Chapitre 4

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Abbaye Sainte Scholastique - Dourgne, Tarn

Vingt-huit paires de sandales effleuraient le dallage dans le silence de la nuit. Les sœurs en procession se dirigeaient vers le cloître après la dernière prière du soir. À l’arrière du cortège, l’une d’elle se pencha vers sa voisine et lui murmura :

— Ma sœur, j’ai oublié mon livre d’heures dans la chapelle. Je retourne le chercher.

Sans attendre de réponse, la religieuse se retourna pendant que la file de moniales continuait sa progression. Elle se glissa derrière une colonne et attendit que la dernière ait tourné l’angle de la galerie. Le cœur battant, elle déplia le petit papier que le jardinier lui avait mystérieusement glissé, un peu plus tôt dans la journée, au creux de la main.

Bien que se sachant seule, la femme se dirigea vers l’arrière de l’abbaye en s’efforçant de rester dans l’ombre des bâtiments. Le message lui enjoignait de sortir de l’enceinte par une petite porte dans le mur du potager, du côté de la montagne. Le texte était explicite et elle sut tout de suite qu’elle ne pourrait se soustraire à cette injonction.

Un peu avant minuit, elle arriva devant la porte de fer. Comme indiqué, celle-ci n’était pas verrouillée. Elle portait toujours l’habit des moniales, robe noire et voile blanc. Son correspondant avait bien précisé qu’elle devait le conserver pour quitter l’enceinte. Elle ne se demanda même pas pourquoi elle devait rester ainsi vêtue. La signature au bas du billet était trop effrayante pour elle.

De l’autre côté, un gros véhicule noir attendait. La sœur ne connaissait pas grand-chose en matière de voitures, elle remarqua juste l’étoile à trois branches sur le capot.

Une porte s’ouvrit et un homme descendit de l’arrière, lui faisant signe de prendre sa place, sans dire un mot. Une femme était déjà assise sur la banquette. Elle prit place à côté d’elle sans qu’une parole ne soit prononcée. L’homme monta sur le siège passager à l’avant et la voiture démarra sans bruit.

Le véhicule traversa le village endormi et se dirigea vers la route sinueuse menant au plateau, six cent mètres plus haut. La religieuse examina la femme à ses côtés. La pénombre ne lui permettait pas de distinguer clairement ses traits. Elle était assez jeune sans doute, guère plus de trente ans. Sa tenue lui rappela les heures sombres de son existence. Celles pour lesquelles avait fui le monde et s’était réfugiée dans la communauté silencieuse des Bénédictines. Ainsi, ils l’avaient retrouvée. Où l’emmenaient-ils maintenant ? Que lui réservait cette nuit ? Pourquoi était-on venu la chercher ici ?

Aucune parole, aucune attention particulière. Les hommes à l’avant fumaient en silence. La femme assise à côté d’elle fuyait son regard et regardait à l’extérieur.

Sans notion du temps, la nonne se laissa conduire, résignée. La voiture quitta soudain la route principale pour s’engager dans un chemin défoncé. Le gros véhicule cahota entre les ornières avant de s’arrêter enfin. On ouvrit la portière de son côté. Elle descendit de voiture. Dans le clair de lune, elle distingua une construction imposante et ce qui ressemblait à une petite église.

— Bonsoir, Mélodie, heureux de te retrouver après tout ce temps.

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