Partie 2

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Cela fait plusieurs jours maintenant que nous avons appris que les Undrental sont la cause de l'Apocalypse qui s'est déclenchée sur Terre. Mais Jethro et moi n'avons plus vraiment eu le temps de nous pencher sur cette énigme car les attaques d'Ombres sur la ville se sont faites de plus en plus fréquentes et de plus en plus brutales. Ces monstres ont même réussi à tuer des soldats, chose assez rare :

- Tu crois qu'il y a un rapport avec la poussière noire ? demandé-je à mon ami.

Nous rentrons à l'instant d'un combat particulièrement intense, long et violent. Je n'ai qu'une envie, prendre une douche et aller dormir dans mon lit pour ne plus jamais me réveiller :

- Je ne sais pas, me répond-il. C'est vrai qu'elle a presque entièrement recouvert le ciel, les rayons du soleil ne passent même plus au travers. Ce phénomène affole la population, le gouvernement met tout en oeuvre pour calmer tout ça et essayer de trouver une solution mais rien n'y fait. Nous avons perdu le soleil.

Cette idée me rend triste, la couche noire est comme un couvercle sur notre monde et le soleil est inexistant. Il fait nuit à toute heure de la journée.

Je file rapidement prendre ma douche avant d'aller rejoindre mon lit pour sombrer dans un sommeil bienvenu.

Je quitte Jethro et file me doucher avant de m'avachir sur mon lit et de sombrer dans un sommeil réparateur.

Je me réveille en sursaut en sentant quelqu'un qui me secoue l'épaule :

- Adrian ! Debout ! ordonne une voix que je connais très bien.

Je me redresse d'un coup et scrute, paniqué, autour de moi avant de poser mes yeux sur Jethro :

- Quoi ? On nous attaque ?!

Il secoue la tête et je me détends immédiatement, les assauts fréquents des Ombres sur la Cité Six ont vraiment éprouvé mes nerfs, ils sont à fleur de peau. Je lui lance un regard mauvais, car il a plutôt intérêt à avoir une bonne raison de me réveiller de la sorte !

- Que se passe-t-il alors ? Je suis épuisé merde ! Je veux dormir ! répliqué-je furieusement.

- Je sais, je suis désolé, mais le Général veut nous voir.

Je le fixe, éberlué, je n'en crois pas mes oreilles. Pourquoi veut-il nous voir ? Nous n'avons rien fait de grave et... Je me fige pendant qu'un long frisson glacé parcourt ma colonne vertébrale :

- Tu penses qu'il y a un rapport avec...

Il hoche la tête avant que j'ai pu finir ma phrase. Il voit très bien où je veux en venir de toute façon. Notre escapade nocturne aurait-elle finalement était découverte ? Je ne vois que ce problème car le Général ne parle jamais aux simples soldats, il ne discute qu'avec les commandants et parfois avec les chefs de mission.

Je ne dis rien d'autre et me lève, enfilant les premiers vêtements qui me tombent sous la main. C'est à dire un jean, un large haut blanc et mes baskets.

Je dévisage Jethro, qui a aussi peur que moi, il est très pâle. J'aimerais pourquoi le réconforter, lui dire qu'une solution sera trouvée. Mais je n'arrive même pas à m'en convaincre moi-même.

Nous sortons de la chambre pour nous rendre au bureau du Général. Dans les couloirs j'ai l'impression que tout le monde me lorgne et me pointe du doigt comme pour dire « tu as fait une connerie et tu vas le payer, le Général va te punir et les Undrental feront en sorte que tu gardes le silence » ou encore « Tu n'aurais pas dû te mêler de ce qui ne te regarde pas, maintenant tu vas payer plein pot ».

Je déglutis et le chemin pour monter les deux étages et arriver devant le bureau me semble à la fois s'étirer sur une fraction de seconde et une éternité.

Je tourne les yeux vers mon ami, je n'ose pas bouger, mais pourtant il faut que l'un de nous se décide à frapper.

C'est donc moi qui m'y colle. Ma main tremble pendant que je l'approche du panneau de la porte et je toque au battant. Il y a un long silence qui semble durer toute une vie et enfin une voix forte et grave annonce un « entrez » sec et claquant.

J'ouvre la porte et nous pénétrons dans la salle.

La pièce est de taille moyenne, blanche du sol au plafond avec une petite fenêtre sur le mur de droite. Il y a, chose assez étonnante, une petite bibliothèque sur la gauche.

Devant nous se dresse un bureau en bois beige avec un vieil ordinateur et un fauteuil en cuir noir.

Juste devant, une petite table ronde avec des chaises où sont assis deux hommes, deux Undrental. Ils ont l'air d'une copie conforme, mais depuis le temps j'ai appris à discerner les différences qu'il y avait entre eux. L'un est plus vieux avec de fines rides sur le visage et ses cheveux sont parcourus de mèches argentées. Il ressemble beaucoup à notre Général. Même forte carrure, épaules très larges. Leurs visages sont tous les deux taillés au couteau. Mais notre Général a des cheveux courts plaqués en arrière et parsemés de nuances blanches et grises. L'autre a de longs cheveux lisses noués en diverses petites tresses.

Mon attention se porte ensuite sur le deuxième Undrental présent dans la pièce. Mon souffle se bloque dans ma gorge. Il est beau. Terriblement beau même ! Comme tous les siens, sa peau est aussi noire que le plumage d'un corbeau et ses yeux d'un bleu très pâle mais profond. Ces cheveux blancs comme la neige sont attachés en quatre tresses sur le dessus de son crâne avant de retomber librement en une cascade blanche dans son dos.

Son visage est fin tout en restant très viril, son regard doux et tendre.

Il me fait un sourire et j'ai l'impression que le monde devient plus lumineux. Mon cœur bat plus vite dans ma cage thoracique :

- Adrian, ça ne va pas ? me demande mon ami.

Je sursaute et me tourne vers Jethro. Mes joues me chauffent terriblement et je ravale ma salive avant de secouer la tête :

- Si, tout va bien, ne t'en fais pas.

Il n'a pas vraiment l'air convaincu, mais je n'ai pas envie qu'il s'inquiète pour moi. Je m'en veux d'avoir réagi de la sorte en voyant L'Undrental, c'est la première fois que je ressens ce trouble et je n'arrive pas à me l'expliquer. C'est perturbant !

L'Undrental me fixe avec un air étrange, qui me donne à la fois envie de fuir le plus loin possible et en même temps de me jeter dans ses bras :

- Adrian, Jethro, asseyez-vous s'il vous plaît, ordonne notre chef.

Je ne lâche pas des yeux notre commandant qui nous fait signe de prendre place sur deux chaises et je vais tranquillement m'asseoir sur l'une d'elle, évitant autant que possible les yeux du bel Undrental :

- Bien, je vous présente le Général Felagund, et le jeune homme avec lui est son meilleur guerrier, Aerandir.

Ils nous sourient, dévoilant leurs crocs qui m'impressionnent. Mais je me force tout de même à répondre, après tout si nous sommes ici à cause de ma connerie, je dois en prendre la responsabilité :

- Enchanté de vous rencontrer. Général Pourquoi Jethro et moi avons-nous été convoqués ?

- À cause de votre petite expédition nocturne d'il y a deux semaines.

Je me fige et Jethro aussi, le ton du Général Felagund est froid et sec. Sa voix a beau être très douce, sa façon de parler donne les mêmes frissons que le bruit d'un couteau glissant sur du métal.

Un long frémissement glacé me saisit et je lance un coup d'œil inquiet à mon ami. Il ne sait pas du tout quoi faire alors je décide de jouer la carte de l'offensive :

- Oui nous sommes allés consulter l'Oracle ! Mais nous n'aurions pas eu à le faire si les Undrental ne nous cachaient pas des choses qui pourraient nous aider à vaincre les Ombres ! S'ils ne gardaient pas autant de secrets, nous n'aurions pas été obligés d'aller chercher des réponses nous-mêmes ! Nous savons que c'est de votre faute si la brèche s'est ouverte sur Terre, si les Ombres sont venues et ont failli tuer toute l'Humanité ! Vous le saviez Général Smith ?

Notre Général nous observe et hoche la tête de haut en bas. Ce qui me sidère sur place. Il était au courant et il n'a rien dit ? Mais pourquoi ?

- Oui je le savais Adrian. Cependant avant que tu ne t'enflammes pour rien, je souhaite que tu écoutes ce qu'ils ont à dire et tu comprendras ce qu'il se passe, dit-il calmement.

Un coup d'œil jeté à mon ami et je constate qu'il est aussi étonné que moi et je me mords la lèvre. Dois-je vraiment les écouter ? Qui me dit qu'ils diront la vérité ? Qu'ils ne vont pas mentir où qu'ils ne l'ont pas fait au Général ?

- Adrian, nous te dévoilerons uniquement la vérité, m'assure Aerandir.

Mon cœur rate un battement, cette voix est si douce, si mélodieuse, lit-elle dans mes pensées ? D'un timbre à la fois grave et tendre, il reprend la parole :

- S'il te plaît, laisse-nous t'expliquer. Tu peux nous faire confiance, insiste-t-il.

Lorsque je pose mes yeux sur lui, le sourire sur son visage et la sincérité dans ses yeux me font rapidement comprendre que non seulement je ne pourrais pas lutter contre le doute, mais aussi que je le croirais même s'il me disait que le ciel était orange.

Je suis incapable de prononcer un mot et la seule chose que je suis en capacité de faire est de hocher la tête pour acquiescer.

Le sourire sur son visage se fait encore plus grand et il se tourne vers son général. Celui-ci pose son regard sur nous et prend une grande inspiration :

- Bien, par où commencer ? Par le début je suppose. Cela risque d'être long, alors mettez-vous à l'aise.

Il y a très longtemps de cela, nos deux peuples ne formaient qu'une seule et même civilisation. Nous vénérions deux dieux, deux frères. Le premier s'appelait Nirvanen, il représentait le Bien, la Joie, le Bonheur, la Paix, bref, toutes les choses positives. Son frère lui s'appelait Néanen, il était tout le contraire de son frère : le Dieu du Mal, de la Guerre, du Chaos et de toutes les choses négatives. Pourquoi vénérer un tel Dieu ? Parce qu'il était nécessaire pour l'Équilibre et nous pensions que n'en vénérer qu'un seul pouvait nous nuire.

Cependant, un jour, une guerre violente éclata entre notre peuple et l'une des nombreuses autres civilisations qui habitent cet Univers et notre monde fut presque détruit. Le roi qui régnait en ces temps-là dut faire face à la désolation, à la destruction et à la misère. Il se mit alors à se demander pourquoi vouer un culte en un Dieu qui apportait de tels malheurs et ses sujets se mirent à penser la même chose. Pourquoi avoir foi en un Dieu qui leur avait causé autant de mal ? Pourquoi ne pas croire et vénérer uniquement un Dieu apportant le Bonheur et la Paix ?

Le roi ainsi que le peuple prirent donc une décision radicale. Ils prirent la décision de bannir Néanen dans l'Oubli, un monde où vont tous ceux qui n'existent plus, comme les morts.

Une fois cela fait, beaucoup d'Undrental, qui avaient tout perdu et voulaient recommencer une nouvelle vie loin de la magie, décidèrent de quitter notre monde pour s'installer ici sur Terre. Ils y rencontrèrent les humains et se mélangèrent à eux.

Cependant, Néanen, furieux que ses fidèles l'aient abandonné en l'exilant dans l'Oubli, décida de se venger. Il ramena à la vie les âmes des morts et en fit les Ombres. Puis il ouvrit un portail vers notre monde et se mit à nous attaquer sans relâche pour se venger. Tout comme vous, nous avons failli périr entièrement. Mais Nirvanen décida de nous venir en aide. Selon les lois divines, il n'avait pas le droit de s'opposer directement à son frère, mais il pouvait néanmoins le faire en nous apportant son soutien. Il nous aida donc à nous reconstruire et à créer les Morpha et c'est grâce à cela que nous avons pu nous dresser contre les Ombres. Malheureusement le monde de l'Oubli reçoit les âmes mortes de TOUS les mondes existants, il nous était donc impossible de les vaincre de cette manière.

Alors nous avons trouvé la solution : fermer le portail menant du monde de l'Oubli au nôtre et nous avons réussi. Seulement...

- Vous avez ouvert la faille de notre côté et c'est nous qui nous sommes retrouvés assiégés par les Ombres. Mais pour quelle raison s'en prennent-elles à nous ? Nous ne sommes pas Undrental !

- Effectivement. Mais ne t'es-tu jamais demandé pourquoi certaines personnes pouvaient utiliser les Morpha ? Parce que les nôtres se sont reproduits avec les humains et même si vous êtes plus humains qu'autre chose, il suffit qu'un peu de gène ou de sang Undrental coule dans vos veines pour que Morpha vous reconnaisse. Malgré les centaines d'années passées, malgré vos chromosomes Undrental profondément enfouis dans votre ADN, vous l'êtes suffisamment pour vous servir de Morpha, il suffit de pas grand-chose. Et je pense que quand le portail s'est ouvert dans votre monde, Néanen a senti le sang et les gènes de notre espèce et a décidé de s'en prendre à vous pour poursuivre sa vengeance.

Je l'écoute en silence, éberlué par ce que je viens d'apprendre. Tout s'explique et il dit la vérité :

- Je comprends mieux maintenant, c'est tellement logique. Est-ce que vous savez ce qu'il se passe dehors ? Ce qu'est cette poussière noire et pourquoi les Ombres sont devenues plus forte ?

Aerandir hoche la tête :

- Oui, Néanen prépare l'assaut final, dit-il sombrement.

J'écarquille les yeux de stupeur en entendant cette phrase terrible et je vois que Jethro est tout aussi perdu et choqué que moi par toutes les révélations faites par le général Undrental. En voyant nos airs de totale incompréhension, Aerandir affiche un plus grand sourire qui se veut rassurant, avant de reprendre son air sérieux pour mieux nous expliquer :

- Il profite du fait que nos deux mondes soient connectés pour lancer une armée contre nous. Nous avons étudié le nuage de poussière dans le ciel et il va se propager dans notre monde et les étouffer tous les deux petit à petit. Il va détruire encore plus la nature et tout ce qui y vit. Dans le même temps il va lancer son armée d'Ombres contre nous en profitant de la panique et du chaos pour porter le coup de grâce.

- Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? lui demandé-je.

- Parce qu'il avait besoin de plus de morts afin de pouvoir recharger ses forces qui l'avaient quitté quand nous l'avons banni dans l'Oubli. Il lui fallait du temps pour tout préparer tout en nous faisant croire que les Ombres étaient faibles afin que nous soyons désarçonnés et pris au dépourvu en découvrant leur vraie puissance.

Tout est plus clair maintenant. La fin du monde arrive et je ne peux rien faire pour l'en empêcher. Je sens la panique qui me gagne petit à petit :

- Alors, nous nous serons battus pour rien ? Au final, nous allons quand même tous mourir ?!

Aerandir secoue la tête et m'adresse un tendre sourire :

- Non, nous allons empêcher que cela se produise, nous allons sauver nos mondes de la destruction.

- Mais comment ?! Tu l'as dit toi-même, la poussière dans le ciel va nous étouffer lentement et une armée de centaines de milliers d'Ombres va nous envahir ! Que veux-tu que l'on fasse ?!

- Nous allons tout simplement nous rendre dans l'Oubli et tuer Néanen.

Je me fige et le regarde, choqué, il veut tuer un Dieu ? C'est impossible ! On ne peut pas tuer un Dieu !

- Tu te rends compte que ce que tu dis est totalement impossible ? Les Dieux sont immortels ! On ne peut pas leur ôter la vie enfin ! tenté-je de lui faire amdettre.

Aerandir rit. C'est un son magnifique, un doux tintement qui me donne envie de rire aussi malgré la gravité de la situation :

- À l'évidence il nous suffit d'utiliser Urendil, une épée légendaire, forgée par Nirvanen, il y a des milliers d'années.

- D'accord, et où se trouve-t-elle ?

- Elle est gardée dans le Monde Glacé par les Colosse de Glace, seuls survivants de la Grande Glaciation qui a dévasté leur monde. Nirvanen leur a confié Urendil car ils ne peuvent pas être corrompus.

- Mais quel rapport avec nous ? Parce qu'il y en a bien un non ? Vous ne nous en avez pas fait venir uniquement pour nous raconter tout ça, essayé-je de comprendre.

Le visage d'Aerandir se fend d'un large sourire pendant que ses yeux me fixent avec une drôle de lueur au fond du regard :

- Effectivement, vous avez un rôle à jouer là-dedans. La légende raconte que seul un être vertueux peut sortir Urendil de sa prison de glace. De plus, elle ne peut-être maniée que par un Undrental ou quelqu'un en possédant le sang... Donc toi Adrian. Nous avons pensé que tu serais tout à fait capable d'utiliser l'épée divine et de tuer Néanen.

Je suis abasourdi. Il veut que moi je me batte contre un Dieu et réussisse à le tuer ? Il est complètement malade !

- Tu es fou, je vais me faire tuer oui ! Je n'ai pas peur de la mort, mais je refuse de mourir d'une manière aussi stupide ! Je dois vivre pour aider les gens ! refusé-je tout de suite.

- Tu ne mourras pas, et dis-toi bien que si tu réussis à vaincre Néanen tu aideras et sauveras tout ton monde ainsi que le nôtre par la même occasion.

Je me mords la lèvre face à cette logique implacable. Mais suis-je vraiment capable de le faire ? Suis-je assez fort pour prendre la vie d'un Dieu sans me faire trucider avant ? Sacré dilemme :

- Comment peux-tu être si sûr que ce rôle du « sauveur » m'incombe ? Qui te dit que je pourrais utiliser Urendil ? Et si j'échoue et que je meurs ? Je ne pourrais plus protéger ceux qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes !

Le sourire sur le visage d'Aerandir s'élargit complètement :

- Je sais que tu es le bon, parce que tu as un cœur bienveillant et que tu es vertueux. Et je sais que tu tueras Néanen parce que Nirvanen te donnera la force pour y arriver. Il n'est pas d'accord avec le comportement de son frère. Il voudrait l'anéantir, mais les lois Divines le lui interdisent, alors il t'apportera son aide. S'il te plaît Adrian, tu dois le faire, tu ne seras pas seul tu sais, je t'accompagnerais.

- C'est tout ? Nous deux contre un Dieu ? Tu crois vraiment que ça va suffire ? demandé-je ironiquement.

Le général des Undrental se racle la gorge :

- Je suis désolé mais c'est tout ce que je peux me permettre, les attaques des Ombres se font de plus en plus fréquentes et meurtrières. Nous avons besoin de tous les guerriers possibles ici afin de les contenir, donc Aerandir constituera ta seule escorte. Mais ne t'en fais pas, il est plus fort que tu ne le penses.

Je pousse un gros soupir et je regarde Jethro qui n'a pas décroché un seul mot depuis que nous sommes entrés dans la pièce. Il hoche la tête. Il est d'accord avec eux :

- Ad mon pote, c'est dangereux, c'est certain. Mais c'est l'unique moyen pour éviter la destruction totale. Et je n'ai pas plus envie que toi que tu ailles risquer ta peau contre un Dieu maléfique, mais si c'est la seule manière de rester vivant et de sauver notre monde alors autant le faire non ? Et puis je sais que tu reviendras sain et sauf ! Sinon j'irais te chercher dans le monde des morts pour te ramener par la peau du cul !

Je rigole un peu, plus par nervosité, il a vraiment un don pour détendre l'atmosphère, même si cela ne change rien à la situation. Je sais qu'ils ont raison. Mais j'ai peur, c'est normal non ? Qui ne serait pas effrayé et hésitant dans une situation comme la mienne ? Mais je ne veux pas que mon monde soit détruit. Je n'ai pas le choix, je dois me résoudre à le faire, même si cela me terrifie et je décide de faire preuve d'hardiesse :

- C'est d'accord j'accepte. J'irais chercher l'Urendil et j'irais tuer Néanen.

C'est un « ouf » de soulagement général qui accueille ma décision. Ils avaient donc si peur que cela que je refuse ? Le général Smith pose sa main sur mon épaule :

- Tu es courageux, je suis fier que tu sois notre soldat !

Jethro me sourit et me frotte le dos pour me rassurer, il sait que je suis mort de trouille à l'idée d'affronter un Dieu :

- Ne t'en fais pas, je suis sûr que tout va bien se passer, tu vas assurer grave !

Je me tourne vers les deux Undrental et le général se contente de hocher la tête pendant qu'Aerandir se lève :

- Nous ferions mieux de partir tout de suite, nous n'avons pas de temps à perdre.

J'acquiesce et me lève aussi avant de me tourner vers mon ami qui me souhaite bonne chance avant que je ne sorte avec Aerandir.

Une fois dans le couloir, celui-ci s'adresse à moi :

- Ne t'en fais pas, je te promets qu'il ne t'arrivera rien

Je dois me fier à cette promesse, je vais lui avouer une confiance aveugle sans même le connaître. Et quelque chose en moi me dit que je ne risque rien à ses côtés :

- Comment allons-nous nous rendre dans le monde Glacé ? Il y a un portail qui y mène ?

- Oui, le seul problème, c'est qu'il faut traverser la couche de poussière noire qui recouvre le ciel, le portail se trouve au-delà. Ce ne sera pas une partie de plaisir, plus nous nous rapprocherons, plus nous aurons l'impression d'étouffer. Ce sera un peu comme se noyer, tu comprends ?

Je me contente d'un hochement de tête pour toute réponse. Je vais rapidement dans la chambre pour enlever mes habits et faire émerger Morpha avant de le rejoindre dans la cour du QG.

Le ciel au-dessus de notre tête est effectivement recouvert de la poussière noire. Aucun rayon de soleil ne passe et aucun oiseau ne le traverse, déjà qu'il n'y en avait plus beaucoup depuis la Grande Collision !

Nous nous envolons sans dire un seul mot, après tout que pourrions-nous ajouter de plus ? Que nous allons vers une mort par asphyxie ? Nous montons haut. Plus je me rapproche de la couche poussiéreuse plus j'ai du mal à respirer. Mes poumons et ma gorge commencent à me brûler comme si de l'acide venait d'y entrer et je me mets à tousser.

Respirer devient vraiment difficile et j'ai l'impression que je vais tomber dans les vapes. Nous sommes maintenant dans la couche de poussière. Je ne vois rien, mes yeux me font souffrir et je sens que tout l'intérieur de mon corps a l'air d'être rongé par un produit corrosif, mais ce n'est qu'une sensation angoissante.

Je n'en peux plus. Je vais mourir, je ne peux pas continuer comme ça. Je ferme les yeux et je commence à tomber dans le vide.

Des bras puissants s'enroulent autour de moi et me retiennent :

- Adrian n'abandonne pas ! On y est presque !

Je suis collé contre un torse dur et ferme. Je frémis un peu avant de rouvrir les yeux. Aerandir me tient. Oh mon dieu ! Je suis dans ses bras !

Je veux répondre mais je ne parviens qu'à lâcher un minable couinement qui n'est vraiment pas glorieux. Je grogne avant de ressembler toutes les forces dont je suis capable et je me remets à battre des ailes, me décollant ainsi du corps chaud de l'Undrental.

Cependant, il garde sa main dans la mienne pour m'aider et me tirer vers le haut. Après ce qui me semble une éternité, nous émergeons enfin de l'autre côté de la couche sombre.

J'inspire une grande goulée d'air frais avant de me mettre à expectorer pour évacuer toute la poussière de mes poumons :

- Ça va Adrian ?

Je hoche la tête et reste un petit moment pour reprendre une respiration normale avant de regarder le jeune homme en face de moi :

- Tu... Comment ça se fait que... Tu n'as pas... Étouffé ? haleté-je.

- Je l'ai été, mais je sais mieux gérer ce genre de chose que toi c'est tout, allez viens.

Il me prend une nouvelle fois la main et je rougis un peu tout en volant derrière lui. Je peux sentir la chaleur de sa peau à travers sa Morpha et je n'ai qu'une envie, retourner dans ses bras.

Nous nous dirigeons vers une sorte de tourbillon plat et rond, suspendu dans les aires par huit boules noires striées de rayures bleues. Plus je m'approche et plus je remarque que le portail est en fait composé de filaments entremêlés entre eux si étroitement qu'ils semblent avoir fusionné. Sauf sur les bords où ils sont plus espacés les uns des autres.

Aerandir se tourne vers moi en souriant, cependant sa voix se fait sérieuse :

- Étant donné que tu n'as jamais emprunté de portail, tu risques d'avoir des vertiges et des nausées à l'arrivée ça ne durera pas. Ensuite, une fois que nous serons dans le passage, ne lâche ma main sous aucun prétexte, c'est clair ? Sinon tu risquerais de te perdre et d'atterrir n'importe où dans l'Univers.

Je déglutis et hoche sagement la tête en resserrant ma main autour de la sienne.

Il m'entraîne vers le portail et au moment même où je pénètre dans le tourbillon, un flash aveuglant surgit, suivi d'une multitude de couleurs qui tourbillonnent tellement vite et dans n'importe quel sens que je ne sais plus où est le haut et le bas. Je suis totalement perdu.

Je perds toute notion de temps. Cela a-t-il durée une seconde ou une vie ? Puis je suis comme propulsé hors de ce flot coloré et je me retrouve le nez dans la neige.

Je me relève tant bien que mal et je sens le monde tourner autour de moi. Une violente nausée m'oblige à me plier en deux même si rien ne sort de ma bouche :

- Ça va s'atténuer et disparaître, ne t'en fais pas, me rassure Aerandir.

Sa main me caresse doucement le dos pendant que l'autre bras me soutient pour éviter que je ne m'étale de nouveau par terre :

- Ce truc... Plus jamais je ne passerais par l'un de ces portails ! juré-je.

Un doux rire retentit et Aerandir me redresse doucement, m'aidant à rester sur mes pieds :

- Moi aussi j'ai dit cela la première fois, mais tu verras, après, tu vas t'y habituer et tu ne sentiras plus rien.

- Parce que je vais devoir en prendre d'autres ?!

Je le regarde, atterré et il rigole de plus belle en hochant la tête :

- Oui, comment veux-tu te rendre dans l'Oubli et ensuite rentrer chez toi ? Il va bien falloir franchir d'autres portails tu sais.

Puisque je n'ai pas le choix, mais je HAIS ce truc et je ferais en sorte de l'utiliser le moins possible :

- Bon d'accord. Où est-ce que l'on va maintenant ? demandé-je.

Je regarde autour de moi, de la glace, de la neige et du blizzard, c'est tout ce que je contemple. Étrangement la tempête ne m'affecte pas :

- Vers le Nord, dans le palais de l'ancienne capitale, l'Urendil devrait s'y trouver.

Il m'attrape de nouveau la main et je le laisse faire sans rien dire car j'aime cette sensation, ça me rassure et me réconforte.

Lorsque nous avançons pour nous éloigner du portail. Le blizzard se fait soudainement violent, il me gifle le visage et me hurle aux oreilles. Nous devons sans doute être protégés par une sorte de zone de sécurité quand nous étions à proximité du portail.

Aerandir ne lâche pas ma main, la tenant serrée dans la sienne et je le suis comme je peux en tentant de protéger mes yeux pour pouvoir me diriger. Je ne sais pas du tout où je vais, je me laisse donc guider par l'Undrental. Je n'ai pas froid, Morpha me permet de garder une chaleur corporelle idéale peu importe la température qu'il fait.

Nous progressons encore dans notre marche, le vent est trop fort pour que nous utilisions nos ailes. Partout où mes yeux se posent, le paysage est toujours le même, du blanc et de la neige partout. Je commence à perdre espoir quand le vent tombe brutalement, laissant place à un silence glaçant. C'est tellement soudain que mes oreilles en sifflent et que cette absence de bruit me met terriblement mal à l'aise. C'est inquiétant :

- Nous sommes arrivés. L'ancienne capitale du monde Glacé, lâche mon coéquipier.

Devant nous se dresse une cité à moitié détruite, recouverte par la neige et la glace. Celle-ci englobe tellement les bâtiments qu'ils donnent l'impression d'en être entièrement faits. Il n'y a pas un bruit, pas un murmure. J'ai l'impression que tout est fixé dans le temps. Une ville figée dans une apocalypse éternelle :

- Que s'est-il passé ici ? Pourquoi tout est saccagé ?

- Ne parle pas si fort. Tu vas réveiller les Colosses. Si tu veux vraiment savoir, ce monde a été anéanti par le ciel.

Je le regarde interloqué. Détruit par le ciel ? Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? J'avoue que je ne saisis pas très bien :

- Il y a bien longtemps une météorite s'est écrasée sur ce monde. Il est devenu fou. Tous ses volcans ont craché leur feu, la mer s'est déchaînée et les orages ont fait violence parmi les hommes. Le choc fut tellement rude qu'un jour le monde s'ouvrit en deux et que son cœur explosa, terminant de tout dévaster sous son flot de lave brûlante. Puis peu à peu, il s'est refroidi avant de s'éteindre et cette ère glacière a commencé. Personne n'a survécu.

- Et les Colosses de glace ? demandé-je.

- Apparemment, les habitants de ce monde pratiquaient la magie et c'est d'une fusion entre cette magie et la glace qui leur donna la vie. Mais ils n'ont pas pu s'en servir pour se sauver. C'est triste.

Je ne surenchéris pas à ses propos car on ne peut plus rien y faire et nous nous remettons en route en direction de ce qui est sans aucun doute le palais.

Nous y arrivons rapidement et entrons. Nous débouchons dans un grand hall à moitié ravagé.

La grande voûte est presque entièrement écroulée, la plupart des piliers qui la soutiennent sont en miettes et le sol est jonché de marbre.

La glace a pris depuis longtemps possession des lieux et les seules choses entières sont paradoxalement, un grand lustre en cristal au plafond et un immense trône au centre de la salle, fait d'or et de diamants, finement sculpté. Malgré la destruction évidente du lieu, il y a une profonde beauté qui en ressort. Apaisante.

- L'Urendil est ici ? interrogé-je.

Aerandir hoche la tête et me prend la main pour atteindre le trône en or. Au fur et à mesure que je m'approche, une forme transparente semble apparaître doucement. Finalement, une fois assez près nous nous retrouvons devant un bloc de glace dans lequel brille une large épée à double tranchant. Sa lame est aussi pure que le diamant qui orne le trône. Il y a des runes gravées sur le dessus. Le pommeau est d'un beau rouge profond strié du même bleu que les yeux des Waas, avec d'autres symboles la décorant. Sur l'extrémité du pommeau est enchâssée une drôle de pierre. Blanche et opaque, elle avait l'air recouverte de mille et une paillettes de toutes les couleurs. Elle scintille légèrement :

- Elle est magnifique. Qu'est-ce que c'est que cette pierre sur le bout ? demandé-je à Aerandir.

- Une Larme Divine. On raconte qu'elle provient de la Déesse Mère.

- La Déesse Mère ? Qui est-ce ?

- D'après la légende, elle aurait été la mère de Néanen et Nirvanen avant d'être tuée par le premier lors d'un conflit. Ces larmes sont très rares et possèdent assez de puissance pour tuer un dieu car elles renferment une partie du pouvoir de la Déesse. Nirvanen a dû s'en servir pour que son épée puisse atteindre son frère.

- Je vois, et que dois-je faire maintenant ? Comment puis-je la sortir de la glace ?

Il prend un temps avant de m'avouer qu'il n'en a pas la moindre idée. Super ! Je dois saisir cette épée, mais c'est impossible.

Je soupire et m'avance vers l'arme, posant ma main sur la bloque qui se révèle étrangement chaude :

- La glace est chaude ! m'exclamé-je.

- Quoi ?!

L'Undrental me regarde, éberlué et je sens soudain ma main qui s'enfonce dans la matière qui est censée être froide et non chaude.

Ma main avance petit à petit vers l'épée au centre du bloc de glace. Je me sens attiré vers elle. Soudain mes doigts rencontrent le métal de l'arme qui est aussi chaude que le reste et lorsque je les enroule autour du pommeau, une vague d'énergie et de puissance me parcourt de la tête aux pieds.

Je tire l'épée de sa prison gelée et l'observe, la tenant devant moi :

- Je me sens bizarre et puissant. C'est normal ?

- Oui ne t'en fais pas, c'est grâce à la Larme Divine et aux runes. L'Urendil te transmet son pouvoir.

Je suis sur le point de dire quelque chose quand la terre se met à trembler autour de nous et je manque de m'étaler de tout mon long sur le sol. Puis un grognement terrible fend l'air autour de nous et je me fige :

- Qu'est-ce que c'est que ça ?!

- Un Colosse des Glace ! Cours ! Ils n'aiment pas être réveillés ! me crie mon coéquipier.

Il attrape de nouveau ma main et se met à fuir à toutes jambes en me tirant derrière lui. Je le suis sans rien dire, je n'ai pas envie de me retrouver face à eux !

Nous sortons en trombe du palais avant de nous élancer dans la ville dévastée, nous dirigeant droit vers la tempête.

Je tourne un peu la tête pour évaluer où sont nos poursuivants et ce que je vois me glace le sang. Ce sont des géants ! Ils mesurent tous plus de cinq mètres de haut, leur peau est d'un bleu quasi transparent et ils sont vêtus de peaux de bêtes blanches. De gros morceaux de glace leur servent d'armure et ils brandissent d'énormes massues faites de la même matière.

Je déglutis, ils sont terrifiants avec leurs dents pointues et leurs regards de braise. Je sais qu'ils n'hésiteront pas à m'aplatir comme une crêpe s'ils me mettent la main dessus.

Nous n'arrêtons pas notre course, même lorsque nous entrons dans le blizzard. Je suis extrêmement content qu'Aerandir me tienne car je n'ai aucune idée d'où nous allons.

Le retour me semble encore plus épuisant que l'aller. Le vent nous fouette, hurlant dans nos oreilles. Bien que les bruits de pas derrière nous se soient arrêtés, je ne me sens pas en sécurité.

Finalement, nous arrivons en vue du portail et un sourire de joie commence à naître sur mon visage, on va y arriver, je commence enfin à y croire !

Mais hélas, j'ai pensé trop vite. Un grondement sonore se faire entendre et quelque chose nous frappe violemment dans le dos. Nous avons juste le temps de durcir Morpha pour éviter de finir en bouillie.

Nous sommes propulsés dans les airs avant de retomber lourdement sur le sol dur. Le souffle quitte mes poumons sous l'impact et je grogne de douleur en me redressant péniblement :

- A... Er... Andir ? couiné-je faiblement.

- Je vais bien. Ils nous ont rattrapés. Prends l'épée et fuyons.

Je me relève comme je le peux, des petits points noirs dansant devant mes yeux et le monde tourne un peu autour de moi. Je crois que je vais vomir.

Je ramasse néanmoins l'Urendil qui est tombée à côté de moi et je regarde aux alentours. Les Colosses de Glace se tiennent devant nous, furieux et prêts à nous tuer :

- Adrian ! Bouge !

L'Undrental me pousse sur le côté alors qu'une massue qui fait dix fois ma taille s'abat pile à l'endroit où j'étais. Je reprends mes esprits, serrant l'épée dans ma main :

- Désolé, merci.

Il hoche la tête et nous nous remettons sur pieds péniblement, évitant de justesse un autre coup avant de nous mettre à courir de toutes nos forces vers le portail.

Nous nous jetons dedans et quelques instants plus tard, je me retrouve allongé sur un sol poussiéreux et sablonneux. Il fait nuit et l'air est glacé. Mais ce n'est pas un froid physique, plutôt mental, comme quelque chose d'effrayant qui nous donne des frissons :

- Où sommes-nous ? murmuré-je.

- Dans le monde de l'Oubli. Le monde des morts.

Je regarde autour de moi. C'est un désert de sable noir, le même que celui qui recouvre lentement le ciel de la Terre.

Des ruines de pierres rongées par le temps dépassent parfois du sol ici et là. Des vestiges d'une ancienne civilisation.

Il n'y a pas de nuages, pas d'étoiles, juste un ciel noir et froid, avec une lune aussi rouge que le sang :

- Cet endroit est inquiétant, laché-je en frémissant.

Je sens une main saisir la mienne, et Aerandir me dit :

- Nous devons trouver la demeure de Néanen, le temps presse. Dans ton monde cela fait déjà plusieurs jours que nous sommes partis.

- Quoi ?! Mais comment est-ce possible ?!

- Le temps passe différemment dans les mondes, c'est ainsi.

Que puis-je ajouter à ses dires ? J'accepte ses explications. Mais combien de temps sommes-nous partis du point de vue de mes amis ? Deux jours ? Trois jours ? Quatre peut-être ? Tout ce que je sais c'est que j'ai la conviction de n'avoir commencé ce voyage que depuis quelques heures à peine.

Plus nous avançons, plus le paysage se remplit de ruines. Des bâtiments de formes et de matériaux inconnus. Mais tous sont détruits et parfois j'aperçois même des squelettes :

- Aerandir, qu'est-il arrivé ici ?

- Le monde de l'Oubli est à la fois un monde physique et spirituel. Physique car de vraies personnes ont vécu ici, pas seulement des morts. Et Spirituel car il servait de passage à l'âme des morts, m'explique-t-il.

- Comment ça ? Je n'arrive pas vraiment à saisir ce que tu veux dire, des êtres vivants auraient cohabité avec des morts ?

- Oui, il y a longtemps il y avait une civilisation ici, un peuple qui aidait les âmes à se réincarner. Ils les guidaient vers une nouvelle vie après l'ancienne. Puis un jour un virus a décimé toute la population de ce monde. Personne n'a survécu.

- Mais s'il n'y a eu aucun survivant alors les âmes...

- Se sont misent à errer sans aucun but et ce monde est devenu désertique. Puis Néanen est arrivé et a corrompu les âmes en les transformant en Ombres, leur retirant ainsi toute chance de pouvoir se réincarner un jour, condamnés à une faim éternelle.

- Mais c'est horrible ! Il faut les aider ! Il n'avait pas le droit de faire cela ! m'indigné-je.

- Je suis d'accord, mais c'est ce que nous faisons quand nous tuons une Ombre. La magie contenue dans Morpha, qui est la magie venant de Nirvanen, libère les esprits de l'emprise du Dieu du Mal. Et je pense que si nous arrivons à vaincre Néanen nous leur rendrons leur liberté à toutes.

Je hoche la tête. Je veux aider ces âmes. Personne ne devrait avoir à devenir une Ombre et devoir dévorer les autres par pure cruauté.

Nous cheminons un long moment pendant lequel nous ne rencontrons personne. Un silence pesant règne et je ressens cette désagréable sensation d'être observé, c'est perturbant :

- Je m'attendais à ce qu'il y ait des centaines d'Ombres, dis-je.

- Pas moi, il doit sans doute les avoir pratiquement toutes envoyées sur Terre pour essayer de s'emparer de votre planète.

Au moment même où il me dit cela, un groupe d'Ombres nous tombe dessus en criant, toutes griffes et crocs dehors :

- Merde ! Adrian viens !

Il me tire derrière lui pendant que nous nous mettons à courir pour échapper à nos attaquants.

Nous nous déplaçons au hasard, poursuivis par les cris des Ombres et nous nous cachons finalement dans une maison abandonnée qui tient encore à peu près debout.

Il me plaque contre le mur et me fait signe de me taire. Ses lèvres ne sont qu'à quelques centimètres des miennes et je déglutis discrètement.

Le groupe dépasse la maison dans laquelle nous nous sommes réfugiés et quand il est certain qu'elles sont assez loin, il me relâche avant de me regarder d'un air bizarre :

- Aerandir...

Je sens une vague de chaleur se propager dans tout mon corps et mes joues rougissent un peu plus :

- Adrian, Ashke, murmure-t-il.

Son visage se rapproche doucement du mien et je suis paralysé, je ne peux plus bouger. Mon souffle se fait plus rapide et les battements de mon cœur s'accélèrent dans ma poitrine.

Ses lèvres se posent finalement sur les miennes dans un baiser timide et tendre. Elles sont chaudes et douces et un petit gémissement s'échappe de ma gorge.

Je n'arrive pas à y croire, je suis en train de l'embrasser et mon dieu que j'aime ça ! Son baiser se fait un peu plus pressant pendant que sa langue s'incruste lentement entre mes lèvres pour venir débuter une danse sensuelle avec la mienne.

Ses mains descendent sur mes hanches pour me coller à lui et mes bras se glissent autour de son cou. Mon bassin se frotte contre le sien. Je sens son excitation tout comme il doit sentir la mienne.

Il ne lui en faut pas plus pour m'allonger sur le sol, retirant lentement sa Morpha pendant que je retire la mienne.

Nous nous découvrons, avec nos mains et nos lèvres. J'explore son corps nu et lui le mien avec une tendresse et une douceur incroyables.

Le plaisir monte lentement, délicieusement et je plonge volontiers dans les brumes de la luxure avec mon bel amant.

Puis je le sens en moi, j'ai un peu mal au début, mais la douleur passe bien vite. Il me fait l'amour. De façon tendre, affectueuse, c'est un délice.

Nos corps dansent ensemble, se connectent, ne forment plus qu'un. Deux êtres qui, pendant un court instant, fusionnent pour n'être plus qu'un seul.

Puis ce fut la jouissance, incroyable, parfaite et fantastique. Je l'embrasse avant de le regarder en souriant et il me rend mon sourire, me câlinant :

- Allez repose-toi un peu Ashke.

- « Ashke » ?

- Cela veut dire « chéri » dans notre langue. Mais si tu n'aimes pas je peux te trouver un autre surnom.

- Non, ça me va, je l'adore même.

Il m'embrasse tendrement avant que je ne sombre dans le sommeil, blotti au creux de sa chaleur et de ses bras.

Lorsque je me réveille, je suis un peu perdu. Il me faut quelques minutes pour me rappeler les évènements de la veille et le rouge me monte aux joues en me remémorant notre danse amoureux :

- Tu sais que tu es terriblement mignon quand tu rougis comme ça ? lâche une voix amusée.

Je me tourne dans ses bras et me retrouve face à face avec un Aerandir tout souriant qui me tient serré.

Ses lèvres se posent doucement sur les miennes et je me laisse aller au baiser en soupirant de bien-être. C'est la première fois depuis des mois que je me sens aussi bien.

Le couinement de protestation que je lâche quand il sépare sa bouche de la mienne le fait rire et il me caresse tendrement la joue :

- Ne t'en fais pas, nous aurons tout le temps de nous faire des câlins une fois que nous serons rentrés sur Terre.

Je le regarde, bouche bée. Ce qu'il vient de dire signifie qu'il voudrait plus ?

- Comment ça ? Tu souhaites approfondir une relation avec moi ? demandé-je.

- Évidemment ! Tu ne l'as pas encore compris ? Je compte bien entrer dans ta vie et ne plus jamais en sortir.

Je me recule assez précipitamment, me fichant bien qu'il me voit nu, après ce que nous avons fait hier ce n'est pas comme s'il ne m'avait jamais vu :

- Attends ! Je ne te connais même pas ! On a juste couchés ensemble, qu'est-ce qui te fait croire que moi je te veux dans ma vie ?

- Tu n'en as pas envie ?

Je me mords la lèvre. Évidemment que je le désire, je le veux plus que tout même. Dès que je l'ai vu, j'ai su que je ne pourrais plus jamais aimer personne d'autre que lui. Cette évidence s'est imposée dans mon esprit naturellement, sans que je puisse y faire quoi que ce soit :

- Si bien entendu que si j'en ai envie mais on se connaît à peine. Comment puis-je t'aimer autant ? Et toi comment peux-tu m'aimer alors qu'on vient de se rencontrer ?

Il soupire et se redresse en me regardant et je ne peux m'empêcher de laisser mes yeux glisser sur son magnifique corps nu :

- Adrian, nous autres Undrental ne pouvons pas chérir plusieurs personnes. Nous ne tombons amoureux que d'une seule et unique être. Nous l'aimons pour le reste de notre vie même si elle ne veut pas de nous, ce qui arrive rarement. Quand je t'ai vu, j'ai su que cette personne, cette « âme sœur » comme vous le diriez, c'était toi. J'ai eu le coup de foudre dès la première seconde où j'ai posé les yeux sur toi et je sais que c'est aussi le cas pour toi. Tu es tombé amoureux de moi, alors pourquoi avoir des doutes ?

- Je m'y attendais pas c'est tout. Tu veux vraiment te mettre en couple avec moi ? interrogé-je pour être sûr.

Il m'adresse un sourire rassurant et je sens tout de suite les hésitations qui s'envolent. Quelque chose en moi me pousse à avoir une confiance aveugle en lui et lorsqu'il m'attire contre lui pour m'embrasser, je me laisse totalement envahir par une vague de bien-être. Je comprends mieux maintenant pourquoi j'ai craqué aussi vite sur lui, c'était parce que nous sommes liés.

Il se recule après quelques instants et pose doucement sa main sur ma joue pour la caresser. Ce contact m'apaise :

- Bien sûr que je veux vraiment être en couple avec toi. Je t'aime, et je sais que c'est réciproque, alors je t'en prie, laisse-moi ma chance d'accord ?

- Bon, juste une alors, dis-je.

Je l'embrasse, puis je me lève et me recouvre de Morpha :

- Mais avant, on a un Dieu à tuer non ? Et on ferait bien de se bouger les fesses avant qu'il ne détruise nos mondes.

Il acquiesce tout en m'imitant et nous sortons de la maison en ruine dans laquelle nous nous avions trouvé refuge.

Comme toujours depuis que nous sommes arrivés dans ce monde, il fait nuit. Nous déambulons un long moment sans rencontrer la moindre Ombre, ce qui inquiète mon amant :

- C'est bizarre, nous atteignons bientôt le refuge de Néanen, mais aucune Ombre ne nous barre le passage, ce n'est pas normal.

- Peut-être qu'il a décidé de toutes les envoyer sur Terre ? C'est un Dieu, il n'a pas vraiment besoin de protection tu sais, lâché-je.

- C'est vrai, mais ça m'inquiète quand même, restons sur nos gardes.

Nous marchons encore pendant un long moment et finalement nous débouchons devant un immense temple fait d'une matière aussi noire que le néant, sans aucun ornement et avec une grande porte en haut d'un petit escalier :

- Le temple de la Mort. Il est fait en Cristal Noir, la matière la plus résistante qui soit, pas étonnant qu'il soit encore debout. On le trouvera sûrement à l'intérieur, je ne vois pas où il aurait pu aller, m'explique Aerandir.

Je commence à gravir les marches avec lui. L'épée dans ma main semble luire un peu plus fort à chaque pas qui nous rapproche de la porte. Je sens son énergie qui m'envahit une nouvelle fois.

Nous nous retrouvons devant les grandes portes en cristal noir et je déglutis, je sens une force colossale qui m'enveloppe, une puissance divine. La Larme Divine scintille légèrement et je suis tout à coup moins étouffé par cette oppressante force.

Nous poussons juste assez l'un des battants pour nous permettre d'entrer dans le temple.

L'édifice est assez sombre, il n'y a aucune lampe pour éclairer ni aucunes fenêtres. Je suis assez content que nos Morpha nous permettent de voir dans le noir le plus complet.

L'intérieur est assez vaste et ressemble beaucoup à une église qui serait entièrement faite en cristal noir.

Il y a un autel au fond de la salle, ainsi que quelques bancs. Les murs et les hautes colonnes qui soutiennent le plafond en dôme sont remplis de fresques représentant la Mort et des runes sont gravées dans la pierre.

Cet endroit est magnifique, mais il me met mal à l'aise, je n'ai jamais aimé tout ce qui était en rapport avec la Mort et autre. Je ne tue que par nécessité.

Un silence lourd et pesant règne ici, seulement brisé par le bruit de nos respirations et je serre un peu plus la garde d'Urendil tout en regardant mon compagnon :

- Tu crois qu'il est vraiment ici ? chuchoté-je.

- Oui petit humain, je suis bien ici.

Je me fige. Cette voix. Elle me glace de l'intérieur. Elle est aussi froide que la neige et aussi caverneuse qu'une grotte. J'entends à travers elle des milliers de cris d'agonie. De plus les mots se répercutent de manière sinistre dans le temple.

Je me tourne vers l'endroit d'où vient la voix, vers la porte d'entrée. Mon souffle se fige dans ma gorge pendant qu'une peur ancienne paralyse tous mes membres et me donne en même temps l'envie de fuir le plus loin possible.

Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais, je n'ai jamais rencontré de Dieu avant, mais celui-ci illustre bien la mort et la destruction malgré ses traits fins et beaux.

La peau de l'être qui se tient devant nous est d'un noir aussi profond que le néant. Ses yeux sont d'un blanc limpide mais effrayants et ils donnent l'impression d'être ceux d'un cadavre et non d'un vivant ! Tout au fond de ce regard brillent des flammes qui proviennent sûrement de l'Enfer. Ses cheveux sont longs et lisses. D'un rouge profond et sombre, ils ruissellent telle une cascade sur son dos et ses épaules à l'image d'une rivière de sang.

Même ses traits, pourtant fins et doux, me donnent la chair de poule par leur dureté et leur froideur. Je tourne la tête vers mon Undrental, il est dans le même état que moi. Lui aussi est submergé par la peur devant cet être. Il n'émane de lui que destruction et terreur.

Je respire un grand coup et fait tout mon possible pour reprendre le contrôle, je ne dois pas laisser ma peur me guider ! Je dois le tuer !

- Vous êtes Néanen ? couiné-je en tentant de retrouver un peu de contenance.

Un sourire glacial et sadique étire lentement ses lèvres :

- Oui petit humain, c'est moi. Je suis content que tu sois arrivé jusqu'ici avec l'épée de mon cher frère. Je pensais que tu ne survivrais pas aux Colosses de Glace. C'est dommage de devoir t'éliminer.

Je me crispe en l'entendant dire cela. Je sais que je vais devoir affronter la Mort, au sens propre comme au figuré. Mais la menace contenue dans sa voix me fait froid dans le dos :

- Dis-moi petit humain, tu ne voudrais pas passer le reste de ta vie avec moi ? Je n'ai pas envie de te faire mourir et je me sens seul. Tu serais parfait pour rester à mes côtés et je pourrais te donner tout ce que tu désires.

Je le regarde, atterré par ce qu'il vient de dire et je fronce les sourcils :

- Pourquoi voudrais-je rester avec toi ? Tu ne peux rien me donner que je ne veuille. L'amitié de Jethro et l'amour d'Aerandir me suffisent !

- Oh vraiment ? Et si je te disais que je pourrais te rendre ta famille ?

Je sens une douleur s'éveiller dans mon cœur. Parler d'eux me fait toujours un peu mal. Leur absence m'est cruelle et je sais que je donnerais n'importe quoi pour les revoir en vie :

- N'as-tu pas envie de les retrouver ? Ton père, ta mère, ton petit frère et ta grande sœur ? Ils te manquent atrocement, je le sais. Je peux te les rendre, tu pourrais de nouveau être avec eux. Il m'est possible de les ramener d'entre les morts et faire en sorte que vous puissiez à nouveau vivre tous ensemble. Tout ce que tu as à faire est de laisser tomber cette épée et de venir près de moi, susurre-t-il.

Je baisse la tête en me forçant à retenir ma tristesse et ma douleur. Je serre un peu plus la garde de l'Urendil avant de lever vers lui un regard déterminé :

- Non je ne le ferais pas ! Ils me manquent c'est vrai ! Et je ferais tout au monde pour pouvoir être de nouveau avec eux. Mais je sais qu'ils n'auraient jamais voulu que je vende mon âme et que je laisse mon monde se faire détruire pour répondre à votre chantage odieux ! Ce serait égoïste de ma part et je n'ai pas le droit de faire une telle chose ! Ils seraient déçus si j'acceptais ton marché ! C'est pourquoi je le refuse !

Il soupire et hausse les épaules, comme si finalement ma décision lui était totalement égale :

- Comme tu veux, dans ce cas je vais devoir te tuer toi et ton compagnon. Quel gâchis.

Il tend la main et une vague de ténèbres s'abat brutalement sur nous. Sans vraiment que je le contrôle, mon bras se lève et la Larme Divine brille de mille feux.

Un bouclier de lumière nous englobe et la vague de ténèbres se heurte contre lui sans nous faire de mal avant de retourner dans le corps de Néanen :

- Cette maudite épée fonctionne encore parfaitement malgré tout ce temps. Mon imbécile de frère ne cessera donc jamais de me pourrir la vie ?

Des ténèbres se détachent de nouveau de son corps pour former deux espèces de grosses créatures qui font penser à des Golems :

- Aerandir reste à l'abri ! Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose !

- Pas question ! Tu n'en viendras pas à bout tout seul et je compte bien t'aider ! contre-t-il.

Sachant qu'il est tenace et qu'il ne lâchera jamais le morceau, je soupire avant de me jeter sur l'une des créatures de ténèbres et entame une danse mortelle contre elle.

J'arrive assez facilement à déjouer ses attaques car elles sont lentes et cela me permet de jouer sur la vitesse pour l'avoir.

Une fois la créature disparue, je veux aller aider mon amant, mais je me retrouve projeté au sol.

J'essaie de me redresser mais un poids me plaque contre le cristal noir :

- Désolé petit humain, mais je vais te tuer et ensuite je me chargerais de ton bel amoureux. À moins qu'il ne veuille devenir mon compagnon.

Quand je l'entends prononcer ces mots, je vois rouge :

- JAMAIS !!!!!! Hurlé-je.

Je le repousse brutalement avec mon pied pour ensuite me relever. Il est déjà en garde, une épée noire identique à la mienne dans les mains.

Je sens une aura sombre et maléfique qui l'entoure et je frémis sans m'en rendre compte. Il doit d'ailleurs l'avoir remarquée car un sourire mauvais se dessine sur ses lèvres :

- Tu pensais vraiment que mon frère était le seul à pouvoir forger une épée divine ? Que tu es naïf ! Ttout ce qu'il peut faire, je le peux également.

Je tiens fermement la garde de mon arme, la Larme Divine brille un peu plus et je sens son pouvoir qui se déverse dans mon corps.

Je n'attends pas plus longtemps et me jette sur lui. Notre combat commence.

Malgré l'aide de l'épée, il est terriblement puissant. J'attaque encore et encore pendant qu'il pare mes coups avant de riposter.

J'arrive à esquiver et bloquer la plupart de ses assauts. Nous sommes à forces égales. Sauf que lui triche, utilisant ses pouvoirs pour créer des monstres afin de prendre l'avantage.

Il engendre deux autres golems d'Ombres et ceux-ci sont prêts à se jeter sur moi. Cependant Aerandir se dresse entre nous et me sourit avant de repartir se battre pour couvrir mes arrières.

Je me concentre de nouveau sur mon adversaire qui a l'air un peu déçu que mon compagnon soit là pour veiller sur moi :

- Tu n'es qu'un lâche ! Utiliser ta magie en traître ! l'accusé-je.

Il ricane et se remet en garde, tout comme je le fais :

- Qui a dit que ce combat devait être loyal ? Il n'y a aucune règle qui le mentionne à ce que je sache.

Je serre les dents et la lutte reprend de plus belle. Il tente sans arrêt de me faire tuer par des créatures qu'il invoque. Mais chaque fois Aerandir vient prendre le relais pour les éliminer et me laisser ainsi le champ libre.

Cependant le combat se fait de plus en plus violent et il arrive à me toucher à plusieurs reprises. Son épée semble percer la carapace de Morpha et je me retrouve avec quelques blessures sanglantes sur le corps. J'ai mal, mais je m'en fiche.

Après un énième coup il arrive à tracer une longue enfilade en travers de mon torse, me faisant haleter et tituber en arrière :

- Abandonne petit humain, tu ne peux pas vaincre la Mort.

- Cours toujours, je ne laisserais pas tomber mon monde ! grogné-je.

Il ferme les poings et me donne un violent coup de pieds sur ma blessure. Je pousse un cri de douleur pendant que je m'affale sur le marbre froid.

J'essaie de me relever mais il me plaque au sol, la pointe de son épée sur ma gorge :

- Tu as perdu, tu vas mourir.

Un rictus cruel déforme son visage et il lève son épée, prêt à me l'enfoncer dans la gorge et il la baisse violemment.

Je ferme les yeux, attendant la douleur pendant que toute ma vie défile devant mes yeux. Je pense à Jethro, qui tombera de tristesse en apprenant ma mort. À Aerandir qui sera sans doute effondré de chagrin et au monde que je n'aurais pas pu sauver.

Cependant rien ne se passe. Le poids qui me cloue au sol vient de disparaître et un liquide chaud tombe en gouttes sur mon visage et coule le long de ma main.

Je rouvre les yeux et je me fige. Ma main, celle qui tient mon arme, s'est levée sans que je ne le décide. Elle est entourée d'une légère lueur blanche et l'Urendil se trouve fiché dans la poitrine du Dieu du Mal qui me fixe avec des yeux ébahis.

Je retire l'arme sans vraiment contrôler mes mouvements et d'un coup précis je le décapite « Qu'on lui coupe la tête !!!!!! » dirait la Reine de Cœur d'Alice au Pays des Merveilles. C'est en voyant la caboche rouler plus loin et le corps s'effondrer à mes pieds que cette phrase s'impose dans mon esprit.

Je suis du regard le sang qui se répand sur le sol. Je ne me sens ni joyeux ni triste. Mais froid, un froid intense qui me glace de l'intérieur. Je n'ai jamais tué un être vivant, je n'ai jamais fait couler le sang d'une autre personne. Mais en voyant ce liquide vital qui dégouline par ma faute, je me dégoûte, je me sens écœuré par moi-même alors que je n'ai fait que mon devoir.

Mon propre sang coule sur ma poitrine à cause de ma blessure et sur d'autres parties de mon corps blessées, la douleur est lancinante.

Cependant je l'ignore et soudain je me rends compte du silence qui règne dans la salle. Ce n'est pas normal, Aerandir !!!

Je cherche mon amant du regard et le vois écroulé sur le sol :

- Aerandir !!! hurlé-je.

Je me précipite sur lui, une plaie béante lui barre le ventre. Il respire faiblement et halète un peu :

- Tiens bon !!! On va te soigner !

Je passe mes bras sous lui et le soulève en ignorant la souffrance due à mes blessures. Puis je sors mes ailes avant de prendre mon envol en direction du portail, aussi rapidement que je peux.

J'y arrive assez rapidement, je vais plus vite en volant et je le franchis sans aucune hésitation.

Comme d'habitude j'ai droit au tourbillon de couleurs qui me donne immédiation envie de vomir, mais je me retiens et me retrouve dans le ciel de la Terre.

La première chose que je remarque est que la couche de poussière noire qui recouvrait le ciel a disparu, ce qui veut dire que j'ai forcement réussi ma mission !

Je me dirige tout de suite vers la ville et ce que j'y vois ne me plaît pas du tout. Il n'y a plus aucune Ombre certes, mais la Cité Six a subi beaucoup de dégâts. Plusieurs maisons sont effondrées, il y a des cadavres dans les rues, sans doute ceux que les Ombres n'ont pas mangés. La plupart des champs sont détruits et certaines maisons brûlent encore.

J'atterris dans la cour du Quartier Général avant de m'effondrer sur le sol, totalement épuisé et à bout de forces.

***

J'ouvre péniblement les yeux. J'ai mal. Ma poitrine me lance et je pousse un petit gémissement de douleur :

- Tu te réveilles enfin ! Tu nous as fait une peur bleue tu sais !

Je tourne faiblement la tête vers la voix, ma vision est floue mais je saurais reconnaître Jethro même aveugle :

- Jet ? soufflé-je lamentablement.

J'essaie de me redresser et la souffrance devint plus forte, me faisant retomber sur le lit en geignant un peu :

- Oui mon vieux, c'est moi, et ne bouge pas, tu as besoin de reprendre des forces tu sais.

Je hoche la tête, n'essayant plus de me lever. Ma vision redevient peu à peu normale. Je suis dans une pièce blanche du sol au plafond, avec des appareils médicaux tout autour de moi.

D'un côté il y a une fenêtre donnant sur le ciel pâle et de l'autre, mon meilleur ami. Je lui souris faiblement, je suis tellement heureux de le revoir, j'ai bien cru que j'allais mourir après avoir ramené Ae, Mon dieu !!!

- Aerandir...

Voyant que je commence à paniquer, Jethro pose une main apaisante sur mon front, suivie d'un sourire rassurant :

- Calme-toi, il va bien, il s'en est sorti de justesse, tout comme toi, vous étiez en train de vous vider de votre sang dans la cour du QG. Heureusement on a pu vous soigner à temps et maintenant vous êtes tous les deux en vie.

- Je veux le voir ! exigé-je.

- Tu le verras ne t'en fais pas. Pour le moment tu dois prendre du repos d'accord ? Ton amoureux s'est réveillé avant toi et nous a tout raconté.

Je rougis un peu à l'appellation qu'il donne à l'Undrental et je soupire de soulagement, le cœur léger à présent que je sais qu'il va bien. J'ai eu tellement peur de le perdre !

Incapable de lutter plus longtemps contre la fatigue, je retourne dans les bras de Morphée.

Il m'a fallu deux semaines pour me remettre de mes blessures et retrouver toutes mes forces. Aerandir me rend quelque fois visite, quand il a assez d'énergie pour pouvoir sortir de son lit.

Pendant ces deux semaines, Jethro ainsi que les deux Généraux viennent me raconter les évènements de leur point de vue :

- Les attaques des Ombres se sont faites en masse et très violentes. Elles ont même fini par pénétrer dans la ville comme tu as pu le remarquer. Pour nous vous êtes partis une semaine. Puis, le jour où vous êtes revenus toutes les Ombres ont disparu d'un seul coup sans explication et la poussière noire dans le ciel s'est volatilisée. Ce n'est que quand Aerandir nous a tout raconté que nous avons compris pourquoi cela était possible et nous voulions te remercier. Sans toi, sans ton intervention, jamais nous n'aurions pu gagner cette guerre.

Je les écoute sans rien dire, je trouve cela triste que les Ombres n'aient pas pu revenir à la vie et retrouver une existence normale. Mais je me dis que maintenant l'âme de tous ces morts a enfin trouvé le repos et cela me réconforte.

Finalement on nous laisse sortir Aerandir et moi de l'hôpital et pour plus de tranquillité, les autorités nous installent dans une maison privée afin que nous puissions nous reposer sans être dérangés.

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