Chapitre 16

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La journée n'a pas été passionnante dans son ensemble. Je l'ai passée avec Tia. Elle est très gentille mais j'ai malheureusement tellement de choses en tête que je n'arrive pas à trouver un intérêt à ce qu'elle me dit. Mais d'un autre côté, ça me rappelle une certaine normalité, avec mon groupe d'amis du lycée.

Dans l'ensemble, si elle ne contrôlait pas un élément, faisant d'elle une personne quand même intimidante, elle serait juste une adolescente comme les autres.

Le moment plus intéressant de ma journée vient enfin quand Tia m'amène jusqu'au gymnase. Je lui ai répété que je connaissais le chemin mais elle n'a rien voulu entendre et m'a amenée jusque là.

- Aller, amuse-toi bien !

- Oui oui, merci Tia.

Je lui adresse un petit sourire et un geste de la main avant d'entrer dans le gymnase. Comme d'habitude, je me change. Mais les choses sont biens différentes depuis mon premier entraînement.

Ca fait maintenant deux semaines.

Et les dessins à l'encre noire sur ma peau se sont multipliés, agrandis et s'agitent de plus en plus. Il m'arrive parfois d'en voir un se balader sur mon cou, ou même, au réveil, sur ma joue.

Dire que tout ça ne m'inquiète pas serait mentir mais j'ai l'impression qu'ils font juste partie intégrante de moi désormais. Ils réagissent en fonctions de mes sentiments ou des difficultés que je rencontre.

Mais il y'a autre chose. Ces temps-ci.. je suis de plus en plus agacée, un rien arrive à m'énerver. Bref. Je suis à fleur de peau. Et ce depuis que ces espèces de tatouages sont apparus.

Je finis de lacer mes chaussures ce qui coupe court à mes idées et j'ouvre la porte.

Abigaelle m'attend et m'offre un grand sourire.

- Mon élève préférée !

Je laisse échapper un petit rire. C'est aussi mon professeur préféré. Ou peut-être la seule que j'apprécie.

- Comment vas-tu ?

- Oh, ça va, ça va.

Elle plisse les yeux et je me dépêche de me justifier :

- Je suis juste un peu fatiguée avec les cours et tout ça..

Elle m'offre un sourire compréhensif.

- J'imagine. Mais tu te reposeras après, on a du travail !

J'hoche de nouveau la tête.

J'ai toujours dans mon esprit ce que j'avais lu sur les Elhaz. Alors je sais que Abigaelle me fait travailler.. tout en sachant que ça me mènera sûrement à ma perte. Et je me pose des tas de questions : pourquoi m'avoir permis de lire ça ? Et surtout pourquoi personne ne me dis rien sur ma nature ? Je veux dire, d'accord, très bien, une "Elhaz", mais tout ce que j'ai appris sur ma condition, c'est dans les livres. Personne ne m'a rien dit de vive voix. Et je n'arrive pas à demander aux gens. Quelque chose m'angoisse, comme si la vérité n'allait certainement pas me plaire.

Abigaelle me regarde, un sourcil arqué.

- Aiden, tu m'écoutes au moins ?

- Ah, euh, oui, désolée..

Elle soupire mais m'adresse un sourire :

- Je disais, on recommence comme d'habitude, pour le moment.

- Mais.. Abigaelle, j'y arrive maintenant ! Je ne vais pas passer ma vie à réparer des crayons à papier quand même !

- Aiden, il faut que tu maîtrises parfaitement ça, sinon tu ne pourras jamais tenter autre chose. Aller, au travail.

Je soupire et vais m'installer. Comme la première fois. En face de moi, des objets. J'ai fait d'énormes progrès depuis le premier entraînement. Je répare le crayon à papier assez vite.

C'est toujours assez étrange, la sensation qui m'habite. Je place le crayon devant moi, je ferme les yeux, essayant de me détendre. Je sens alors le bout de mes doigts me picoter, j'ai alors un sentiment d'attraction vers l'objet, comme si ce dernier lévitait au dessus du sol. Un malaise s'empare de moi, aussitôt remplacé par un sentiment de plainitude. Quand j'ouvre les yeux, le crayon retombe au sol, en un seul morceau. Je ne peux m'empêcher de sourire, grisée par la sensation.

C'est devenu comme une addiction, ressentir cette puissance en moi. Paradoxalement, elle est réparatrice.. mais depuis que je l'utilise, mes rêves sont de pires en pires.

Le jeune homme que j'ai vu une fois dans mes rêves ne revient pas. Ou alors je le vois, au loin.. il n'arrive pas à s'approcher. Comme si la noirceur en moi l'empêchait de s'approcher.

- Aiden, tu es toujours là ?

Abigaelle pousse un petit soupir, les mains sur les hanches.

- Oui, désolée, tu sais que je me perds toujours un peu dans mes pensées quand j'utilise mon pouvoir..

Elle hoche doucement la tête avant de sourire :

- Aller, on enchaîne..

--

- Tu aurais vu Rose ! Elle était tellement heureuse ! En même temps, ça faisait longtemps qu'elle voulait ça et- Aiden, ça va ?

Je remuais ma fourchette dans mon assiette en soupirant régulièrement quand j'entends que Tia s'adresse à moi. Je me redresse.

- Ah, oui oui, désolée.

J'offre un sourire à la jeune fille aux cheveux roses devant moi. Nous ne sommes que trois, Tia, Raven et moi, les deux autres étant occupés à je ne sais quoi. Et de toute façon, je passe plus de temps avec Raven qu'avec celui qui est censé être mon protecteur. Je ne vois pratiquement pas Ash.

Tia sourit avec douceur. Comme d'habitude.

- Et toi Aiden, des frères et sœurs ? me demande-t-elle avec enthousiasme.

Un grondement venant de ma gauche la fait blanchir légèrement. Elle laisse échapper un petit rire nerveux en se mordant la lèvre :

- Enfin.. je.. je t'ai parlé de la fois où Rose a fait de la peinture et s'en était mis partout ?

Et Tia se met à parler comme elle peut le faire d'habitude : un vrai moulin à parole. Je fronce les sourcils et dirige donc mon regard vers ma gauche, où se tient un jeune homme aux cheveux rouges. Je l'interroge du regard, ne comprenant pas.

Mais il m'ignore. Complètement. D'où vient cette réaction ? Il semble même absorbé par le monologue de Tia alors qu'il n'y prête d'habitude pas une grande attention.

Je pousse un soupir, frustrée.

- J'ai fini, je vais me reposer.

Ils hochent la tête et Tia cache à peine son soulagement en me saluant d'un geste de la main. Raven ne montre rien mais je sens qu'il est tendu.

Qu'est-ce qu'il se passe ?

Je vais poser mon plateau et marche jusqu'à ma chambre. Quelque chose m'embête mais.. je ne saurais pas dire quoi. Quelque chose à changé quand Tia m'a parlé de.. famille.. de frères et sœurs..

Je soupire. Pourquoi tout ça m'inquiète-t-il ?

J'arrive devant la petite porte qui m'est devenue si familière depuis toutes ces semaines et entre dans ma chambre avant de m'affaler dans lit.

Alors que le sommeil commence à prendre possession petit à petit de mon corps, quelqu'un toque à ma porte.

- Oui ?

- C'est Ash.

Je me redresse immédiatement en entendant sa voix. Ash ? Qu'est-ce qu'il vient faire là ?

- Ou-Oui, entre !

Il ouvre la porte. Je ne sais pas pourquoi mais mon cœur se serre quand je le vois passer une main dans ses cheveux blancs ébouriffés et ses iris noires se poser sur moi. Il esquisse un sourire. Ah monsieur ne m'a pas vue depuis une semaine mais il se permet d'arriver en souriant.

Il s'assit à côté de moi sur mon lit.

- Comment ça ?

- Eh been.. ça va, ça va.. et toi ?

- Bien bien.

Aidez-moi. C'est quoi cette discussion ?

- Aiden..

Son regard s'assombrit et il ouvre la bouche pour parler mais se retient et sourit de nouveau.

- Comment se passent les cours ?

Je l'observe. Ok. Y'a un truc louche.

- Ash, arrête ça. Ça ne te ressemble absolument pas. T'es même plus effrayant comme ça.

Il soupire.

- Ok. Ne te plains plus en disant que je ne suis pas gentil avec toi hein.

- Nope. C'est bien moins perturbant.

Il esquisse un léger sourire. Et moi aussi. Je ne saurais pas dire pourquoi mais je me sens légère. Malgré tous ces rêves oppressants et ces tatouages qui restent quand même une source d'inquiétude.

Je note quand même dans un coin de ma tête que Ash à quelque à me dire.. dont il n'ose pas me faire part. Mais bien sûr, comme à chaque qu'une nouvelle question fait irruption dans mon esprit, personne n'est là pour y répondre. Ash recommence alors aussitôt à parler :

- Aiden.. j'en ai parlé avec le directeur.. enfin surtout Tia qui m'a tiré dans son bureau de force..

J'arque un sourcil, ne comprenant pas où il voulait en venir et l'encourage à parler :

- Ouii ?

- On a obtenu une autorisation pour que tu puisses voir ta petite sœur.

Je laisse échapper un petit rire en le regardant, incrédule.

- De quoi ?

- Ouais. On s'est dit que ça te ferait plaisir. Enfin surtout Tia hein.

- Aller voir ma sœur ?

- Oui.

Il paraît assez fier de son coup mais répète encore et encore que c'est bien Tia qui a insisté et pas lui. Qu'il a seulement été forcé et qu'il a bien dû se résoudre à m'aider.

Mais quelque chose d'autre me dérange. Un point principal même.

- Ash.. De quelle sœur tu parles ?

Ash fronce alors les sourcils et moi je ne comprend rien. Je ne me souviens pas d'avoir une sœur.

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