Chapitre 25

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Saissac, Aude

Ange arriva devant la gendarmerie de Saissac un peu avant huit heures trente. Le capitaine Samira Saada l’y attendait. Comme annoncé, elle était simplement vêtue d’un jean très délavé et d’un T-Shirt assez ajusté, mettant en valeur sa silhouette sportive. Ange avait appris que son adjointe courait une vingtaine de kilomètres toutes les semaines et s’alignait au départ d’un ou deux marathons chaque année.

— Bonjour Patron, je ne te demande pas si tu as passé un bon week-end !

— Je ne me plains pas, ce n’était pas si déplaisant. J’ai fait la connaissance de Claire Parayre, du parquet de Castres.

— Ce n’est pas trop mon genre, si tu vois ce que je veux dire, mais je sais que Kevin est toujours partant pour un dossier dans son secteur !

— Je vois bien, en effet. Bon, on y va ?

Les deux policiers entrèrent dans le bâtiment et se présentèrent à l’accueil.

— L’adjudant vous attend dans la salle de briefing. Vous voulez du café ?

L’adjudant Massart, une femme énergique d’une quarantaine d’années les attendait accompagnée d’un militaire plus jeune.

— Je vous présente le maréchal des logis Carayon, qui sera notre chauffeur et guide. Il est de la région et connait cette montagne comme sa poche.

— Enchanté, je suis le commissaire Segafredi, du SRPJ de Toulouse, et voici le capitaine Saada, l’un de mes chefs de groupe.

Une carte d’état-major était étalée sur la table de réunion, trois croix avaient été portées sur la carte, l’une d’elles renforcée d’un cercle rouge.

— Nous avons trois endroits qui pourraient correspondre à votre description, expliqua Carayon en montrant les trois points marqués, mais je pense que celui qui est le plus probable est au lieu-dit Camigné. C’est un ancien château, qui devait appartenir à un petit seigneur local au temps des Cathares. Il reste quelques ruines de cette époque, mais un bâtiment plus récent a été construit, puis modernisé au début du vingtième siècle pour en faire un pavillon de chasse. La propriété est à l’abandon depuis quelques années.

— Savez-vous s’il y a une chapelle ? demanda Ange.

— Je n’en suis pas certain, ça fait un moment que je ne suis pas allé par là. La dernière fois, c’était il y a une dizaine d’années. La propriété avait été rachetée par une sorte de secte, à un industriel en faillite. On y avait fait un tour car certains habitants du secteur nous avaient signalé des activités suspectes, mais à part quelques plants de cannabis, nous n’avons rien trouvé d’illicite. Puis, du jour au lendemain, tout le monde a disparu et depuis le site n’est plus habité.

— Le mieux, c’est d’aller juger sur place.

— J’ai prévu un véhicule tout-terrain, je ne sais pas dans quel état sont les chemins, précisa Massart.

Les deux gendarmes et les policiers toulousains montèrent à bord d’une Dacia Duster, Carayon au volant. Il ne leur fallut qu’une dizaine de minutes pour atteindre l’extrémité d’un chemin de terre barré par une chaine rouillée. Une petite pancarte dégradée indiquait encore « Camigné, centre de séminaires ».

Le gendarme descendit de voiture et n’eut aucune difficulté à dégager le chemin.

— Il y a eu du passage il y a peu de temps, fit-il remarquer. Regardez, la végétation avait en partie envahi le chemin, mais de nombreuses branches sont cassées.

Après quelques centaines de mètres, le chemin s’arrêtait devant un petit manoir qui avait besoin d’entretien. Le lierre avait pris possession des balcons et des descentes de gouttières, plusieurs volets baillaient.

Ange s’approcha de la porte d’entrée. Elle était verrouillée. Il fit le tour du bâtiment sans trouver d’autre accès.

— En tout cas, il n’y a visiblement pas de squatters. Toutes les portes et fenêtres sont bien closes.

— Par ici Commissaire, appela l’adjudant.

Ange et Sam se dirigèrent vers le sous-bois dans lequel un petit chemin était à peine visible.

— La chapelle, dit Sam.

Une petite construction, de toute évidence ancienne, était cachée par la végétation. Un petit porche menait à l’intérieur. Une simple nef de dimensions modestes et un petit chœur. Il n’y avait aucun meuble à l’intérieur, mais une petite estrade était montée à l’emplacement de l’autel, fabriquée dans un bois assez récent.

— Si ce lieu a hébergé une secte, ils pratiquaient peut-être leur culte ici, commenta Samira.

— En effet, mais je ne serais pas surpris qu’il ait servi plus récemment, regardez, il y a des traces de passage sur le dallage, et ici, de la cire de bougie, ou plus probablement de cierge, compléta Ange.

— Quelque chose a été installé sur cette estrade, ajouta l’adjudant, on dirait qu’on a vissé une structure sur le bois, il y a peu de temps. Les trous sont bien visibles. Ici aussi, beaucoup de gouttes de cire sur le plancher.

— La nonne avait sans doute raison. Elle nous a dit, même si ses souvenirs étaient vagues, qu’on l’avait amenée dans la montagne, jusqu’à une chapelle. Massart, pourriez-vous nous trouver le nom du dernier propriétaire de domaine ?

— Bien sur, si vous voulez nous pouvons passer à la mairie de Saissac en redescendant, pour consulter le cadastre. Souhaitez-vous visiter les autres sites ?

— Non, je ne pense pas que ce soit nécessaire, j’ai l’impression que ce lieu correspond à celui que nous recherchons. Pourriez-vous faire fouiller les bois alentour pour chercher d’autres traces d’une fréquentation récente ?

— Pas de problème Commissaire, je vais faire monter une équipe dans la journée.

Un quart d’heure plus tard, ils étaient à la mairie de Saissac, heureusement ouverte. La secrétaire sortit les registres cadastraux.

— La Camigné, ça me dit quelque chose. Ce n’est pas ce château dans la montagne où une secte s’était installée il y a dix ans ?

— Oui, c’est sans doute cela. Nous aurions besoin de connaître le nom de l’actuel propriétaire.

— Attendez, je regarde. Si mes documents sont à jour, la propriété appartient toujours à l’Association pour le Développement et le Bien-Etre Personnel, ADBEP. Cette association à son siège à Jersey.

— Pouvez-vous me dire qui en est le représentant légal ?

— Laissez-moi vérifier. Non, je suis désolée, cette information ne figure pas dans nos dossiers, par contre je peux vous dire que les impôts locaux sont réglés chaque année. C’est tout ce que j’ai. Je vous note les coordonnées à Jersey ?

— Oui, je vous remercie. Je vais continuer les recherches moi-même, répondit Samira.

— Il s’est passé quelque chose là-haut ?

— Désolée, nous ne pouvons rien vous dire pour le moment. Merci de votre coopération, conclut Sam. Bonne journée.

— Nous vous ramenons à la brigade ? demanda l’adjudant.

— Non, nous allons profiter du beau temps à la terrasse en face ! Nous remonterons à pied.

— Comme il vous plaira, je vous recontacte plus tard dans la journée pour vous dire ce que nous aurons trouvé.

— Transmettez directement les informations au capitaine Saada.

— À vos ordres. Bonne fin de journée.

Ange et Sam traversèrent la rue pour s’installer à une petite table ombragée par un grand platane.

— Tu as trouvé quelque chose sur Charles Van Den Brouck, demanda Ange ?

— J’ai appelé Lopez hier soir, mais il n’avait encore rien. Je crois qu’il a été pas mal occupé par une histoire de bagarre entre deux familles de gitans. Je le rappellerai sur le chemin du retour.

— Trouve-moi tout ce que tu peux sur cette association, contacte les collègues de la Financière s’il le faut. Essaie de trouver une connexion entre l’ADBEP et VDB ou le notaire, le défunt mari de Mélodie.

Ange regarda sa montre, onze heures quinze.

— Un peu tôt pour le pastis ! Je vais me contenter d’un café, celui des gendarmes était détestable.

— Tu n’es pas charitable Chef, ils font avec ce qu’ils ont.

— Je n’y peux rien, je suis accro au ristretto italien.

— Je me contenterai d’une eau gazeuse, répondit Samira.

Un peu avant midi, ils remontaient en voiture.

— On se retrouve au bureau. Quel est le chemin le plus rapide pour rentrer ? demanda Ange.

— Tu redescends jusqu’à Castelnaudary, et de là c’est l’autoroute jusqu’à Toulouse.

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