouverture était assez grande pour me laisser entrer. Il y avait une longue allée de béton, à droite comme à gauche des lampadaires bien ordonnés longaient cette dernière. A ma gauche, je pouvais voir une étendue de mauvaises herbes, un probable jamais envahie par des années sans entretients, et, à droite, une fontaine couverte de mousse et remplie d'une eau verte échangée depuis bien longtemps. Le long de l'allée, quelques bancs dont la peinture blanche avait vieillie avec le temps, des vestiges du temps qui passe.

 Je lève les yeux et observe le bâtiment qui surplombre de toute sa démesure là où je me trouve, je me sens si petite à côté. Le vent frais faisait s'envoler mes cheveux bruns, les feuilles jaunes volant au grès de ce dernier autour de moi dans un paysage assez sinistre, triste et muet. Malaise. L'ambiance glauque des lieux me donnaient l'impression d'être observée à travers les différentes fenêtres au-dessus de moi. Pourtant, il n'y avait certainement personne d'autre que moi-même ici... certainement le seul être "paranormal", la seule chose qui pouvait errer ici, ne pouvait être que ma petite personne, elle-même appeurée par un lieu plus terrifiant.

 J'avançais lentement vers la porte d'entrée qui, à ma surprise, était ouverte. A l'intérieur un hall d'acceuil avec un comptoir et des étagères vidées, il ne restait ici et là que quelques papiers illisibles, jaunis. Tout était délabré à l'image des bancs dehors, de l'enceinte ou du jardin dehors... tout a vu le temps passer sans jamais l'ombre d'une visite. Un lieu qui se meurt lentement, dans un silence effrayant. Je n'étais pas rassurée, le plafond fissuré montrait que la batisse n'était pas en état de tenir à une quelquonque violence, j'étais persuadée que si je touchais l'un de ces murs, tout le reste s'effondrerait sur moi... devenant mon tombeau. Je me fais des idées cruelles, pensais-je.

 Alors je pris l'escalier qui se trouvait au fond du hall qui menait à l'aile droite. Au premier palier je pouvais lire « Chambres A100 - A130 » sur un vieux panneau. Il y avait au moins trois étages, et autant de chambres à chaque étages... cet hôpital devait pouvoir contenir au moins quatre-vingt dix patients ici. Je montais les marches une à une en longeant le mur décrépis de ma main, faisant tomber de la poussière des différentes fissures sans que rien ne s'effondre. Ce n'était pas moins rassurant, car l'air lourd, poussiéreux et l'odeur de renfermée et de moisit n'était pas agréables, pouvant faire vomir un mort. Au second palier je m'arrêtais devant les chambres allant de A200 à A230. Je traîne doucement les pas dans le couloir au carrelage blanc et noir. Tout du long de dernier je passe devant des portes de chaque côtés, toutes en métal, peintes d'un vieux bleu pale affreux et numérotées de la même froide insensible par un simple, « A101 » pour la première et ainsi de suite... je m'arrêtais devant la onzième porte. Je poussais sur la poignet de la porte et elle s'ouvrit lentement en grincant. Cette structure me semblant si vivante, je pouvais penser que je lui donner le coup fatal qui allait la détruire. Pourtant il n'en fit rien, elle était toujours debout alors que j'avais ouvert la porte de cette chambre, pénétrant l'intimité du patient qui fut enfermé ici à une époque. Il y avait une étagère en mauvais état sur l'un des murs, pile en face de l'entrée. A droite, un vieux lit de métal qui n'avait plus qu'un matelas, dans un état tout aussi mauvais que le reste, sur lequel une tenue d'infirmière était déposée. En m'en approchant je pouvais remarquer des tâches de sang à divers endroits de la tenue, je faillis vomir en voyant ça... d'où vient-il ? Parvenant à en détourner le regard en regardant le sol je me rendis compte que celui-ci était de béton et non pas de beau carrelage comme le couloir ou l'acceuil. La pièce était presque vide, avec une simple fenêtre de barreau donant vue sur les jardins extérieurs et le bois au-delà de l'enceinte. Mais elle parvenait pas à faire passer la lumière, car c'était sombre. Sans vie... car "vivre" ici devait être une torture.

 Me rendant compte que j'étais toujours couverte d'une simple couverture, mes yeux se posèrent à nouveau sur la tenue rougie de sang. Après tout, elle n'était pas plus en mauvais état que mon visage. Et certainement plus confortable que ma tenue actuelle, alors c'est sans grand plaisir que je me dénudée ici, me sentent observée, pour enfiler quelque chose qui ferait de moi la parfaite figurante d'un film d'horreur. Une fille au teint blafard, maladif, aux cheveux deséchés et mal coiffés, avec des yeux injectés de sang ce dernier coulant jusqu'en bas de mes joues... des larmes de sang.

 La tenue était agréable au contact, mais était trop grande pour moi. Et les tâches de sang m'inquiétaient mais ne me dérangeait pas plus que le reste de l'atmosphère empoisonante. Cependant je me sentais mieux ainsi, habillée. C'est ainsi que je pris l'idée étrange de visiter les lieux, curiosité. Mais rapidement après en avoir fait le tour je me rendis compte qu'il n'y avait rien de véritablement intéressant, tout était délabrés, partout ! Je constatais juste que l'aile droite acceuillait les malades, et l'ile gauche l'administration et autre. Au centre entre les deux ailes se trouvait une jolie petite cour aussi envahie par la nature que le reste, un arbre avait poussé au milieu. Je voulais me rendre au bureau du Directeur mais il était inaccessible, en cause d'un couloir détruit. Tant pis, je dus m'y consentir, ma curiosité ne pouvait pas être comblée.

 Cet endroit n'était guère rassurant. Inquiétant même ! Mais je ne savais pas où aller, ici je me sentais finalement peu à peu en sécurité, une fois habituée à cette terreur qui s'en dégage... j'y suis restée, ayant fait de la chambre A211 mienne, de cette tenue mienne, de cet endroit mien. J'y suis restée plusieurs mois, à explorer un peu plus en profondeur chaque jour, à en connaître chaque coin, chaque chemin. Mais le plus souvent, je restais finalement dans ma chambre à regarder dehors, à maudire ce que j'étais et je ne comprenais pas. Des fois je sortais pour me rapprocher du chemin de randonnée, cachée discrètement derrière un arbre pour observer les passages, pour y voir la vie, elle qui a disparue de mon "habitat", elle qui n'existe plus dans mon corps. J'enviais ces personnes, le sourire aux lèvres, en famille, avec des amis ou parfois seuls. Ils étaient heureux, ils étaient vivants. Et moi je n'avais toujours pas de réponses à mes questions. Eux, ne s'en posaient pas, de savoir qui ils sont, de savoir quoi faire pour leur futur. J'enviais tout ce qu'un vivant pouvait avoir, sa respiration, sa chaleur corporelle, sa peur de mourir, pouvoir grandir... Tout ce que la mort ayant à moitié fait son travail nous empêche. J'en pleurais, je ne pouvais plus "vivre" ainsi, et je ne me souvenais même pas avoir vécu ça. Je n'ai aucune mémoire d'un quelque chose avant mon réveil, si seulementj'ai été vivante, un jour...

 Lentement, j'ai finit par goûter à la folie. Chaque jour, je pouvais la sentir couler dans mes veines mortes, s'emparer de mon cerveaux, des mes pensées, de me sentiments. Je ne supportais plus la solitude, elle me détruit, elle me ronge... même ce qui semble à un mort a besoin de bonheur. Je voulais parler... qui voudrait parler à un mort ? Parce que ce n'est pas normal, un mort qui ne l'est pas. Le désir de tuer grandissait en moi, je le sentais sans le combattre, comme une chose que je devais faire sans me demander pourquoi. J'en avais même envie. Je pensais aussi pouvoir parler aux morts, je l'étais après tout... ainsi, je commis l'irréparable.

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