CHAPITRE 8

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Le chemin jusqu'à ma suite s'était écoulé dans un silence lourd, chaque pas résonnant comme un écho de mes pensées tumultueuses. J'avais avancé en tête, laissant Rafe suivre mes pas, priant silencieusement pour que mon esprit ne me trahisse pas à nouveau.

-Je sais ce que j’ai entendu, je sais qu’il y avait quelque chose dans cette allée.-

Un frisson glacé escalada ma colonne vertébrale à cette pensée, faisant battre mon cœur plus fort dans ma poitrine.

— Tu comptes l’ouvrir un jour cette porte ?

La voix de Rafe, soudainement derrière moi, me fit sursauter. J'avais totalement perdu le fil du temps, absorbée dans mes réflexions. Me sentant un peu idiote, je sortis rapidement les clés de ma poche, leur tintement résonnant dans le silence devenu pesant. J'ouvris la porte et l'invitai à entrer, avant de déposer la boîte sur la table en verre.

Sans prêter attention à Rafe, je me dirigeai vers ma chambre, mais une odeur nauséabonde de soufre me frappa de plein fouet dès que j'ouvris la porte. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Quelqu'un était entré dans ma chambre, cela ne faisait aucun doute. Mes vêtements étaient éparpillés sur le sol, mon lit était défait. Un bruit sourd retentit soudainement de la salle de bain, faisant écho dans la pièce. Je priais silencieusement pour que ce ne soit que les canalisations, mais l'instinct de survie prit le dessus. Je fis la seule chose qui me sembla raisonnable sur le moment.

— RAFE ! Criais-je, la voix anormalement aiguë.

-Je m’améliore, c’est indéniable.-

J'entendis ses pas se précipiter immédiatement. Un grognement sauvage résonna derrière la porte. Sans réfléchir, j'avais saisi la première chose à portée de main : un cintre. Je doutais de son efficacité, mais c'était mieux que rien. Rafe fit irruption dans ma chambre, les yeux grands ouverts, scrutant la pièce du regard. Il comprit la situation. Le grognement se fit de nouveau entendre. Mes jambes tremblaient, le sol semblait se dérober sous mes pieds. J'étais pétrifiée. Un gémissement involontaire s'échappa de ma gorge alors que Rafe saisissait la poignée de la porte, attendant mon signal pour l'ouvrir. Je hochai rapidement la tête. La porte grinça en s'ouvrant, plongeant la salle de bain dans l'obscurité. Rafe s'empressa d'allumer la lumière, laissant échapper un soupir de soulagement. Ses épaules se détendirent, un sourire se dessina sur ses lèvres.

— Il n'y a rien, ce devaient être simplement les canalisations, me dit-il d'une voix douce, tentant de me rassurer.

Je soupirai à mon tour, mais je n'étais pas convaincue. Les bruits que j'avais entendus étaient bien trop étranges pour être attribués aux canalisations.

— Quelqu'un est tout de même entré chez moi. Mes affaires étaient rangées, répondis-je d'un ton préoccupé.

— Oui. Y a-t-il quelque chose qui te manque, petit oiseau ? demanda-t-il doucement, son regard empreint de sollicitude.

Non, il ne semblait pas qu'un quelconque objet ait été pris. Je secouai la tête, cherchant à dissiper l'angoisse qui m'envahissait. Pourtant, cette assurance apparente ne parvenait pas à calmer les battements précipités de mon cœur. La simple pensée que quelqu'un ait pu pénétrer chez moi suffisait à me plonger dans un état de malaise croissant. Une vague de nausée s'ajouta aux tremblements de mon corps, me forçant à courir vers les toilettes. Là, je vidai avec force le contenu de mon estomac, dans un mélange de douleur et de dégoût. Rafe se précipita pour tenir mes cheveux, son expression empreinte de sollicitude, alors qu'il supportait en silence le bruit nauséabond de mes vomissements.

La pièce s'était enveloppée à nouveau dans un silence pesant tandis que je me rinçais la bouche avec ardeur, essayant de chasser cette sensation de honte qui m'envahissait. Je me sentais vulnérable, exposée dans cette intimité troublée. Puis, me redressant avec résolution, je me dirigeai vers ma valise, négligemment jetée sur le sol de ma chambre. Je délogeai le double-fond avec précipitation, sous le regard scrutateur de Rafe qui semblait peser sur moi comme un poids insupportable. Une fois mes crochets récupérés, je m'élançai promptement vers le salon, la boîte toujours en ma possession, avec Rafe sur mes talons, tel un ombre persistante.

— Je vais avoir besoin de quelques instants, murmurai-je doucement à Rafe. Tu peux t’asseoir dans l'un des fauteuils si tu préfères.

Je ne voulais pas paraître ingrate après son assistance précédente.

Sans dire un mot, il se dirigea vers un fauteuil et s'y installa. Mes joues s'empourprèrent légèrement et mes mains tremblaient imperceptiblement. Il me fallut deux essais pour venir à bout du cadenas, ponctuant mes tentatives de quelques jurons dans ma langue maternelle.

— Fyera nar ? Qu’est-ce que cela signifie-t-il ? Me demanda Rafe. Les yeux écarquillés, je cherchais une réponse adéquate.

Ce langage, perdu depuis des siècles, résonnait étrangement dans ma bouche. Les mots s’échappaient avec une fluidité surprenante, chargés d'une signification oubliée. Je n’étais pas censé le connaître, et pourtant, dans l'urgence de l'instant, il jaillissait de moi comme un instinct primal.

— C’est un mot qui se rapproche de « Putain ».

Un bref instant de compréhension passa dans ses yeux, puis il retomba dans son silence habituel. Pourtant, il semblait y avoir quelque chose de plus dans son regard, comme une lueur d'approbation ou de respect.

Malgré le trouble que cela provoquait en moi, je continuais à crocheter le cadenas, mes mains tremblant légèrement sous la tension. Les mots de ma langue natale s’échappaient involontairement de mes lèvres, parsemés d'insultes et de jurons. Chaque clic du mécanisme renforçait ma détermination, mais aussi mon embarras face à cette étrange familiarité avec un langage oublié depuis longtemps.

Un dernier clic retentit, signe de ma réussite, et Rafe se précipita vers moi avec un sourire triomphant. Son expression joyeuse contrastait avec la tension qui avait enveloppé la pièce quelques instants plus tôt, créant une atmosphère de soulagement mêlé d'une étrange complicité.

— Je savais que j’avais bien fait de miser sur toi, petit oiseau.

Je ne répondis pas et levai les yeux au ciel, exaspéré par son surnom persistant. J’ouvris la boîte, un grincement sinistre accompagna le couvercle en bois. Un nuage de poussière s’éleva, m'aveuglant instantanément et me faisant tousser violemment. Mes yeux me piquaient, et j'entendais Rafe également en proie à la toux. Dans un réflexe, je me précipitai vers l'une des baies vitrées pour aérer la pièce, laissant entrer un vent glacé qui fit frissonner ma peau et mes os. Malgré le froid qui m'envahissait, respirer l'air frais était un soulagement après l'étouffement de la poussière.

Rafe me rejoignit rapidement, toussant toujours et émettant des gémissements à chaque inspiration. Nous prîmes quelques minutes pour retrouver notre souffle, nos esprits encore embrouillés par l'incident, avant de reprendre notre exploration de la boîte.

— Ce nuage de poussière n’avait rien de normal, commentai-je finalement.

— Je suis bien d’accord, petit oiseau. Si tu n’avais pas ouvert cette fenêtre, je crains que nous ne serions plus là pour en parler.

Je hochais la tête, partagée entre l'excitation de la découverte et une légère appréhension quant à ce que nous allions trouver. Avec précaution, je m'approchais de la table, craignant un nouvel assaut de poussière qui ne vint pas cette fois-ci. Assise, je contemplais l'objet mystérieux posé devant moi. Rafe se tenait debout derrière moi, son souffle se mêlant au mien dans cette atmosphère tendue. Un hoquet surpris s'échappa de ma gorge, suivi du sien. Devant nous reposait une dague d'une beauté inquiétante. Son manche était orné d’un corbeau sculpté avec minutie, contrastant avec la noirceur profonde du fer qui la constituait.

En la prenant entre mes mains, une étrange sensation m'envahit, comme si une force mystérieuse s'en dégageait. Je la manipulais lentement, la faisant tournoyer entre mes doigts, admirant sa finesse et son équilibre parfait. Chaque détail semblait soigneusement travaillé, conférant à l'objet une aura à la fois séduisante et menaçante.

Finalement, je décidai de la tendre à Rafe, mais sa réaction me surprit. Il recula brusquement, comme si la dague dégageait une énergie qui le repoussait.

— Je n’allais pas te tuer, tu sais, je te la donnais juste pour que tu l’examine de plus près, dis-je, un peu choquée.

-Une dague lui fait peur, étrange.-

Son visage se renfrogna davantage, ses sourcils se fronçant dans une expression de méfiance profonde. Ses mains vinrent se loger dans les poches de son pantalon, témoignant de sa nervosité grandissante. Je ne pouvais pas le croire : il pensait vraiment que j’allais le poignarder avec cette dague.

Déterminée à dissiper ses craintes, je saisis la dague par la lame et lui tendis le manche avec assurance. Pourtant, son regard hésitant me vexa légèrement. Malgré tout, il accepta finalement l'objet, mais avec une réticence évidente. Un silence pesant s'installa, seulement brisé par le bruit sourd de la dague tombant au sol. Rafe jura, son geste brusque reflétant une tension palpable dans la pièce.

— Ça va ? Demandais-je, un sourcil haussé.

Il hocha vigoureusement de la tête, mais demeura immobile, refusant de se pencher pour ramasser la dague. Irritée, je soufflai d’exaspération et me baissai pour la récupérer. Le simple mouvement me fit craquer les os, et je surpris Rafe en train de grincer des dents, une indication subtile de la tension palpable qui régnait entre nous.

-Donc, une dague pointée vers lui, il recule. Un os qui craque, il grince des dents. J’ai hâte de savoir ce qu’il en sera quand une dague transpercera un os.-

Je croisai son regard alors que je me redressais, et je fus captivée par une lueur nouvelle qui brillait dans ses yeux. Cette émotion énigmatique me laissait perplexe, incapable de la déchiffrer. Mes joues s'embrasèrent subitement, et je sentis le besoin d'humidifier mes lèvres desséchées. Nous restâmes là, figés, à nous observer pendant un long moment, mes sens en émoi. Bien qu'il soit à quelques pas de moi, je percevais distinctement son parfum, doux et épicé. Une chaleur enivrante s'empara de moi, et je me laissai emporter par les sensations qui m'envahissaient.

-Qu’est-ce que je fous ? Reprends-toi.-

Je détournai vivement le regard, sentant les rougeurs s'installer sur mes joues, gênée de m’être laissée emporter par ce moment d’égarement. Le silence pesant qui s'ensuivit semblait remplir l'espace autour de nous, comme si notre proximité avait créé une bulle de tension palpable. Les battements de mon cœur résonnaient dans mes oreilles, martelant un rythme irrégulier qui traduisait ma confusion intérieure.

— Tu devrais y aller, dis-je doucement, cherchant à rompre ce silence pesant qui nous enveloppait.

Il acquiesça d'un léger mouvement de tête, mais resta immobile, ses yeux fixés sur moi avec une intensité déconcertante. J'étais pétrifiée, incapable de bouger, comme envoûtée par son regard pénétrant. Mes pensées tournoyaient dans ma tête, m'empêchant de trouver les mots adéquats pour dissiper cette étrange atmosphère.

La chaleur semblait monter d'un cran, enveloppant mon corps d'une sensation étouffante. Mes mains devinrent moites, mes muscles se raidirent, et chaque inspiration se transforma en un effort laborieux. Rafe fit un pas en avant, rompant soudainement le lien hypnotique qui nous liait. Instinctivement, je reculai d'un pas, brisant la bulle dans laquelle nous nous étions retrouvés, mais laissant derrière moi une traînée de confusion et d'émotions indéchiffrables.

Il s'arrêta, semblant hésiter un instant, puis fit demi-tour et s'éloigna sans prononcer un mot. Je m’affaissai sur le canapé, le souffle court, tentant désespérément de retrouver mon calme et de chasser les pensées tourbillonnantes qui envahissaient mon esprit.

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