Chapitre 62 Réunion secrète

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 Après le message de Taglione les invitant à rejoindre le laboratoire central au plus vite, Dengen et Christophorus, qui se trouvaient dans la salle de surveillance à aider les infras encore en poste, s'organisèrent pour rapatrier le plus de matériel et d'informations avec eux.

 Christophorus se félicita d'avoir fait évacuer sa femme et ses deux filles dès le début de la soirée. Elles se trouvaient à l'abri dans une petite isba près du lac Victorius. Devant les rumeurs provenant des étages en proie aux kansikers et aux androïdes, Tanaka et Dongala avait réussi à faire évacuer leur famille grâce à un petit transporteur vers un complexe du secteur 13. Quant à Basiléus Dengen, il ne s'inquiétait de personne. Il pensait EDEA en sécurité sous la garde des hommes de Mac Adams, et Linus, avec le supra Moor. Il n'avait aucune idée de ce que venait de vivre son fils, ni de ce qu'avait subi celle qu'il aimait.

 À présent, les anciens étaient de nouveau réunis dans un bureau annexe aux laborantins du service médical. Dengen avait choisi cette petite pièce pour son absence de caméra de surveillance. Le mobilier plutôt rudimentaire ne permettait pas de prendre ses aises, mais était suffisant pour tenir une réunion d'urgence.

 Depuis la dernière entrevue avec le Commandeur, la situation avait bien changé. Tanaka et Dongala n'en menaient pas large à présent qu'ils prenaient conscience de la menace que représentait les kansikers et les androïdes. Toutefois, Tanaka refusait toujours l'évidence. Il commença donc par demander pourquoi Dashilester et Volk n'étaient pas présents.

 Dengen fit glisser le dossier de Volk vers l'ancien qui le prit avec curiosité. Dongala se pencha pour lire à ses côtés ce que le supra Johansen avait découvert.

— C'est incroyable ! s'écria Dongala en s'adossant à sa chaise, nous n'avons rien vu ! J'ai travaillé avec lui et je n'ai rien vu !

— Et personne n'aurait rien su, si Alma ne s'était pas enfuie ! Car Volk n'aurait pas fait les erreurs qui nous ont permis de le découvrir ! Et le soulèvement nous aurait balayés !

— Le Commandeur... Le Commandeur a refusé de vous croire ! dit Tanaka hésitant.

— Effectivement. Nous pensons, Christophorus et moi, qu'il tente de se servir du mouvement des androïdes pour éliminer le Haut-Conseil en commençant par les anciens. Enfin, sauf Dashilester, qui demeure manifestement très proche de lui.

— Moi aussi, je suis très proche de lui ! s'écria Tanaka outrée, vous faites erreur ! Il s'agit forcément d'un énorme malentendu ! Il doit y avoir un moyen d'arrêter tout ceci !

— Vous lui êtes sans doute moins utile, Tanaka ! Ceci étant dit, ajouta Christophorus, il ne tient effectivement qu'à nous de nous opposer à Openwall et de faire cesser les combats. Démétrius Openwall n'est pas simplement une menace pour le Haut-Conseil, il est devenu dangereux pour la cité entière. Capolkan est en train de vaciller, et il ne fait qu'empirer les choses. Je crains qu'il ne se rende pas bien compte de la gravité de la situation.

 Basiléus Dengen et Silas Christophorus observaient leurs deux collègues plongés dans une profonde réflexion.

— Cela implique des risques. Openwall a de nombreux partisans, opposa Dongala sceptique.

— Nous aussi, rétorqua Dengen

— Ne devrions-nous pas tenter de lui parler de nouveau ? Peut-être en nous déplaçant tous directement ? Que diriez-vous d'une délégation ? proposa Tanaka pour tempérer les ardeurs de Dengen.

— Une délégation ! Tanaka ! Nous n'en sommes plus là ! Il a lancé les kansikers sur la population ! Nom d'un Prax ! Il a perdu la raison ! Il faut faire cesser ce conflit au plus vite et rétablir un pouvoir équilibré. Une opportunité s'ouvre à nous de faire le ménage à la tête de la cité. Nous ferions une erreur fatale en l'ignorant !

— Vous voulez renverser le Commandeur ! s'écria Tanaka

— Je veux assainir le pouvoir ! Et si cela implique de destituer le Commandeur, alors je le ferai !

— Assainir le pouvoir ? Je ne vois pas de quoi vous parlez, Dengen ! Nous avons eu la faiblesse de laisser le champ libre à Openwall, mais c'est là notre seule faute. Si vous vouliez sa place, il y avait des moyens plus simples de l'obtenir.

— Vous vous méprenez Dongala. Je n'ai aucune ambition pour moi-même. Je suis trop vieux. Je vous ai parlé franchement. Je cherche juste à réduire les dommages de la guerre que le soulèvement des androïdes vient de déclencher. Concernant le pouvoir et sa soi-disant salubrité, j'ai là, quelque chose qui risque de faire chanceler vos certitudes, mon ami ! dit Dengen en déposant son communicateur sur la table en l'activant.

— J'ai reçu ceci, il y a peu de temps. J'ignore qui me l'a adressé pour le moment. Ce que je sais en revanche, c'est que ces documents constituent un ensemble de preuves sur les trafics auxquels se livrent des membres puissants du pouvoir. Si la population vient à savoir ce que renferment ces documents, Capolkan chancellera pour de bon ! À nous de prendre les mesures nécessaires pour éviter une guerre civile !

 Tanaka, Dongala et Christophorus prirent connaissance des informations que Cyrus Kreutzer avait soutiré à Claudius. Les trafics de substances illicites, les profits engendrés, les convois vers l'extérieur, tout y était. Un nom revenait de manière récurrente : Ambrose Dashilester. L'ancien Arash Dongala frappa du poing sur la table avec rage.

— Je le savais ! Cette pourriture ! Avec son air mielleux ! Quand je pense que le Commandeur l'a envoyé dans le secteur 11 pour...

 L'ancien n'acheva pas sa phrase réalisant ce qu'impliquait ce qu'il venait de dire.

— Le Commandeur le couvre parce qu'il est au courant... ânonna Christophorus en dévisageant les autres. Tanaka gardait obstinément le silence.

— Tanaka ?

 Dengen avait besoin du soutien de tous les anciens pour mettre son plan à exécution, car ils étaient à la tête de clans puissants. Y compris de celui de Kaito Tanaka qui n'avait jamais caché son mépris pour lui. Il avait besoin de savoir ce qu'il avait compris.

— Je me demande pourquoi vous nous dites tout ceci, Dengen ! Nous pourrions faire partie de ces trafics. Nous pourrions en bénéficier d'une manière ou d'une autre.

— C'est effectivement de l'ordre du possible, Tanaka. Cependant non seulement vos scans n'ont rien révélés d'anormal, mais en plus vos noms ne figurent pas sur la liste. Certains membres de vos clans, mais pas vous.

— La liste ? Quelle liste ?

— Celle des clients de ces trafics.

 Dongala allait protester, quand le communicateur de Dengen se mit à clignoter. L'ancien remarqua que le message réceptionné était signé cette fois. Il provenait du conteur, ce qui éveilla sa curiosité étant donné que ce personnage devait se trouver dans le laboratoire central à cet instant même.

 Dengen afficha le message et lu avec stupéfaction son contenu avant de le passer à ses collègues. Cependant, aucun d'entre eux n'était prêt à apprendre ce que le Kreutzer avait à leur révéler sur les ytualanis.

— C'est impossible ! s'écria Tanaka outré, c'est un tissu de mensonges ! Si c'est là, votre informateur ! On peut aussi douter de ce que vous avez reçu avant !

— Impossible ? Pas si sûr ! Dongala s'était adossé à sa chaise les yeux dans le vague, que savons-nous réellement des ytualanis ? Ce que les chefs suprêmes de la cité successifs et leurs supras à l'exploration des terres ont bien voulu nous en dire ! C'est à dire peu de choses en somme !

 Un silence pesant s'était abattu dans la pièce. Dengen aussi doutait. Et si Tanaka avait raison ? Son informateur était-il l'auteur d'un vaste canular ? Et si ces informations avaient été distillées par le service du Commandeur pour les berner et les pousser à commettre l'irréparable ?

— Il ne nous reste qu'une alternative : rencontrer ce conseil des ytualanis. C'est notre seule chance de savoir si ces informations sont vraies, lâcha Christophorus.

— Nous ne pouvons pas les rencontrer ! Voyons nous n'allons pas quitter le dôme ! Pas maintenant ! Et nous ne pouvons les introduire dans la cité ! Avec tous leurs miasmes ! Tanaka semblait horrifié à l'idée de faire face à des ytualanis.

— Nous allons les rencontrer. Mais avant cela, nous devons parler au Commandeur. Peut-être retrouvera-t-il la raison devant les preuves accablantes ?

 Dengen ne croyait pas en ses paroles. Cependant, il se serait reproché de ne pas tenter une dernière fois de régler le problème de manière diplomatique. Il devait avoir la certitude de l'implication du Commandeur suprême.

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