Soins intensifs en forêt

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J'ouvre les yeux. Une épaisse fumée blanche m'entoure. Je me relève doucement et regarde autour de moi.

Les débris de la charrette et les corps des chevaux jonchent l'herbe ! Nous sommes donc bien toujours au même endroit. Seulement, cette fois, nous ne sommes plus seuls.

Plusieurs jeunes recrues du bataillon sont présentes. Ils nous observent, mon frère aîné et moi, avec surprise et incrédulité. Agenouillée parmi eux, le major Hansi. Que font-ils là ? Leur venue n'était pas du tout prévue ! C'est pourquoi j'interpelle ma supérieure, sur un ton étonné et perplexe :

- Hansi ?

Je suis sur le point de lui demander ce qu'ils font là, quand je remarque ce qu'elle tient dans ses bras :

- Livaï !

Il est immobile, très probablement inconscient. Je me précipite vers eux pour m'agenouiller face à la grande brune et vérifier l'état de mon caporal.

Je constate alors avec horreur que son visage est couvert de sang ! Des échardes se sont enfoncées dans sa chair !

Je n'ai pas le temps d'en voir plus ou de faire quoi que ce soit d'autre : Hansi m'attrappe fermement et se jette avec nous deux dans la rivière qui coule juste à côté !

Instinctivement, je la suis et me mets à nager avec elle, tout en l'aidant à transporter le corps de Livaï, qui ne réagit toujours pas . . .

Le courant nous a emporté à plusieurs mètres de là. Nous avons fini par nous agripper au bord du cours d'eau et avons sorti la tête pour reprendre notre souffle et voir autour. Les soldats du bataillon d'exploration nous poursuivent, fusil à la main !

Le major Hansi se hisse hors de l'eau à la force de l'un de ses bras, le caporal-chef Livaï toujours sous l'autre, et me presse à en faire de même :

- Vite ! Suis-moi !

Je remonte sur la terre ferme et lui emboite le pas. Nous nous dirigeons en courant vers la lisière de la forêt et nous agenouillons dans les herbes hautes pour nous dissimuler.

La borgne se redresse un peu pour jeter un coup d'oeil et constate :

- Ils sont toujours à nos trousses et sont très proches. Ils ne vont pas tarder à nous trouver.

Elle garde le silence quelques secondes puis se tourne vers moi et déclare :

- Je te confie Livaï. Prends bien soin de vous.

- Et vous, Hansi ?

- Ne t'en fais surtout pas pour moi, je reviens vite. Ta priorité est votre sécurité à tous deux, compris ?

- Compris.

Je prends délicatement le corps de mon supérieur dans mes bras. Hansi se lève et s'éloigne.

En attendant son retour, j'ai le temps d'examiner d'un peu plus près les blessures de Livaï. Certaines sont très profondes et saignent abondament ! Il faut arrêter l'hémorragie au plus vite, sans quoi il se videra de son sang !

À défaut d'avoir des bandages sur moi, je m'empare de la cape de mon supérieur, l'enroule et la noue fermement autour d'une partie de son visage pour compresser les plaies les plus graves. Je me défais ensuite de la mienne, qui est moins trempée que l'autre, afin de la passer autour de ses épaules et tenter de le garder ainsi au chaud autant que possible.

Un puissant bruit vient soudain me faire sursauter ! Je connais bien ce son, c'est celui d'un fusil !

Je suis alors prise d'inquiétude pour mon amie, mais ne peux malheureusement pas aller à son secours, car il me faut rester ici avec Livaï.

Un autre coup de feu ! Je prie pour qu'il ne lui soit rien arrivé.

Un silence pesant s'installe alors. Il semble durer une éternité ! Ensuite, des bruits de pas. On approche ! Je serre Livaï contre moi, prête à le protéger contre toute menace ! Ma main droite se pose sur le pommeau de mon sabre, prête à le dégainer si nécessaire.

Deux mains viennent écarter les herbes hautes, laissant apparaitre un visage qui m'est heureusement familier : celui d'Hansi.

Je pousse un soupir de soulagement, tandis que cette dernière déclare :

- C'est bon, j'ai éliminé nos poursuivants.

Les deux coups de feu étaient d'elle, alors. Tant mieux. J'ai de la peine pour ces deux anciens camarades, mais ce qui me fait le plus mal et ce que je ne comprends pas, c'est qu'on en soit arrivés au point de s'entretuer ! Est-ce que ce sont eux, les pro-Jägers dont nous a parlé Balys ? Impossible . . . Jamais Eren ne leur aurait permis de venir s'en prendre à nous ! Mais que s'est-il passé ?

Hansi s'agenouille auprès de nous et me demande :

- Comment va-t-il ?

- Aucun changement depuis tout à l'heure. Il n'a pas encore repris conscience. Il est dans un état critique, il faut le soigner au plus vite !

- Effectivement, mais où trouver le matériel nécessaire pour cela ?

Je réfléchis quelques secondes, puis déclare :

- Au campement. Je sais qu'il y a là-bas le matériel de premier secours que nous avons emporté, au cas où.

- Alors il faut y retourner. Si l'intention de Sieg et ses acolytes est bien de rejoindre Eren au plus vite, ils sont surement déjà partis vers Shiganshina depuis longtemps. La voie doit être libre. Allons-y !

Elle reprend son fusil en main, afin d'être prête à nous protéger en cas de nécessité. Je me lève et lui emboite le pas, tout en portant Livaï dans mes bras.

Nous avons longé la rivière, puis sommes entrés dans la forêt. Après quelques minutes de marche entre les arbres, nous sommes arrivés, comme prévu, sans encombres. Le campement est en désordre et même partiellement détruit à cause de la transformation de nos trente camarades. D'ailleurs, leurs corps de titans se sont déjà évaporés, il n'en reste plus rien.

Hansi pose son fusil contre un arbre et s'empare d'une couverture, qu'elle étale sur l'herbe, avant de se tourner vers moi pour me dire :

- Allonge-le ici.

Je pose doucement notre ami sur son lit de fortune et m'agenouille auprès de lui pour examiner à nouveau son état. Je dénoue sa cape, découvrant son visage, afin de vérifier la profondeur des plaies et m'assurer qu'elles ne sont pas infectées. En ce qui concerne les échardes logées dans ses joues, je pense pouvoire les soigner, mais il a une entaille qui part de son menton pour monter jusqu'à son front, en passant par son œil droit. Ce sera cela le plus délicat et compliqué . . .

Je délace ensuite les courroies de son équipement tridimentionnel et lui ôte sa chemise et sa précieuse cravate, pour voir l'étendue des dégâts et constate que son torse est aussi atteint. Heureusement, ses organes vitaux ne semblent pas touchés.

C'est lorsque mes yeux bleus se posent sur ses mains que je lâche un hoquet de surprise et d'horreur ! Ses doigts ! Il a perdu l'index et le majeur de sa main droite dans l'explosion ! Ces deux blessures cicatriseront d'elles-mêmes si on les bande, mais il ne retrouvera jamais ses membres perdus ! Mon cœur se serre à cette pensée . . .

La voix d'Hansi vient me tirer de mes réflexions :

- Alors ? Quel est ton diagnostic, hormis le fait qu'il est salement amoché ?

- Vu la profondeur des plaies, il faudrait lui faire des points de suture afin d'arrêter l'hémorragie et aider son corps dans le processus de cicatrisation et guérison.

- Ça marche. Je vais voir si je peux trouver le nécessaire.

- Oui, je me souviens qu'on a emmené du fil et une aiguille. Il me faudrait aussi de quoi désinfecter ses blessures. Il y a un savon dans ma tente et je sais que nous n'avons pas encore épuisé nos réserves d'eau.

- Parfait. Je reviens tout de suite.

Elle se lève et se dirige d'abord vers ma tente. Pendant ce temps, je tâtonne les jambes de mon caporal afin de m'assurer qu'il ne présente aucune autre blessure. Je n'y trouve pas la moindre égratinure, mais je crains des lésions internes.

Comme promis, la grande brune revient très vite avec tout le matériel demandé.

Je commence donc par ôter les échardes de sa chair à l'aide d'une pince. Je savonne ensuite l'eau avant d'y tremper un mouchoir blanc. Je me sers de ce tissu imbibé pour nettoyer les plaies du blessé. Cela me permet à la fois d'essuyer le sang et de désinfecter.

Une fois ces deux premières étapes accomplies, je m'empare à nouveau de la pince, que j'essuye avec l'eau savonnée pour la stériliser. Je fais de même avec l'aiguille que j'attrape à l'aide de cette pince. Hansi se charge ensuite d'y attacher un bout de fil. Je peux ainsi commencer à coudre les blessures de Livaï. À chaque fois que je referme une ouverture dans sa chair, le major coupe le fil avec une paire de ciseaux avant d'en attacher un autre à mon aiguille. Ce travail d'équipe nous permet d'avancer plus efficacement. Son aide m'est très précieuse !

Elle déclare même, en coupant le fil avec lequel je viens de refermer la plus longue entaille de son visage :

- Vous êtes les seuls à ne pas avoir été transformés en titans. Et c'est sans doute pour la même raison que tu as survécu à ces blessures, dit-elle en contemplant Livaï, parce que tu es un Ackerman.

Elle relève ensuite la tête et pose ses yeux marrons sur moi :

- En ce qui te concerne, Éléonore, te connaissant, je sais que tu as échappé à la transformation parce que tu n'as pas touché à ce vin, comme à ton habitude. En revanche, je suis curieuse de savoir comment tu as survécu à cette explosion sans la moindre petite égraniture. Laisse-moi deviner : cela a un rapport avec ce titan dont vous êtes sortis, ton frère et toi ? Est-ce que cela n'aurait pas un lien avec votre sang ? Comme vous êtes les seuls à vous en être sortis complètement indemnes, je crois en effet que vous avez survécu parce ce que vous êtes des descendants de la lignée royale. Tu confirmes ?

- Ma mère nous a appris tout ce qu'elle savait, mais d'évidence, elle ne savait pas tout. Le roi des murs a dû emporté avec lui beaucoup de secrets, dont les plus importants. Il y a donc encore trop de choses que j'ignore sur ma famille et ce sang si spécial qui coule dans mes veines . . .

- Je vois.

Notre attention se reporte sur notre ami. Après lui avoir administré tous les points de suture nécessaires, j'entreprends de bander ses blessures. Plus de la moitié de son visage et ses mains disparaissent ainsi sous les tissus blancs.

J'annonce alors au major Hansi :

- C'est bon, c'est tout ce que je peux faire pour lui pour l'instant. Il ne reste plus qu'à attendre son réveil.

- Bien. Merci.

- Je vous en prie, je n'ai fait que mon devoir. Il est hors de question pour moi de l'abandonner, quoiqu'il arrive !

- C'est cette loyauté sans faille que j'apprécie. Encore plus, maintenant que tant de camarades nous tournent le dos.

Je ne dis rien. Que pourrai-je bien dire ? Il y a encore trop de choses que j'ai du mal à réaliser et comprendre . . .

Elle prend sa tête entre ses mains et déclare :

- Nous voilà dans une sacrée panade ! On ne réussira jamais à arrêter Sieg à nous seuls . . . Il n'y a plus qu'à s'en remettre à Armin et au commandant Pixis. Même si Eren trahissait Sieg, les pro-Jägers auraient, de toute façon, la mainmise sur l'île grâce au liquide cérébrospinal et on se retrouverait considérés comme des criminels en fuite. La roue tourne, comme qui dirait. Même quand on est persuadés d'agir pour la bonne cause, il suffit que le vent change pour se retrouver jetés en prison. À ce compte-là, on ferait peut-être mieux de prendre le maquis. Vous ne croyez pas, Livaï, Éléonore ?

Prendre le maquis ? On pourrait effectivement vivre cachés ensemble, tous les trois, ici, dans la forêt, ou dans un autre coin isolé et tranquille. On est capables de se débrouiller, on pourra survivre.

Seulement, le risque qu'on finisse par nous mettre la main sur le collet est trop grand, sans compter que je ne veux pas de cette vie !

Je suis Éléonore Jäger, descendante de la lignée royale eldienne ! Je dois prendre mon destin en main et décider de la vie que je veux mener ! Et ce que je veux, c'est apporter la paix à ce monde, ou tout du moins à Eldia. Oui, vivre en paix auprès de ceux que j'aime, c'est tout ce que je souhaite. Et ce sera impossible si on reste ici, les bras croisés. J'ai toujours cru qu'on doit se battre jusqu'au bout pour ce qui nous tient à cœur ! Je ne vais pas laisser tomber mes convictions dans un moment pareil !

Hansi se lève et s'éloigne. Je lui demande :

- Où allez-vous ?

- Je vais récupérer ce qui reste de la charrette.

- Pourquoi faire ?

- Pour fabriquer un moyen de locomotion, évidemment ! Ainsi, nous pourrons le tranporter plus facilement, au cas où.

- Je vois. Bonne idée.

- Je compte sur toi pour veiller sur lui, le temps que je revienne. Ce ne devrait pas être long.

Elle disparaît derrière les arbres.

*

Hansi est parvenue à trouver des morceaux et roues de la charrette encore utilisables. Elle entreprend à présent d'en fabriquer ce fameux moyen de locomotion, à l'aide d'un maillet qu'elle a trouvé parmi les outils du campement.

De mon côté, je suis en train d'attacher mes longs cheveux châtain clair, qui ont été détachés par le souffle de l'explosion, en une queue de cheval. Ainsi, mes longues mèches ne tomberont pas sur mon visage et ce sera plus pratique pour moi quand il faudra passer à l'action.

C'est alors que je m'applique à nouer mes cheveux, tout en gardant un œil bienveillant sur Livaï, que je la revois ! Cette étendue de sable dans laquelle la mystérieuse petite fille nous a soignés, tout à l'heure, Sieg et moi ! Sauf que cette fois, il y a cet arbre lumineux aux multiples branches.

Que faisons-nous là ? Que se passe-t-il ?

C'est alors qu'une voix résonnante retentit. Je la reconnais aussitôt :

- Eren ?

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