Chapitre 4 : Fuite.

4 minutes de lecture

Je reconnais parfaitement cette voix.

Je déglutis et m'avance lentement. Ma mère se tourne alors vers moi avec un regard sévère. Elle m'arrache mes lunettes et baisse ma capuche.

- Alors ton père disait vrai..

Elle parait épuisée de moi alors que ça doit faire au moins 6 mois qu'elle n'a pas entendu mon prénom ni même pensé à moi. Et rien que pour ça, je sens une rage immense naître dans mon cœur. Je soutiens son regard mauvais et lâche entre mes dents :

- Je ne mens pas.

Elle laisse échapper un rire dénué de joie et secoue lentement la tête, murmurant un ' c'est pas possible ', faussement désespéré.

- Il est évident que tu mens.. On en a parlé avec ton père. On va t'emmener voir des médecins. C'est sûrement une maladie, cette manie de mentir.. Ou alors on ira voir un psychologue.. beaucoup d'ados mentent pour attirer l'attention sur eux.. tu veux seulement te sentir différente.. importante..

Elle parle comme si elle sait déjà tout, comme si aucune autre solution ne serait envisageable. Je jette un regard désespéré à mon père. Lui me croit.. forcément.. maintenant.. il a bien vu que je n'ai pas menti.. je lui ai dit.. il avait surement eu le temps de réfléchir.. il me connait, il sait ! Mais mon père me regarde avec cet air désolé que je hais. Evidemment. Il vaut mieux croire ma mère que moi.. il vaut mieux faire confiance à tout le monde, à part moi.
Ma génitrice me balance presque une lettre au visage. Mon cadeau d'anniversaire. Elle l'avait oublié. Ça fait deux mois déjà. Elle pense peut-être que c'est le meilleur moment pour me balancer son billet de 10 à la tête.

- Dis-nous la vérité maintenant.

Elle pense aussi sûrement m'acheter pour que je balance cette pseudo-vérité qu'ils recherchent. Tout ça est tellement absurde..

Une furieuse envie de pleurer me prend mais je refuse de laisser tomber la moindre larme devant ma mère. J'attrape alors mon sac qui est toujours sur le canapé d'un geste non réfléchi. Je garde la lettre avec moi. Tout ce que je sais, c'est qu'il y a de l'argent à l'intérieur..
Je mets mon sac sur mes deux épaules et me mets alors à courir aussi vite que je peux à l'extérieur. J'entends mon père crier mon prénom mais il ne vient pas me chercher. Sûrement que ma mère l'en a empêché. Elle doit être certaine que je vais revenir en pleurant dans même pas dix minutes. Je serre inconsciemment la lettre qu'elle m'a donné. Le temps que je réalise, je me suis déjà arrêtée, haletante, la lettre toute froissée entre mes mains, et je le déchiquette, au bord de la crise de nerfs. Je laisse tomber les morceaux autour de moi et passe nerveusement une main tremblante dans mes cheveux. Je n'en veux pas, de cet argent. Je ne veux rien qui puisse venir de cette personne. Rien.

J'en ai marre. Tellement marre. Marre. Marre. Marre. Marre d'être traitée comme ça.. marre de cette famille, de ces amis..
Je marche sans savoir où aller. Je me retrouve à l'arrêt de bus et je soupire, me laissant tomber sur les bancs, la tête entre les mains. Quand est-ce que j'allais rentrer ? Comme je ferais ? Comment me traiteraient-ils maintenant ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête et j'ai tellement mal au crâne.. tellement.. Je me redresse un peu en entendant un bruit familier. Un bus vient de s'arrêter devant moi. Je plisse les yeux, l'air hagard, les feux du bus m'aveuglant presque. Je me lève en chancelant, replaçant machinalement mes lunettes et remettant la capuche de mon sweat sur ma tête. Je m'avance ensuite. Le conducteur ne me dit rien. Pas un bonjour, ni un " ticket s'il vous plait ".. ou même.. rien. Il ne me regarde pas.

Je suis à peine rentrée qu'il referme la porte derrière moi et démarre, je chancelle et me rattrape à un siège sur lequel je m'assois, à côté de la fenêtre. Je suis donc dans ce bus.. inconnu, des lunettes noires sur les yeux, une capuche sur la tête, en pleine crise de nerfs, les larmes aux yeux. Vous savez quoi, cette vie bien tranquille et ennuyeuse, elle me manque. Et pourtant, je ne l'ai pas quittée depuis longtemps.

Je ne veux plus qu'on me traite de menteuse, qu'on me regarde comme si j'étais un être infâme.

Je veux redevenir Aiden, la jeune fille banale au prénom un peu particulier, que tout le monde laisse tranquille parce que personne n'en a rien à faire d'elle. Qui reste le midi à parler à ses amis tout aussi normaux, qui garde ses fichus cheveux bruns et ses yeux marrons.

Je ne veux pas être ce.. ce monstre aux cheveux blancs et aux yeux dorés ou je ne sais pas quoi. D'ailleurs rien ne me dit que je suis vraiment comme ça. Peut-être que je suis totalement folle.. ou que quelqu'un me fait une blague.. une très mauvaise blague. Je réprime un sanglot. Je suis peut-être juste en train de dormir et quand je me réveillerais demain, tout sera normal. Je me pince le bras aussi fort que possible mais le décors ne change pas.

Et pourquoi suis-je dans ce fichu bus ? Je compte aller où au juste ? Je suis juste montée naturellement dedans. D'ailleurs je n'ai payé aucun billet rien.. et puis merde.. je m'en fiche.. Je pose ma tête contre le siège en déglutissant, essuyant une larme qui coule sur ma joue avec la manche de mon sweat. Ma gorge est serrée et j'ai l'impression que je peux exploser en sanglots à n'importe quel moment.

Je ferme alors les yeux. Un sommeil sans rêve s'impose à moi.
Au moins, je suis en paix.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Aiddenn ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0