CHAPITRE 3

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Alors que je déambulais depuis déjà une demi-heure, mes pas résonnaient sur le trottoir désert, accompagnés par l'odeur enivrante de la pluie qui s'élevait de la chaussée. Mon esprit s'apaisait progressivement, accueillant la quiétude après l'agitation de la journée. À mesure que je m'approchais de ma destination, le numéro au-dessus de l'entrée du bâtiment se dessinait de plus en plus clairement, confirmant que j'étais enfin arrivée. Un soupir de soulagement s'échappa de mes lèvres alors que mes yeux parcouraient l'imposante façade de l'hôtel « Passe-temps ». Bien que luxueux, il ne pouvait rivaliser avec les établissements que j'avais connus dans ma ville natale, Emrald, la capitale où j'avais grandi.

L'hôtel, avec son architecture imposante, semblait dominer la rue animée de sa prestance. Les murs de pierre brune, ciselés avec finesse, conféraient à l'édifice une aura de grandeur et de sophistication. L'entrée principale, une imposante porte en bois de chêne aux nuances acajou, étincelait sous les rayons du soleil, encadrée de délicates dorures qui soulignaient son élégance. Je m'arrêtai un instant pour contempler la majesté de l'avenue, si différente de l'allée sombre où j'avais erré plus tôt. Les bâtiments en pierre s'élevaient fièrement, ornés de balcons ouvragés et de détails architecturaux raffinés, tandis que les devantures des magasins dégageaient une ambiance chaleureuse et accueillante. Une brise légère enveloppait l'atmosphère, portant avec elle le parfum enivrant des fleurs environnantes, ajoutant une touche de poésie à cette scène urbaine envoûtante.

En pénétrant dans le bâtiment, je fus immédiatement captivée par la splendeur du hall. À ma gauche, un bar accueillant invitait à la détente, où deux convives étaient plongés dans une conversation animée, ajoutant une touche de vivacité à l'atmosphère feutrée. Une jeune femme blonde, dans la vingtaine, semblait charmer un homme du même âge, créant un tableau de séduction enjoué. Je traînai mes valises sur la moquette marron qui revêtait le sol avec peine, mon regard s'attardant sur les murs revêtus d'un papier peint ocre, conférant à la pièce une aura chaleureuse et accueillante.

Deux fauteuils en velours rouge étaient disposés près d'une table basse en bois, offrant un espace propice à la détente et à la conversation. Un jeune homme, aux cheveux bruns et aux lunettes, était absorbé par un livre, confortablement installé dans l'un des fauteuils, ses yeux cachés derrière les verres.

Au fond du hall, près de la réception, un majestueux escalier en bois sombre s'élevait avec élégance, offrant une invitation à explorer les étages supérieurs de l'hôtel. La lueur douce des lustres suspendus au plafond révélait des motifs complexes, ajoutant une touche d'élégance à cet espace déjà impressionnant.

Pendant que je scrutais l'ambiance du hall, j'avais atteint le comptoir, où une petite sonnette trônait fièrement. En la faisant tinter, je me rendis compte qu'elle émettait un vacarme assourdissant. Le son strident se répercuta sur les murs, créant un écho qui emplit brièvement l'espace. En me retournant pour vérifier si j'avais attiré l'attention, mes yeux croisèrent ceux d'un homme, dissimulé dans l'ombre des escaliers. Son regard intense semblait me percer, et mes joues s'embrasèrent instantanément.

Plusieurs secondes s'écoulèrent, ou du moins c'est ce que je pensais, le temps semblait s'étirer à l'infini, perdu dans le regard de cet inconnu captivant. Peu à peu, les traits fins de son visage se dessinaient dans l'obscurité. Il arborait un nez droit et une barbe naissante, avec des fossettes marquant ses joues. Sa mâchoire carrée encadrait des cheveux d'un noir de jais. Mais ce qui frappait le plus, c'étaient ses yeux, d'un ambré éclatant teinté de vert, pétillants de malice. Sa beauté était à couper le souffle, et je me sentais comme ensorcelée par son regard envoûtant.

Alors que ma respiration devenait irrégulière, notre échange visuel intense semblait suspendu dans le temps, et je n'aurais souhaité pour rien au monde que cela prenne fin.

— Madame ? 

La voix de la femme derrière le comptoir m'arracha brusquement à ma contemplation. D'âge moyen, elle se tenait derrière le buffet en bois, attendant patiemment. Il me fallut quelques instants pour me ressaisir, chassant de mon esprit le souvenir du bel inconnu. Un dernier coup d'œil à l'endroit où il se tenait, mais il avait disparu. Une pointe de déception me saisit avant que je ne reprenne définitivement mes esprits. Il ne restait derrière lui qu'un goût âpre, presque amer.

— Jeune fille ? redemanda la dame.

— Pardon, j'étais perdue dans mes pensées. J'ai une chambre réservée. Au nom de Red, ai-je répondu.

La dame pianota sur l'ordinateur un moment avant de relever brusquement la tête vers moi. Son regard scrutateur me mit mal à l'aise, comme si elle pouvait lire en moi comme dans un livre ouvert. Je devinais qu'avec ma mine fatiguée et mes vêtements froissés à cause de ma fuite du café, je ne devais pas avoir l'air très présentable.

La dame, après avoir levé un sourcil dans une moue réprobatrice, me fixa d'un regard suspicieux qui aurait pu me vexer.

— Vous êtes sûr que c'est vous ? demanda-t-elle d'un ton incrédule.

— Oui, c'est bien moi. Puis-je avoir les clés ? insistai-je, essayant de conserver mon calme malgré son attitude.

L'employée de l'hôtel acquiesça d'un léger hochement de tête et me tendit un trousseau de clés serties de rubis, provoquant une légère incrédulité qui me saisit. Mes parents semblaient avoir mis les petits plats dans les grands. Pourtant, je m'étais promis de rester discrète, mais il semblait que mes plans étaient déjà compromis. Je saisis rapidement le trousseau et la femme m'indiqua le troisième étage, suite rubis. Un autre employé fit son entrée à ce moment-là, emportant mes valises. Soulagée de ce fardeau, je décidai de profiter de l'occasion pour explorer un peu les lieux.

Les escaliers craquaient sous mes pas, et l'atmosphère devenait de plus en plus glaciale à mesure que je montais. Au premier étage, plusieurs rangées de dizaines de chambres, réparties dans plusieurs couloirs, s'alignaient. Je m'abandonnai quelques instants à cet étage, qui me rappelait l'époque où mes parents n'étaient pas dans ma vie. Les portes en bois usées et le carrelage rouge, marqué par le temps, évoquaient les lieux que je fréquentais plus jeune pour trouver un abri lors des nuits les plus froides. Ayant vécu dans la rue, je restais fière de mon histoire. Ainsi, quand je remarquais des éléments me rappelant cette période, je m'arrêtais un moment pour contempler les vestiges de ce qui m'avait endurcie.

Je repris finalement mon chemin vers le troisième étage, poursuivant lentement mon avancée. Au deuxième, je ne m'attardai que quelques secondes, observant simplement des couloirs avec des appartements modestes mais charmants.

Une fois arrivée au dernier étage, je fus frappée par le nombre restreint de chambres qui s'offraient à moi. Le couloir ne comptait que cinq entrées, chacune ornée d'une gemme incrustée dans le mur, accompagnée d'un corbeau sculpté. Deux portes se trouvaient sur le côté gauche, deux autres en face, tandis que la dernière, surmontée d'un rubis, était isolée au fond. Mon regard scrutait chaque détail, cherchant des indices, mais rien ne semblait se dévoiler. Je me surprenais à imaginer les histoires qui se cachaient derrière ces portes fermées, les visages des autres participants au Jeu de Raven, leurs motivations secrètes.

Mes pensées dérivèrent vers mon passé, une période marquée par l'isolement et le secret. Mes parents, riches héritiers de la reine de Grimgar, avaient tout fait pour me protéger. Personne ne devait connaître mon existence, et ceux qui en apprenaient trop étaient rapidement oubliés grâce à l'influence financière de mon père. Cette vie d'isolement m'avait forgée, me transformant en une experte de la discrétion, une ombre parmi les riches et les puissants. Mais ici, dans ce jeu, je me sentais exposée, vulnérable, loin de mes repères habituels.

Je secouai la tête pour chasser ces pensées, focalisant mon attention sur le présent. Ces portes étaient autant d'opportunités, mais aussi de dangers potentiels. Je devais rester vigilante, préparer ma stratégie, et surtout, ne pas me laisser submerger par mes souvenirs et mes doutes.

Je me suis finalement extirpée de ma torpeur, avançant d'un pas lourd en direction de ma chambre, mes valises gisant devant moi. Je n'ai même pas aperçu l'employé, parti à peine une minute avant que je ne commence à monter. C'était étrange, je n'avais pas remarqué d'ascenseur ni d'autres escaliers. Fatiguée, je n'ai pas cherché à m'en préoccuper davantage. Tout ce que je voulais, c'était prendre une douche et me débarrasser des tensions accumulées au cours de cette longue journée qui m'avait conduite jusqu'à cet hôtel, et qui m'avait plongée officiellement dans un jeu dont j'ignorais encore tout, il y a seulement une semaine.

Alors que je m'apprêtais à introduire les clés dans la serrure de ma chambre, un léger grincement de porte me fit sursauter. Je pivotai vivement, surprise, et me retrouvai face à l'homme qui m'avait dévisagé intensément quelques instants auparavant. Il sortait de la chambre ornée d'une gemme en lapis-lazuli au-dessus de la porte, son sourire narquois ne faisant que renforcer le mystère qui l'entourait.

– Putain ce qu'il est beau, cela promettait d'être intéressant.-

Avant que je ne puisse le scruter plus sérieusement, il se renfrogna et détourna les talons, ses pas résonnant dans le silence du couloir. Je le suivais du regard, captivée par la silhouette qui s'éloignait, tandis que mon esprit tourbillonnait d'une multitude de questions sans réponse. Son tee-shirt moulant laissait entrevoir une musculature impressionnante, ajoutant à son aura mystérieuse.

– Je dois prendre une douche froide.-

Je détournai le regard dès qu'il eut disparu de mon champ de vision, ne voulant pas prolonger mon séjour dans le couloir au risque de croiser un autre de mes voisins. Je me promis alors de réfléchir à un plan d'action pour continuer à passer inaperçue, mais cela attendrait un peu plus tard.

À l'intérieur de la suite, une atmosphère de grandeur m'accueillit. Devant moi se dressait un somptueux canapé en velours noir, accompagné d'une imposante table basse en bois massif. Mon regard balaya la pièce, capturant chaque détail : les reflets chatoyants de la télévision à écran plat, les jeux de lumière dansant sur les surfaces brillantes. Pourtant, mon attention fut vite captivée par l'immense baie vitrée qui s'ouvrait sur le port, offrant une vue époustouflante sur les eaux scintillantes de la mer. J'eus un instant de contemplation silencieuse, absorbant la majesté de ce paysage marin qui semblait me murmurer des promesses de sérénité.

– C'est incroyable. Le séjour ne va pas être si cauchemardesque finalement, une vue splendide, un beau mec. Tout pour être à l'aise.-

La vue depuis la baie vitrée était tout simplement époustouflante. Les rayons dorés du soleil couchant peignaient la ville d'une palette de couleurs chaudes et chatoyantes, créant un tableau à la fois apaisant et captivant. Pourtant, malgré cette beauté saisissante, mon esprit était en proie à un tumulte d'émotions. Les souvenirs de ma vie passée dansaient dans les recoins de ma mémoire, me rappelant les liens que j'avais laissés derrière moi. Chaque image, chaque émotion ravivait en moi un mélange complexe de nostalgie et d'incertitude. Je me sentais comme suspendue entre deux mondes, l'ancien et le nouveau, avec une profondeur de sentiment qui me prenait à la gorge. Inspirant profondément, je laissai un soupir s'échapper de mes lèvres, comme si j'espérais chasser mes pensées tourmentées par la simple force de ma respiration. Puis, déterminée à ne pas me laisser submerger par mes doutes, je saisis mes valises et me dirigeai vers l'une des portes, prête à affronter ce que l'avenir me réservait.

– Bon, trois portes, il faut que j'en choisisse une. Am-stram-gram, pic et pic et colegram... Ce sera toi !-

Je me réjouis d'avoir fait le bon choix en optant pour cette pièce, qui se révèle être une chambre. L'agencement est harmonieux : un lit majestueux trône au centre de la pièce, drapé de soie chatoyante. En face, une penderie discrète s'intègre parfaitement dans le mur, offrant un espace de rangement pratique. Après avoir pris le temps de tout ranger soigneusement, je me suis mise en quête de la salle de bain. Mes attentes sont comblées en découvrant une luxueuse baignoire, prête à m'accueillir pour un moment de détente bien mérité.

– J'adore les bains, je vais vraiment vivre la vie de palace ici. D'ailleurs, j'ai bien besoin de me détendre.

Alors que les derniers rayons du soleil s'évanouissaient à l'horizon, je me rendais compte que la nuit était sur le point de tomber. Une légère fraîcheur commençait à se faire sentir dans l'air, tandis que les teintes chaudes du ciel se muaient lentement en nuances de pourpre et d'indigo. Sachant qu'il était temps de passer à autre chose, je me préparais mentalement à partir pour me restaurer.

– Eh oui, lire dans le bain, quel bonheur. Putain ! j'aurais aimé n'être là que pour des vacances, que j'aurais bien méritée d'ailleurs.-

J'ai repéré ce qui semblait être une sorte de cantine en bas, et l'idée m'est apparue comme une opportunité en or pour observer discrètement mes voisins. Après tout, les repas sont souvent des moments privilégiés pour glaner des informations. Déterminée à ne pas me laisser distancer par les autres participants, j'ai rapidement enfilé mon manteau en cuir, chaussé mes bottes, et je me suis dirigée vers la sortie. Mon esprit était électrisé par l'excitation, sans même réaliser que ma présence à ce dîner pourrait également fournir des indices aux autres.

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