CHAPITRE 1

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« Tout n'est que mensonges et tromperies, rien n'est vrai. »

L'ambiance à bord du train était empreinte de calme et de sérénité, accentuée par le velours vert sapin des sièges et les élégantes structures en bois qui conféraient au wagon un charme luxueux. Malgré les paysages grandioses qui défilaient à toute allure à travers les fenêtres, des forêts insondables aux lacs immenses et aux montagnes majestueuses qui semblaient caresser les nuages, mon esprit demeurait captif de ses propres tourments. Pendant les trois heures écoulées, ces panoramas à couper le souffle auraient pu apaiser n'importe quelle âme, mais rien ne parvenait à ralentir le flux incessant de mes pensées. J'étais enfermée dans un labyrinthe mental, incapable de m'échapper, même devant la splendeur de la nature qui s'offrait à moi.

Chaque demi-heure, une lueur d'espoir se glissait à travers l'ombre oppressante de mes pensées tourmentées. L'arrivée de l'employé du train était comme une bouffée d'air frais, une pause bienvenue dans le tumulte de mes tourments intérieurs. Avec prévenance, il proposait aux voyageurs des boissons revigorantes et des collations réconfortantes, transformant brièvement le wagon en un havre de tranquillité. Ces instants fugaces étaient comme des oasis dans le désert de mes préoccupations, des instants de répit où je pouvais enfin reprendre mon souffle, comme si j'avais émergé après une longue plongée dans les abysses de mes pensées.

Je m'amusais à esquisser des vies pour les passagers du train, les observant avec curiosité et imagination. La plupart d'entre eux avaient déjà été les protagonistes de mes pensées, mais il restait encore trois inconnus à démystifier. Parmi eux, se trouvait un homme d'affaires, installé trois rangées derrière moi. Habillé d'un impeccable smoking noir et tenant fermement une mallette, il semblait accorder une attention particulière à sa montre, comme si chaque minute comptait. J'imaginai qu'il avait raté son train précédent et s'était rabattu sur celui-ci, promettant à son employeur qu'il ne serait que légèrement en retard, tout en espérant que cette montre de valeur atténuerait son mécontentement. Le prix de la montre, environ 16 000 unzal, témoignait de son goût pour le luxe, mais le vide à son annulaire gauche laissait entendre qu'il était seul, sans compagne pour partager sa vie trépidante. Malgré cela, il semblait vivre dans un monde où l'ennui n'avait pas sa place, naviguant entre les différents points cardinaux du pays avec une aisance déconcertante.

Quant à la femme située sur la rangée d'à côté, elle partait en vacances. Un repos bien mérité après son année à travailler comme secrétaire d'un patron imbu de lui-même. Elle portait une ravissante robe en satin blanche, avec un magnifique collier en lapis-lazuli qui avait dû coûter dans les 45 unzal. Elle était plongée dans un livre passionnant. Les grimaces qu'elle faisait en fonction de l'avancée de celui-ci en étaient un témoignage. Je ne voyais pas le titre du livre, je me plaisais à penser qu’elle lisait un roman policier. Elle devait en être au moment où l'on comprenait qui était le meurtrier. Le moment où la chasse à l'homme a commencé.

Ce répit que je m'étais accordé n'était toutefois que de courte durée, une fois que le vendeur s'était éclipsé de mon champ de vision, les questions m'assaillaient à nouveau. Ma destination semblait peser sur moi, me laissant les mains moites et la bouche sèche. Un bourdonnement incessant dans mes oreilles, tandis que mes jambes semblaient flancher sous le poids de l'incertitude croissante. Je sentais les tremblements de mon corps grandir à mesure que le temps passait. J'avais l'impression que des ombres dansaient autour de moi, éveillant des frissons le long de ma colonne vertébrale, alors que mon esprit s'enfonçait dans un tourbillon d'appréhension et de doutes. Je sentais le regard invisible des passagers qui ne semblaient pas remarquer mon malaise, absorbés par leurs propres préoccupations.

Mon souffle devenait court, mon cœur tambourinait dans ma poitrine avec une intensité croissante. Chaque battement semblait marteler un avertissement silencieux, soulignant l'urgence de ma situation. Mais, malgré cette agitation intérieure, je me forçais à rester de marbre, à affronter ce qui m'attendait, peu importe les défis qui se dressaient sur mon chemin.

Les questions affluaient sans relâche, mais les réponses demeuraient insaisissables, hors de portée. Mes parents avaient gardé le silence sur les détails, me laissant dans l'obscurité la plus totale quant à la nature de cet événement. Tout ce que je possédais, c'était une vague vision de ce qui m'attendais. On m'avais seulement laissé entendre qu'il s'agissait d'une compétition dont l'enjeu est mon ascension sociale. Une opportunité de gravir les échelons de la société, de me libérer de l'ombre de mes parents et d'enfin trouver ma place dans leurs lignée. C'était seulement ainsi que je pourrais être reconnue comme leur fille légitime, et non plus comme une simple figurante dans leur monde.

J'étais consciente que je n'avais guère le luxe du choix. La pression était palpable, et j'en avait parfaitement consciente. Pourtant, malgré cette acceptation résignée, je ne peux m'empêcher de ressentir un profond désir d'en savoir davantage. Quelque chose de concret, de tangible, pour que je ne sois pas jetée en pâture sans même avoir eu la chance de me préparer.

Il y a une semaine à peine, mon existence à basculé avec la réception d'une lettre des plus énigmatiques. Dans cette missive, déposée entre mes mains, un carton d'invitation scellé d'un emblème représentant un corbeau. Sa simple vue avait éveillé en moi un frisson d'appréhension, comme si le destin tentait de me prévenir des épreuves à venir. Les mots inscrits étaient d'une concision troublante : un lieu, une date, une règle, et ce message énigmatique : « Bienvenue dans le jeu où tous les participants avaient autrefois une personne qui les aimait profondément. Ne faites pas la même erreur qu'eux, Mlle Yllara »

Le sceau du corbeau, symbole ancestral de malheur et de présages funestes, semblait graver dans le papier l'ombre d'un sombre destin. La règle mystérieuse, obscure dans sa simplicité évoquait des enjeux bien plus profonds que ce que mes sens pouvaient appréhender. Tout a commencé la semaine dernière, une lettre m’a été remise.

C'était ainsi, tiraillée entre la curiosité et la peur que je m'étais trouvée propulsée dans ce jeu aux contours insaisissable.

J'avais brassé toutes les éventualités dans ma tête, mais aucune ne me semblait cohérente. Mes parents n'auraient pas pu me pousser dans une situation aussi périlleuse, du moins je l'espérais. Pourtant, je ne pouvais ignorer le doute insidieux qui s'immisçait dans mon esprit : que se passerait-il si je perdais ? Cette question restait sans réponse, comme un nuage noir menaçant, planait au-dessus de moi.

J'avais conscience que mes parents étaient exigeants, mais jamais je n'avais envisagé qu'ils pourraient me mettre à l'épreuve de cette manière. Leurs silence sur les conséquence d'un éventuel exhec ne faisait qu'accentuer mon anxiété. Ils semblaient convaincus de ma capacité à réussir, ce qui ne faisait qu'ajouter à la pression qui pesait sur mes épaules.

Le pire dans tout cela, c'était le sentiment d'être livrée à moi-même, sans personne vers qui me tourner pour obtenir des réponses ou du réconfort. La communication avait toujours été difficile dans ma famille, et cette situation ne faisait que mettre en lumière le fossé entre nous.

Je me retrouvais ainsi déchirée entre la volonté de satisfaire les attentes de mes parents et la peur de ce qui pourrait m'attendre si je venais à échouer. Cette lutte intérieure me consumait, me laissant avec un sentiments d'angoisse palpable qui m'accompagnait à chaque instant.

Le poids de l'incertitude s'alourdissait à chaque instant, enserrant mon esprit dans un étau implacable. Je rêvais secrètement d'une existence ordinaire, où je ne serais pas contrainte de surveiller chacun de mes pas avec méfiance. Alors que je m'apprêtais à sombrer plus profondément dans mes tourments intérieurs, une voix retentit soudain dans le wagon, brisant le silence oppressant pour annoncer notre arrivée imminente à Phocore. C'était là que se déroulait le jeu, un endroit teinté de mystère, régi par une seule règle et regorgeant d'innombrables énigmes à démêler.

Je descendis mes valises, mon sac à dos et me dirigea vers la porte de débarquement. J'espérais qu'une fois arrivées dans mon logement, mes pensées se tranquilliseraient. J'étais tout de même joyeuse de savoir que j'allais visiter une ville que je n'avais jamais foulée. Un endroit avec une renommée folle d'ailleurs. Qui l'aurait cru, j'allais marcher dans les pas de la première reine, celle qui, il y a des centaines d’années, a rendu l'impossible possible. J'allais voir les monuments que celle-ci avait érigés, l'emplacement sur lequel le premier traité de paix avait eu lieu.

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