Chapitre 27

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Toulouse, dix ans plus tôt

Le déjeuner du samedi avait été tendu à Labège. Béatrice avait annoncé à son mari qu’elle allait passer une bonne partie de l’après-midi à faire du shopping et à se préparer en vue de la soirée chez Charles Van Den Brouck. Le notaire ne savait plus que penser. Son épouse n’était plus la femme insouciante avec qui il avait diné le jeudi soir, elle était brutalement devenue dominatrice, ne lui laissant aucune initiative ni marge de manœuvre. Que pouvait bien lui avoir dit VDB pour qu’elle change si soudainement ? Il repensa à la précédente soirée au Busca, Charles s’était certes montré entreprenant et séducteur, mais Béatrice était une femme séduisante et elle attirait bien souvent le regard et les attentions des hommes, sans y avoir jusqu’à présent cédé, du moins, à sa connaissance. Et ce désir de reprendre ses études, quelle drôle d’idée. Elle voulait être indépendante, alors qu’il lui offrait tout ce qu’elle pouvait désirer, une belle maison, une voiture de sport toute neuve, une carte de crédit sans plafond. Que demander de plus ?


Le notaire essaya de travailler un moment, pour penser à autre chose. Il n’avait toujours pas finalisé le montage juridique permettant d’acquérir la propriété convoitée par l’homme d’affaire. Quelques recherches sur des sites spécialisés lui donnèrent quelques idées. Il lui faudrait sans doute aller personnellement à Jersey pour mener à bien les démarches discrètement.

Il consulta un site de réservation en ligne. L’avion, de Toulouse à Jersey, nécessitait au moins deux escales, dont une à Londres. Il se rendit compte qu’il serait aussi rapide, et plus économique de prendre un vol intérieur pour Rennes, puis une voiture de location et le ferry à Saint Malo. Pourquoi ne pas proposer à Béatrice de l’accompagner ?

Il termina l’après-midi devant la télé, le Stade Toulousain jouait contre Castres, un derby régional comme disent les commentateurs. Le sport ne le passionnait pas, mais il lui arrivait d’aller à Ernest-Wallon (*) en loge VIP pour des soirées privées, l’occasion de rencontrer le gratin du microcosme toulousain. C’est dans une de ces soirées qu’il avait fait la connaissance de Charles Van Den Brouck, deux ans plus tôt. Seul le rugby, et surtout si le Stade jouait, trouvait grâce à ses yeux.


Béatrice rentra vers dix-huit heures trente, avec plusieurs paquets. L’un portait l’inscription « La Clef des Charmes ». Elle avait visiblement passé du temps chez le coiffeur. Ses cheveux étaient maintenant d’un blond flamboyant, avec quelques reflets un peu plus rouges, coiffés en larges ondulations, lui donnant un aspect farouche, rappelant Farrah Fawcett, dans les Drôles de Dames des années 70. Son maquillage était plus prononcé qu’à l’accoutumée, les lèvres nettement dessinées, d’un rouge vif, et le regard souligné de nuances d’ocre et d’or.

— Alors, qu’est-ce que tu en penses ? demanda-t-elle à son mari sans voix.

— Je… c’est…

— Tu aimes ?

— Euh, oui, bien sûr, balbutia-t-il.

— Et tu n’as pas tout vu.

La jeune femme releva le bas de sa jupe pour faire descendre son string.

— Regarde, touche comme c’est doux !

Elle s’approcha du canapé sur lequel son mari était encore avachi.

— Allez, vas-y ! tu n’en as pas envie ?

— Là, maintenant ?

Béatrice rabattit son vêtement sur ses cuisses.

— Non, c'est trop tard ! Un homme, un vrai, n’aurait pas posé de questions, il aurait profité de l’aubaine. Je pense que Charles, lui, saura apprécier. Je vais m’habiller. Tu aurais intérêt à te mettre en valeur, toi aussi. Je ne veux pas sortir avec une lavette !


Une heure plus tard, la jeune femme était de retour dans le salon. Elle portait une robe en lamé or, au décolleté profond et dos nu. La coupe laissait plus que deviner le galbe de ses seins, que certains mouvements dévoilaient parfois. Elle avait à la main une paire de souliers à talons vertigineux, assortis à la robe, des bas résille et un petit sac suspendu à son épaule par une chainette dorée.

Son mari avait revêtu un smoking et un nœud papillon noir. Il avait de toute évidence meilleure allure qu’une heure plus tôt.

— Et si tu nous servais quelque chose à boire ? demanda Béatrice.

— Que veux-tu ? demanda le notaire.

— Je crois que dans cette tenue, le champagne s’impose, non ?

Un peu avant vingt et une heures, un taxi s’arrêtait au bout de leur allée. Béatrice eut un peu de mal à franchir les vingt mètres de chemin gravillonné sur ses talons, s’appuyant sur l’épaule de son mari. Elle portait un manteau long, mais ne put empêcher le regard appréciateur du chauffeur lorsqu’elle monta dans le véhicule. La voiture les déposa devant chez Charles, au Busca. Cette fois, c’est Béatrice qui détenait le sésame.


La configuration des lieux était similaire à celle de la soirée précédente. Tous les regards se tournèrent vers Béatrice lorsqu’elle se dirigea hardiment vers le maître des lieux.

— Bonsoir Charles, dit-elle en le regardant droit dans les yeux, avant de déposer un baiser sur ses lèvres.

— Béatrice, vous êtes éblouissante ! Faites bien attention à vous, certaines femmes risquent d’être terriblement jalouses.

(*) ernest-Walon : Stade dans lequel évolue l’équipe de rugby de Toulouse

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