Chapitre 3 : Discussion

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Sans m'en apercevoir, je me suis endormie. Encore sans manger. On est déjà le matin.. comment ça, déjà le matin ? Mon père m'a t-il laissé dormir ? Le lycée ne l'a t-il pas appelé ? Je me redresse lentement sur mon lit mais ma tête tourne beaucoup trop et je me recouche dans la seconde. D'où vient cette fichue migraine ?

J'entends mon père m'appeler en bas pour que je vienne prendre le petit-déjeuner et j'ai alors l'impression que tout est rentré en ordre.. Seulement, quelques minutes plus tard, il entre dans ma chambre en me regardant, l'air agacé.

- Lève toi. Tu ne vas pas sécher les cours aujourd'hui, c'est moi qui te le dis.

- Papa.. pas aujourd'hui.. J'ai mal au crâne..

J'ai gardé les yeux fermés, par réflexe. Je ne veux pas envenimer la situation. Je ne veux pas voir encore son regard déçu, croisant mes iris jaunes. Et je m'imagine déjà lui expliquer que non, je ne porte pas de lentilles, que je ne me suis pas non plus teins les cheveux, que c'est juste arrivé comme ça. Il me répondra que je me fous de lui et qu'il en a marre de moi. Je lui rétorquerais que je ne mens pas et lui, bien sûr, ne me croira pas. Puisque je n'y crois pas non plus moi-même. Et que si mon enfant me disait ça un jour, je lui rirais sûrement au nez en lui disant que je ne suis pas assez stupide pour croire qu'il n'y est pour rien dans toutes ces modifications.

Je l'entends soupirer un long moment, et pendant un instant, je crois qu'il va céder mais non.. il me balance un ' lève toi ' glacial et je suis bien obligée d'obéir. Je m'habille, lentement. Je mets de nouveau un sweat, gris, puis me regarde un instant dans la glace. Ces yeux me perturbent.. un frisson parcourt mon dos. Je ressemble à une sorte.. de monstre de la mythologie. Tout ça avec seulement la couleur de mes cheveux et celle de mes yeux ayant changé.. Tout ça à cause de ça..

Je baisse les yeux quand ces derniers s'attardent sur un petit objet présent sur mon bureau. Parfait ! J'attrape donc mes lunettes de soleil et les pose sur mon nez. Là. Je suis presque normale.. si on omet le fait que je suis absolument louche.

Je descends les marches rapidement et sort sans un seul mot ni une seule miette de pain avalée. Je marche encore une fois sans me presser vers mon bus, rêvassant sur le chemin. Une fois arrivée, j'entre et m'assois tout au devant, remettant mes écouteurs dans mes oreilles. Je vois mon reflet dans la vitre du bus.. Finalement, je suis plus que louche. Cette idée m'arrache un sourire qui ressemble plus à une grimace qu'autre chose. Le même train-train habituel recommence. Sauf que cette fois-ci, Sophia ne m'adresse pas la parole.

On descend du bus et on se rend en cours. Encore une journée. Encore des cours. Puis je rentrerais chez moi, je dormirais, et une autre journée arriverait.. encore.. et encore.. ou peut-être que je me sortirais de ce rêve et qu'à mon lever, mon père serait encore gentil avec moi et mes cheveux et mes yeux n'auraient pas changé de couleur..

Contrairement à ce à quoi je m'attendais, ma journée se passe plutôt bien, jusqu'au soir. Le soir, je rentre chez moi, et je vois alors mon père.. il m'attend, l'air grave, les bras croisés.
D'accord.
La fameuse discussion est arrivée.
Il me tire une chaise, s'asseyant lui-même sur une d'elles, en face de moi. Je déteste cette manière théâtrale qu'il a d'engager les choses après une dispute..

Je m'installe tout de même et il fronce les sourcils en me regardant.

- Retire cette capuche et ces lunettes, c'est ridicule.

- Papa.. Il ne vaut mieux pas..

Mais son regard me parait encore plus horrible et je daigne baisser lentement ma capuche. Puis je retire mes lunettes. Je garde les yeux fermés un instant mais il soupire, l'agacement étant clairement présent dans sa voix.

- Qu'est-ce que tu fais Aiden ? Tu m'épuises !

J'ouvre alors les yeux et croise son regard.. Ce regard, empli d'incompréhension, d'étonnement. Il parait mettre du temps à comprendre puis me regarde comme si je n'étais.. qu'un petit être stupide. Vous savez, cette adolescente qui se rebelle pendant sa crise d'ado' mais qui ne fait qu'enchaîner les bourdes humiliantes au lieu de s'affranchir gentiment des règles imposées par ses parents comme tous les autres. C'est exactement ça.

- C'est ridicule tout ça.. Retire ça ! c'est quoi d'ailleurs ? Des lentilles ? Aiden.. !

Le ton de sa voix est si brusque que j'ai tressauté. Il semble alors se calmer un peu et prend un air plus calme, me regardant avec l'air de dire ' je ne te gronderais pas si tu arrêtes de mentir '.

- Aiden.. Je comprends tout à fait la situation dans laquelle tu te trouves mais arrête ça. Te teindre les cheveux, faire je ne sais pas quoi à tes yeux.. Tu ne ressembles plus du tout à ma petite fille Aiden ! J'ai l'impression que même ton caractère à changé ! Aiden.. reprend toi..

- Papa.. Je sais.. je sais que ça peut paraître totalement absurde.. mais je n'ai rien fait.. Je me suis réveillée comme ça.. papa si tu savais, moi aussi je ne comprends pas.. Je ne comprends rien.. je sais que c'est illogique mais.. Papa, il faut que tu me cr-..

Il me coupe la parole, d'une voix d'où perce la colère, et surtout cette impuissance, face à cette enfant difficile qu'il pense clairement en pleine période de rébellion.

- Aiden. Ça suffit maintenant. C'est ridicule. C'est.. C'est de la mythomanie ça, tu le sais ? C'est une maladie. Allons Aiden.. la vérité.. rien que la vérité.. Dis-moi simplement que tu as voulu faire comme tout le monde.. Alors tu a teins tes cheveux et tu as acheté je ne sais comment ces lentilles.. Ce n'est pas grand chose.. je ne t'en voudrais même pas. Mais Aiden, ne me mens pas aussi naturellement !

Je le regarde. C'est trop. J'attrape mes lunettes et cours hors de la maison. Je sais bien que je ne peux clairement pas le blâmer, mais un mot de plus de sa part et je me mets à pleurer. C'est insupportable, cette incompréhension, ce doute, cette panique, que je ressens à l'intérieur.. Peut-être que je suis malade.. que je suis folle.. mais je sais bien que ce n'est pas ça.. Je ne le suis pas.. Il se passe juste quelque chose de très étrange que je n'arrive pas à comprendre.. Mais quelque part, j'ai le sentiment que tout cela va très vite devenir clair..
Même si pour l'instant, ce n'est pas franchement apparent.

Je reste un long moment au parc dans lequel je vais tout le temps pour me calmer et décide finalement de rentrer, mon père doit sûrement s'inquiéter.. sûrement.. J'ouvre la porte sans prendre la peine de toquer.

J'ai mon sac sur mon épaule, la capuche de mon sweat gris sur la tête et mes lunettes de soleil bien en place quand j'entre dans la maison.

Je me stoppe immédiatement à l'entrée. Mon père n'est pas seul. Il parle avec une femme. Une discussion animée, nerveuse.. Mon cœur se serre alors..

Je reconnais parfaitement cette voix..

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