Chapitre 43

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Abbaye de Sainte Scholastique – Dourgne, Tarn

Ange franchit la porte du cloitre. Le lieu était paisible et frais. Quelques sœurs s’y promenaient, seules ou à deux. D’autres étaient assises sur les murets et lisaient, probablement pas des romans, se dit le policier.

Il repéra Samira et Béatrice dans l’angle opposé, qui devisaient en marchant lentement. Il prit le parti de les laisser continuer et retourna les attendre dans le parloir.

— Comment se déroulaient ces séminaires ? demanda Sam.

— La plupart du temps, c’était le soir. Parfois tout un week-end, mais pas très souvent. Cornélius faisait une conférence d’introduction, pendant que les stagiaires se restauraient et buvaient des cocktails ou du champagne. C’était toujours très chic. Et puis les séances commençaient, les invités avaient choisi leurs ateliers à l’avance. Ils partaient avec Solange ou avec moi, certains soirs, on avait d’autres instructeurs.

— Il y avait combien de personne dans ces séminaires ?

— C’était variable, selon les dates, la plupart du temps six ou huit, rarement plus de dix.

— Toujours des couples ?

— Non, il y avait des femmes seules, ou venues à deux, avec une amie. Des hommes seuls, c’était plus rare. Dans ces cas là, c’est Cornélius qui décidait. Souvent, Cornélius venait avec des amis à lui, ils n’étaient pas inscrits et ne participaient pas aux activités.

— Et que faisait Cornélius pendant ces ateliers ? demanda Sam. Il donnait des cours lui aussi ?

— Non, il venait voir de temps en temps si tout allait bien, mais le plus souvent il restait à l’écart dans un petit salon qu’il s’était réservé, il fumait le cigare en discutant avec un ou deux amis, quand il y en avait.

— En quoi consistaient ces formations, ces ateliers ?

— Moi, je faisais surtout les massages. J’expliquais le massage tantrique ou le massage nuru, je montrais un film et je faisais l’exercice moi-même, ensuite les stagiaires pratiquaient entre eux.

— Et votre amie Solange, que faisait-elle.

— Solange est morte, c’était mon amie et je l’aimais beaucoup. Nous étions plus que des amies en fait. Elle était ma grande sœur et mon amante. Elle m’avait tout appris.

La nonne prit son visage entre ses mains et respira profondément.

— Certains la traitaient de dépravée ou de putain, mais c’était la meilleure des femmes. C’est elle qui m’a sauvée la première fois, mais moi je n’ai pas pu la sauver. C’est la faute de Cornélius.

— Vous voulez en parler ?

— Non, non, c’est trop difficile, ça me fait mal. Je ne peux pas, pas encore.

— Est-ce que vous acceptez que je revienne vous parler plus tard ?

— Il faut demander à la Mère Supérieure. Normalement, nous n’avons pas de visites.

— Ne vous inquiétez pas, nous ferons le nécessaire. Vous n’aurez aucun problème. Avez-vous parlé avec un médecin depuis ce week-end ?

— Non, la Mère Supérieure a dit qu’il fallait s’adresser à Dieu, dans nos prières. Lui seul m’aidera.

— Je vous remercie de votre aide, c’est déjà beaucoup. Je reviendrai sans doute dans quelques jours.

Samira alla rejoindre Ange au parloir.

— Alors ? Tu as appris quelque chose ?

— Oui, mais pas tout. Il y a encore de gros blocages chez elle. Je lui ai dit que je reviendrais, mais c’est d’un psy qu’elle aurait besoin. Je te raconterai dans la voiture.

— Un psy, oui, je l’ai déjà suggéré à l’infirmière, mais elles ne croient qu’à la prière. Elles ne prendront pas l’initiative, et nous ne pouvons le lui imposer, par contre un médecin agissant sous le couvert d’une expertise judiciaire, aurait peut-être une chance.

— Tu penses à quoi ?

— Le Docteur Watson, élémentaire.

Ange détailla l’idée de faire intervenir Philippe de Loubennes sur requête du Parquet.

— Béatrice Moreau a déjà été examinée par Philippe, le lendemain de son agression. Elle acceptera peut-être de lui révéler ce qu’elle n’a pas voulu te dire. Je vais demander à Claire Parayre de le mandater pour accéder aux dossiers médicaux et examiner à nouveau la nonne, sur la base des blessures subies lors de l’accident.

— Ce que je comprends, c’est qu’au-delà des jeux libertins organisés dans ce château, sous couvert de fumeux séminaires, il y a eu un événement déclencheur que nous ignorons encore. La religieuse m’a dit « c’est la faute de Cornélius », puis elle s’est complètement fermée ensuite.

— Oui, tu as raison, il nous reste à espérer que Philippe pourra obtenir quelque chose, car les autres protagonistes sont malheureusement morts ou introuvables. Est-ce que l’on a comparé toutes les empreintes trouvées dans le château aux données des fichiers ?

— Il y en avait beaucoup. On s’est surtout focalisé sur Van Den Brouck.

— Si on pouvait mettre la main sur cette femme qui a parlé au jardinier, on pourrait peut-être remonter la piste un peu plus loin. Tu peux mettre quelqu’un là-dessus ? Je sais que c’est fastidieux, mais le travail de police n’est pas toujours très amusant. Il semblerait bien que Cornélius a remonté un petit groupe d’adeptes, on peut déjà chercher parmi ceux qui ont été contrôlés il y a dix ans. Il a peut-être renoué avec ses anciens amis.

— Je vais demander à Clem et à Olivier de s’y coller.

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