Chapitre 26

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SRPJ – Toulouse

Dès son retour au bureau, Ange convoqua ses chefs de groupes. En l’absence de Marc Lang, c’est Juliette Delhuine, capitaine franchement promue qui représentait le groupe 1. Chacun des adjoints passa en revue les dossiers en cours. En cette période de congés, les activités étaient un peu réduites et le tour de table fut rapide. Kevin N’Guyen rapporta l’accrochage entre deux familles de gitans, pour une histoire de respect du territoire. L’affaire aurait pu rester au niveau de Clochemerle si l’un des protagonistes n’avait pas sorti un fusil de chasse lors de l’arrivée d’une patrouille de police urbaine. L’équipage avait appelé la BAC (*) en renfort et le patriarche du groupe avait raisonné le jeune irascible, qui avait néanmoins été mis en GAV (**) pour éviter qu’il ne disparaisse dans la nature. Cette procédure avait constitué l’essentiel de l’activité de Franck Lopez, l’OPJ de permanence.

Ange relata ensuite succinctement les prémices de l’affaire de la nonne violée, laissant à Samira le soin de faire le point sur les éléments factuels et les recherches à mener.

— Nous savons que Béatrice Moreau, alias Mélodie, alias Sœur Marie des Anges, est sortie du couvent dans la nuit de vendredi à samedi. Une voiture noire, dans laquelle se tenaient trois personnes, l’a emmenée dans la montagne, probablement entre Arfons et Saissac, à la limite du Tarn et de l’Aude. Nous pensons que le lieu pourrait être une propriété abandonnée, dont le dernier propriétaire connu est une association, peut-être sectaire, enregistrée à Jersey, sans représentant identifié en France. Il va déjà falloir creuser de ce côté. Je vais confier cette tâche à Clem, elle est douée pour les recherches informatiques et elle parle bien anglais, ça peut aider.

— Comment en êtes vous arrivés à cette conclusion demanda Kevin ?

— En croisant les éléments fournis par la religieuse et la connaissance du terrain des gendarmes du coin. Quand nous sommes allés sur place, ce matin, il y avait des éléments troublants. Les bleus doivent approfondir la fouille en ce moment.

— OK, merci.

— Deuxième axe, le passé de Mélodie. D’après les premiers éléments fournis par Lopez, cette femme a été impliquée dans quelques affaires de mœurs, il y a une dizaine d’années. Est-ce que l’un de vous a dans son équipe quelqu’un qui était déjà là à cette époque ?

— Moi, dit Juliette. Je sortais juste de Cannes-Ecluse (***) et je ne travaillais pas sur ces affaires, mais Olivier Lacaze était dans le service depuis un moment. Je lui demanderai si ça lui rappelle quelque chose.

— Super, reprit Samira, vérifie également si les noms de Charles Van Den Brouck et Jacques Pujol-Lacrouzette lui disent quelque chose. Ce dernier était notaire et s’est suicidé à quarante ans. Il doit y avoir des traces. Je demanderai à Clem de rechercher aussi ce qu’il pourrait y avoir dans les archives de La Dépêche (****). Ce qu’il nous faut retracer, c’est le profil de Béatrice Moreau avant son entrée au couvent et pourquoi elle s’est brusquement retirée du monde. En accord avec Ange, c’est moi qui coordonnerai les différents éléments. N’hésitez pas à passer me voir dès que vous avez quelque chose d’intéressant. Sinon, on fera un nouveau point demain en fin de matinée. Pour info, c’est le substitut Parayre qui est sur le coup à Castres. Kevin, pas de bol, c’est Ange qui est le point de contact pour cette fois.

— Je te laisse le plaisir de découvrir la personnalité de cette virago ! répondit l’OPJ.

— J’ai déjà eu un aperçu, je l’ai vue hier, reprit Ange, sans en dire plus. Bon, maintenant, tout le monde au travail.

Juliette et Kevin quittèrent la salle de réunion, mais Samira resta dans la pièce.

— Je viens d’avoir un texto de Massart. Elle me demande de la rappeler.

— Très bien, répondit Ange, ils ont peut-être découvert un point intéressant. Viens me dire ce qu’il en est, dès que tu as terminé.

Ange retourna dans son bureau. L’endroit était assez vaste et bien orienté, privilège de la fonction sans doute. Il avait apporté avec lui une machine à café personnelle, et il se prépara un expresso bien serré, comme il les aimait.

Il avait à peine terminé de le déguster que Sam frappa à la porte. Ange lui fit signe d’entrer.

— Alors ? demanda-t-il.

— Les gendarmes ont examiné les lieux en détail. Ils ont découvert des empreintes de pneus récentes. Trois véhicules différents, peut-être plus. Les traces sont larges et bien marquées. Au moins deux des voitures étaient de gros SUV à pneus larges. Ils ont également ramassé quelques mégots de cigarettes et un de cigare, genre Havane. Ils nous les envoient au cas où on voudrait rechercher de l’ADN. Enfin, ils ont aussi quelques éclats de verre, assez fins, pas du verre à bouteille, plutôt un verre à pied.

— Il y avait donc bien du monde dans ce manoir ou au moins dans la chapelle, il y a peu de temps. Peux-tu vérifier quand il a plu pour la dernière fois sur le secteur ?

— On a eu un gros orage mercredi dernier. Je vais appeler la météo pour vérifier, mais je serais surprise qu’il ne soit pas passé aussi sur la Montagne Noire.

— Donc les traces de roues dateraient de moins de cinq jours. La coïncidence est troublante. Je pense qu’il faut faire fouiller le château. Il va nous falloir une commission rogatoire, on était déjà limite ce matin, sur une propriété privée. Je vais appeler Claire Parayre. De toute façon, elle attend des nouvelles. Prévois de retourner là-haut demain avec ton groupe et avertis Massart, je ne veux pas de conflit avec elle.

Dès que Sam eut quitté le bureau, Ange appela le parquet de Castres.

— Cher Commissaire, je suis heureux de vous entendre. Je vous en veux de m’avoir abandonnée hier après-midi. J’espère que vous allez vous faire pardonner avec de bonnes nouvelles.

— Bonnes, je ne sais pas, mais en tout cas, sans doute un élément majeur. Nous pensons avoir identifié le lieu où Béatrice Moreau a été emmenée et violée. Une propriété dans la Montagne, nous y sommes montés ce matin avec les gendarmes et ça correspond. Un château qui parait abandonné, mais dont le propriétaire continue de payer les impôts, avec une chapelle attenante. Massart et son équipe ont repéré des traces de véhicules récentes, ainsi que quelques autres objets. Nous aimerions pouvoir y retourner demain, pour fouiller le château.

— Très bonne initiative. Je vais m’occuper de la paperasse, mais je veux me rendre compte par moi-même. Passez donc me chercher quand vous irez à Saissac.

— C’est que ce n’est pas le chemin le plus rapide depuis Toulouse !

— Je vous rappelle que jusqu’à nouvel ordre, c’est moi qui commandite cette enquête. Je vous attends à quinze heures, ça vous laissera le temps de déjeuner avant, à moins que vous ne préfériez partager ma table ?

— Ce serait avec plaisir, je vous assure, mais j’ai une réunion avec mon équipe en fin de matinée.

— Pour le dîner dans ce cas ?

À court d’argument, le policier préféra concéder un peu de terrain.

— Si c’est pour faire éclater la vérité, je ne peux refuser.

— À demain donc. Quinze heures au tribunal. Je compte sur vous.

(*) BAC : Brigade Anti-Criminalité

(**) GAV : Garde à Vue

(***) Cannes-Ecluse : Commune de l’Yonne où est située l’école formant les officiers de police

(****) La Dépèche : Quotidien régional de Toulouse

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