Chapitre 15

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Lorsque Ash toque à ma porte sans aucune douceur pour me signifier qu'il est l'heure de me lever, j'ouvre péniblement les yeux, encore à moitié endormie.

Et c'est là que la douleur arrive. Brutalement. Elle enserre mon crâne dans un étau, annihile toute pensée cohérente et m'empêche de respirer. Je suffoque, je crie sans aucune force.. enfin, je dois sûrement crier tellement la douleur ressentie est forte. J'ai mal, tellement.. tellement mal. Je prends ma tête entre mes mains. C'est horrible. Faite que ça cesse, je vous en prie, quelqu'un.. que quelqu'un m'aide..

Des points noirs commencent à valser autour de moi et le monde entier semble tourner, j'espère alors que mon estomac reste bien accroché. C'est à ce moment là que je m'aperçois que je ne suis plus dans ma chambre. Je suis dans une plaine, à genoux sur l'herbe verte. Pliée en deux, mes ongles enfoncés dans mon crâne, j'ai les dents serrées et le souffle court. Et la douleur ne fait qu'empirer, encore, encore et encore..

Et il y a ce sifflement, dans mes oreilles, si horrible, alors je crie encore, je pleure, tellement que j'en perds la voix, le souffle. Je peine à aspirer de l'air, le front posé contre l'herbe mouillée.

Et tout s'arrête. Je sens une main posée sur ma tête. Mes bras se détendent, mes ongles cessent de lacérer la peau fine de mon cuir chevelu et je finis par me redresser doucement, haletante, les visage baigné de larmes. La main rassurante glisse sur ma joue. Elle appartient à un jeune homme que je ne connais pas. Il a les cheveux blancs, des yeux dorés, brillants, pétillants. Il murmure des choses que je ne comprends pas, tant les mots semblent distordus, mais il me sourit doucement, cherchant à me rassurer.

Je veux rester ici.. rester avec lui.. il a fait partir la douleur.. et je ne veux pas qu'elle recommence..

Mais soudain un bruit violent résonne dans mon crâne et me force à porter mes mains à mes oreilles. Le jeune homme se recule avec un sourire désolé et j'ai beau tendre une main vers lui pour l'implorer de rester, il disparaît, ma main n'arrivant qu'à s'agiter frénétiquement dans le vide.

Et le bruit se fait de plus en plus intense, fort, angoissant et j'ouvre de nouveau les yeux.

Ma chambre.

Mon lit.

Mon bureau.

A travers la porte, j'entends Ash me crier de me dépêcher car il ne m'attendra pas indéfiniment pour le petit déjeuner.

Je me redresse alors lentement. Est-ce que tout ça était un rêve ?

Je porte une main à mon visage avec lenteur. J'ai pleuré. Et la douleur dans mon crâne me fait douter du côté imaginaire de ce qu'il vient de se passer.

J'ai déjà fait tellement de rêves étranges ici que je n'arrive plus à savoir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas.. sauf que cette fois, c'est plus violent, plus perturbant. Je n'ai jamais ressenti une douleur pareille, que ce soit dans mon sommeil ou même dans la réalité. Elle était si effrayante.. elle seule aurait suffi à me plonger dans la folie si ce cauchemar avait continué.

Et qui était cet inconnu ? Il.. il me ressemblait tellement. C'était un Elhaz aussi. Je l'ai senti. Avant même de le voir. Mais il paraissait si calme, si sûr.. et toute la peine s'est envolée lorsqu'il a posé sa main sur ma tête. Elle a laissé place à une infinie douceur. Il n'a pas eu besoin de parler car je le comprenais.. tout ce qu'il cherchait à me dire et toutes les paroles réconfortantes qu'il avait sûrement prononcées mais que je n'avais pu entendre.

Et pour une fois, je me mets à espérer que mes délires ont une part de vrai et que je n'ai pas inventé ce jeune homme seulement pour m'apaiser.

" Aiden, tu as trois secondes pour te bouger ou je défonce la porte et je viens te chercher moi-même ! "

La douce et agréable voix de Ash finit de me réveiller et coupe court à mes pensées. Merci cher gardien. Tu es toujours là quand j'en ai besoin.

Je soupire.

- Oui oui, ça va, j'arrive.

J'ai la voix éraillée.. étrange.. peut-être ai-je vraiment crié dans mon rêve.. mais pourquoi Ash ne l'a-t-il pas entendu ?

Je secoue la tête, j'ai peut-être seulement attrapé quelque chose.

J'enfile rapidement un jean ainsi qu'un pull gris tandis que monsieur bougonne derrière la porte. Je ne saurais pas vraiment dire pourquoi, mais j'ai terriblement froid. Je finis d'enfiler mes chaussures quand Ash re-toque énergiquement à la porte et ce sans s'arrêter.

- Oui, c'est bon, j'ai fini !

Je soupire une nouvelle fois. Comment peut-on être aussi agréable dès le réveil ?

J'ouvre la porte. Ash est juste devant. Il arrête de toquer et croise les bras, les sourcils froncés en me dévisageant de bas en haut.

- Tu as mis la chaussure gauche au pied droit et la droite au gauche, ton pull est à l'envers, tu n'as pas fermé le bouton de ton jean et tes cheveux sont décoiffés.

Il soupire longuement et j'inspire pour me calmer. J'aimerai bien l'insulter. Lui dire que si il avait vécu ce que je venais de vivre - d'accord, c'était sûrement un rêve mais.. mais bon -, il s'en ficherait pas mal d'être mal fringué. Mais devant son regard insistant, je remets mes chaussures dans le bon pied et reboutonne mon jean. Mon pull est effectivement à l'envers puisque l'étiquette se trouve devant. Je le remets correctement en faisant en sorte de ne pas laisser apparaître trop de peau - de toute façon la présence de Ash et son aura presque meurtrière tant il a faim font que personne ne regarde vraiment dans ma direction -. Je lui adresse un faux sourire et il hoche doucement la tête d'un air satisfait et là.. et là je ne sais pas. Il passe une main dans mes cheveux, sûrement pour les remettre en place et son regard ébène plonge dans le mien.

Vous avez déjà entendu parler de cette étrange sensation, où votre cœur se serre, votre souffle se coupe et toutes vos pensées semblent totalement incohérentes ? En un sens, ça se rapproche de la sensation ressentie dans mon rêve. Mais là, aucune douleur physique. J'ai l'impression de me noyer dans son regard, si sombre, si profond. Et ce n'est que lorsque quelqu'un passe à côté de nous en parlant bruyamment avec un ami que je réalise à quel point je suis proche de lui. Comme si le gouffre profond de son regard tourmenté m'avait attirée, aspirée.

Je me recule alors d'un grand pas, me cognant à moitié dans la porte juste derrière.

- Bon, aller, on y va, dis-je précipitamment.

Je ris avec une certaine nervosité et me mets en direction du réfectoire sans un mot de plus.

J'étais hypnotisée. Et lui ne quittait pas non plus mon regard. Pendant l'espace d'un instant, plus rien n'existait à part "nous"..

Je secoue vivement la tête. N'importe quoi. Je suis juste déboussolée à cause de ce stupide rêve, alors j'essaie de me raccrocher à quelque chose.. soit Ash. Il est ce qui me paraît de plus réel maintenant que je suis ici. J'ai de la chance qu'il soit aussi désagréable, au moins je suis sûre de ne pas être dans un beau monde imaginaire.

En arrivant devant la grande porte de notre cantine, je passe une main dans mes cheveux d'un geste mécanique. L'endroit où il m'a touché picote étrangement. Mais mon regard se stoppe sur quelque chose d'autre. Deux cercles noirs sont tracés, entourant mon poignet droit. Comme s'ils avaient été pris en flagrant délit, ils se délient et ondulent pour aller se cacher sous les manches de pull.

Ces tatouages.. cette encre noire.. un frisson me prend, me faisant serrer les dents. Quelque chose ne va pas.

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