CHAPITRE 2

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Les portes du train s'ouvrirent enfin, révélant un spectacle tumultueux sur les quais de la gare. Une foule compacte s'entassait, se déplaçant dans toutes les directions, et j'étais rapidement emportée par ce flot humain agité. Les valises dans chaque main, je tentais en vain de naviguer à travers la marée de corps pressés. Les chocs et les bousculades étaient mon lot quotidien alors que je luttai pour me frayer un chemin jusqu'à la sortie de la gare.

Finalement, épuisée par cette lutte incessante, je dus me résoudre à abandonner et à me réfugier sur un banc à quelques pas de l'agitation. Je laissai mes valises reposer à mes pieds, soulagée de leur poids, et m'assis pour reprendre mon souffle. Dans l'attente d'un afflux moins intense de passants, je scrutai les alentours avec curiosité, réalisant que cette ville serait désormais ma nouvelle demeure, pour une période indéterminée.

La gare était une véritable merveille architecturale, semblable à une immense serre abritant une diversité de plantes sauvages. Sous l'éclat du soleil, elle scintillait tel un joyau, ses piliers dorés soutenant les voûtes de verre qui laissaient pénétrer la lumière céleste. Fascinée par cette structure imposante, je m'étais laissée emporter par la contemplation du monde qui m'entourait, perdant un instant la notion du temps et de l'espace.

Lorsque je réalisai enfin que la foule s'était dissipée, je fus soulagée de constater que je pouvais désormais sortir sans risquer d'être piétinée. Optant pour les ruelles moins fréquentées, je préférai emprunter des chemins alternatifs pour explorer la ville et profiter de ses paysages sans être constamment bousculée par la masse humaine. Depuis mon enfance, la proximité avec les autres m'avait toujours mise mal à l'aise, m'occasionnant des sueurs froides. La solitude était mon refuge, un choix que je n'avais jamais regretté et que je comptais bien préserver dans ce nouvel environnement.

Après avoir parcouru quelques ruelles, je me suis retrouvée dans une impasse, réalisant soudain que j'étais perdue. Une sensation d'égarement m'a envahie, m'emplissant d'une inquiétude grandissante. Les bâtiments sombres semblaient se refermer sur moi, ajoutant à mon sentiment d'isolement. Le ciel s'assombrissait rapidement, annonçant l'arrivée imminente de la pluie. Les nuages gris se rassemblaient au-dessus de ma tête, menaçants, et une brise fraîche commençait à souffler, annonçant le déluge à venir.

Rapidement, je me suis mise en quête d'un abri, cherchant un café ou un endroit similaire où je pourrais me protéger de la tempête imminente. Mes pas hâtifs résonnaient sur les pavés mouillés alors que je pressais le pas, l'anticipation de la pluie battant en cadence avec les battements de mon cœur. La tension montait à mesure que je cherchais désespérément une échappatoire à cette situation précaire.

J'avais eu de la chance de repérer un petit café en un temps record. Un élégant écriteau couleur taupe émergeait du mur d'une rue adjacente. Prudemment, je m'étais approchée de l'enseigne sans pour autant franchir le seuil, vérifiant qu'il s'agissait bel et bien d'un café. J'avais appris de mes erreurs passées : trop souvent, les boutiques dissimulées dans de sombres allées n'étaient pas ce qu'elles semblaient être à première vue. Je me rappelais encore de cette fois où, il y a quelques années, je m'étais retrouvée par mégarde dans un sex-shop, une expérience que je préférais ne pas revivre.

Je ne voulais pas me fier uniquement à ma chance, surtout après plusieurs déconvenues. J'avais donc décidé de vérifier deux fois plutôt qu'une. Quelle agréable surprise de découvrir une vitrine attrayante, remplie de délicieux petits gâteaux ! Ce café semblait presque trop beau pour être vrai. Cependant, alors que je scrutais l'allée sombre avec méfiance, je crus apercevoir un homme qui semblait me fixer depuis l'ombre. Prise de panique, je m'étais précipitée à l'intérieur de la boutique comme une furie, où la personne qui tenait l'établissement m'avait immédiatement demandé si j'allais bien. Mon souffle erratique, j'avais mis quelques secondes à la rassurer. Quand elle m'avait reposé la question, visiblement perplexe devant ma réponse précédente, je m'étais sentie déconcertée, incertaine de ce que je devais dire. J'avais alors haussé les épaules et reporté mon attention sur le menu attrayant qui ornait le comptoir. Tout semblait délicieux. Je me félicitais d'avoir trouvé cet endroit.

— Je vais vous prendre un cappuccino noisette avec une tarte au citron meringué, annonçai-je.

L'hôtesse hocha la tête en guise de compréhension et me demanda un total de quatre unzal cinquante, il me restait dix unzal en liquide, c’était parfait.

Une fois ma commande préparée, je m'installai à une modeste table dans le fond de la boutique, en quête de calme. Tout en dégustant ma boisson, j'inspectai les lieux. L'intérieur avait l'aspect d'une petite taverne rustique. Contrairement à l'extérieur moderne du café, l'intérieur présentait un décor totalement différent. Un sanglier ornait le mur derrière le comptoir, tandis que les parois en briques rouges gardaient l'endroit au frais. La jeune femme qui avait pris ma commande et servi portait un napperon noir et un élégant corset blanc. Ses cheveux bruns étaient noués en deux tresses. Je me plongeai dans l'exploration des lieux quand le petit bruit cristallin annonçant l'arrivée d'une personne résonna, attirant mon attention vers l'homme qui venait d'entrer.

Enveloppé dans sa capuche, je ne pouvais que spéculer sur l'apparence de l'homme. Pourtant, sa stature imposante, dépassant sans doute le mètre quatre-vingt-dix, suffisait à me mettre mal à l'aise, comme si une étrange aura de menace émanait de sa présence. Il se penchait au-dessus du comptoir, murmurant quelques mots à la vendeuse avec une assurance déconcertante. Une question tourbillonnait dans mon esprit : qu'est-ce qu'un individu de cette envergure faisait dans un petit café caché dans une allée sombre ?

Un frisson parcourut ma colonne vertébrale alors que mon esprit s'emballait, imaginant le pire scénario possible. Je me surpris même à envisager qu'il puisse être l'homme qui m'avait observée dans l'ombre de la ruelle. Je me repris rapidement, me reprochant cette paranoïa naissante. Si c'était bien lui, pourquoi aurait-il attendu aussi longtemps pour entrer dans la boutique ?

Déterminée à ne pas me laisser dévorer par mes craintes, je baissai précipitamment la tête, me plongeant dans un livre que j'avais sorti de mon sac, cherchant désespérément une distraction pour éviter d'être surprise à l'épier.

Le contraste entre le calme de la lecture et l'agitation autour de moi était saisissant. Tandis que je m'efforçais de savourer les derniers instants de tranquillité avant le début du jeu, l'homme à la stature imposante passait commande, inconscient de l'angoisse qui me nouait les entrailles. Je sentais le temps filer entre mes doigts, chaque minute qui s'écoulait me rapprochant un peu plus du moment où je devrais me plonger dans l'inconnu, abandonnant temporairement le réconfort de mes lectures.

La pensée de devoir mettre de côté ce passe-temps qui m'était si cher me serrait le coeur. La lecture était pour moi bien plus qu'un simple divertissement ; c'était une échappatoire, une manière de voyager à travers les pages, de vivre sans quitter le confort de mon fauteuil. Le simple fait de penser que je serais privée de cette source de réconfort pour une durée indéterminée me remplissait d'une anxiété étouffante.

Mon roman actuel, « Nous rêvions juste de liberté » d'Henri Loevenbruck, résonnait particulièrement avec mes propres aspirations. L'histoire de ce groupe d'amis passionnés de moto me captivait, me transportant dans un univers où la liberté et l'aventure étaient les maîtres-mots. Dans ces pages je trouvais un écho à mes propres désirs de liberté et de découverte, une refuge temporaire contre les tourments de la réalité.

J'entendis un bruissement aux côtés de moi, la soudaine interruption de mon moment de lecture m'avait arraché à mon univers imaginaire et ramenée brutalement à la réalité. Un frisson d'irritation parcourut mon échine alors que je refermais précipitamment mon livre, mon esprit encore imprégnés des tourments des personnages. La trahison que je venais de lire résonnait en moi, m'emplissant d'une tension palpable.

Le bruit qui retentit à côté de moi me fit sursauter et je levais les yeux avec une certaine férocité, ma frustration à peine dissimulée. Mon regard se heurta à celui de l'homme qui se tenait devant moi, droit et imposant. Sa présence intimidante me fit battre le cœur un peu plus vite et je me maudis d'avoir oublié sa présence. Son regard perçant semblait pénétrer au plus profond de moi et une sensation de malaise me saisit.

Je sentais sa présence comme une ombre menaçante, un poids oppressant qui planait sur moi. Chaque fibre de mon être criait de se méfier de lui, de prendre mes distances, mais je me sentais comme hypnotisée par son regard. Une anxiété sourde s'empara de moi alors que je luttai pour contenir mes émotions, me demandant quelles étaient ses intentions et pourquoi il était venu vers moi de cette manière.

— Madame Yllara ?

Je hochai la tête, un frisson d'inquiétude me parcourant à l'idée qu'une inconnu puisse me reconnaître. C'était un fait rare, car j'avais été tenue à l'écart du monde extérieur depuis l'âge de sept ans. La simple pensée que quelqu'un puisse me retrouver, percer mon anonymat soigneusement préservé, me fit ressentir une terreur grandissante. Ma gorge se serra d'appréhension, mes yeux balayant fébrilement la pièce à la recherche d'une échappatoire, aussi mince soit-elle.

— J'ai un colis à vous remettre, dit-il calmement.

Contre toute attente, sa voix était douce, ce qui contrastait étrangement avec la noirceur de son iris. Son regard sombre transperçait le mien, m'emplissant d'une tension palpable. L'atmosphère semblait s'alourdir à chaque instant en sa présence. Je priais silencieusement pour qu'il parte rapidement, me laissant enfin en paix. Mes yeux restaient fixés sur lui, attendant qu'il se décide à dire autre chose, pour que je n'aie pas à intervenir. Sans attendre de réponse de ma part, il déposa le paquet sur la table avant de tourner les talons et de quitter la boutique sans un mot de plus.

Je mis un certain temps à retrouver mes esprits, mon cerveau refusant d'assimiler ce qui venait de se produire. Mes yeux cherchaient désespérément le regard de l'hôtesse, espérant une confirmation tangible de la réalité de la scène qui venait de se dérouler. Mais elle avait disparu. Seule dans la boutique je me sentais vulnérable, mon instinct me criant de fuir cet endroit aussi rapidement que possible.

Refusant de m'attarder plus longtemps sur cet homme énigmatique, je saisis le mystérieux paquet et l'examinai de près. Il était étrangement léger. Avec une impatience croissante, j'ouvris le boîte pour découvrir son contenu. A l'intérieur une lettre soigneusement pliée reposait sur un carnet en cuir noir. Mon regard fut immédiatement attiré par le sceau distinctif sur la lettre : un corbeau, le symbole du jeu. En y regardant de plus près, je découvris que le carnet portait le nom « Raven » inscrit sur sa couverture, évoquant un mystère supplémentaire. Je me dépêchai d'ouvrir la lettre, je déchirai le papier et le sceau sans aucune forme d'élégance. J'étais trop pressée pour me permettre une quelconque forme de douceur. Je menaçais d'exploser à tout instant, balayant toutes mes années de travail acharné pour me rendre impassible.

« Bien le bonsoir, Mademoiselle Yllara,

J'espère que votre voyage jusqu'à Phocore s'est déroulé sans encombre,

Permettez moi de me présenter, je suis Raven. Comme chaque participant, vous avez entre vos mains une copie de mon carnet. Cependant, il n'est pas complet. Les pages manquantes, celles de mes mémoires, sont dispersées dans cette ville. Votre défi sera de les retrouver. Mais attention vous ne serez pas seule dans cette quête. Il y aura d'autres chercheurs, rendant la tâche bien plus difficile. Car, comme vous le découvrirez, mon histoire n'est pas faite pour être facilement révélée.

Maintenant que vous connaissez votre objectif, il est temps de vous communiquer les règles de cette compétition :

  • La compétition débutera à la prochaine pleine lune
  • Vous ne devez en aucun cas révéler à quiconque en dehors du jeu que vous en faites partie
  • Si vous trouvez un joueur en possession d'une page manquante, vous devrez la récupérer. Vous êtes autorisée à employer tous les moyens nécessaires pour y parvenir.
  • Dans cette compétition, l'argent ne vous sera d'aucune utilisé. N'espérez pas l'utiliser pour obtenir des informations ou un avantage.
  • Souvenez-vous de cette règle d'or, Mademoiselle Illara : dans ce jeu, tout n'est que mensonges et tromperies. Rien n'est ce qu'il semble être.
  • A la pleine lune, vous pourrez commencer à chercher « La Dryade ». Inutile de tenter de la trouver avant cette date, car elle vous sera alors inaccessible. Si toutefois vous souhaitez la rechercher plus tôt, soyez extrêmement prudente, car les ombres qui gardent son entrée sont redoutable.

Bonne chance, RAVEN »

Au fur et à mesure que j'avais lu la lettre, une tension croissante s'était emparée de moi, comme si chaque mot était un fil tendu dans l'obscurité, prêt à se rompre à tout moment. Mes doigts serraient le papier avec fébrilité, tandis que mes pensées se bousculaient dans ma tête. Cette règle d'or, aussi obscure qu'énigmatique, résonnait en moi comme un avertissement voilé de mystère. Était-ce un simple jeu de mots, ou une véritable mise en garde ? Je n'osais l'imaginer mais quelque chose au fond de moi me disait qu'elle était bien plus qu'un simple précepte à respecter.

Le poids des implications me frappait de plein fouet alors que je réalisais la véritable nature de ce jeu. C'était bien plus qu'une simple compétition, c'était une lutte pour la survie, un défi où chaque participant était prêt à tout pour atteindre son objectif. La cruelle réalité s'imposait à moi : dans cet univers impitoyable, l'innocence ne servait de rempart à personne. Si je voulais survivre, je devais me montrer plus rusée que jamais, prête à affronter les pires dangers. Mes parents m'avaient envoyée dans cette arène sans même me fournir les armes nécessaires à ma défense, me laissant seule face à un adversaire invisible et redoutable.

Je devais réfléchir rapidement et agir avec prudence. Chaque geste, chaque mot pouvait être décisif dans cette lutte pour ma propre survie. La perspective d'affronter d'autres participants, tous animés par le désir de gagner à tout prix, me remplissait d'une angoisse grandissante. J'étais confrontée à un choix difficile : rester sur la défensive et espérer survivre ou adopter une attitude offensive pour prendre les devants. Quelle que soit la voie que je choisissais, une chose était certaine : je devais me préparer à affronter l'inconnu et à faire face à des défis insoupçonnés.

Mon esprit était un tumulte d'émotions, une tempête qui menaçait de tout emporter sur son passage. Debout, je sentais l'angoisse me serrer le cœur, tandis que mes pensées se bousculaient, s'écrasant les unes contre les autres dans un chaos indescriptible. Je me levai brusquement, pris d'une impulsion irrépressible de m'éloigner de cet endroit, de fuir la pression étouffante de ce jeu dont les règles semblaient aussi obscures que menaçantes.

Chacun de mes pas résonnait dans la ruelle, un rythme effréné dicté par l'urgence de m'échapper de ce lieu oppressant. À chaque tournant, j'espérais trouver le chemin vers ma nouvelle demeure, loin de l'emprise sinistre de cette compétition. Chaque ombre, chaque recoin sombre semblait abriter une menace tapie, prête à surgir et à m'engloutir dans ses ténèbres. Je me hâtais, bousculant maladroitement une femme qui apparut soudainement, des oranges s'échappant de son panier avec un bruit fracassant. Dans son regard surpris, je devinais une question muette sur ma précipitation.

Sans un mot, je continuai ma course folle à travers les rues tortueuses de la ville, à la recherche d'un havre de paix où je pourrais enfin reprendre mon souffle et me préparer à affronter les défis qui m'attendaient dans ce jeu impitoyable.

Cependant, si les passants avaient pris la peine de regarder attentivement, ils auraient peut-être remarqué un sourire en coin, dissimulé dans l'ombre, comme moqueur.

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